Un maire peut il interdire les spectacles de cirque détenant des animaux sur sa commune ? La question s’est posée suite à l’arrêté du maire de Limay interdisant les cirques et spectacles détenant des animaux non domestiques en vue de leur présentation au public.
L’arrêté était motivé « par le fait que les cirques itinérants imposent aux animaux qu’ils détiennent des conditions de détention incompatibles avec leurs exigences biologiques, aptitudes et mœurs, qui portent atteinte aux « valeurs de respect de la nature et de l’environnement » et à la moralité publique dont la commune est garante. »
L’arrêté était contesté par le préfet qui considérait qu’aucun trouble à l’ordre public n’était justifié, permettant au maire de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police.
Le tribunal donne raison au préfet, en s’inscrivant dans une jurisprudence bien établie en la matière, d’autant plus que la commune n’a pas défendu son arrêté.
Le tribunal administratif relève que le pouvoir de police spécial des cirques relève du préfet et non du maire:
» Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 que le législateur a organisé une police spéciale des activités impliquant des animaux d’espèces non domestiques qu’il a confiée aux autorités de l’Etat et dont l’un des objets est la protection de ces animaux ainsi que leur utilisation conformément aux principes énoncés aux articles L. 214-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, de sorte que le maire de Limay ne pouvait, sans méconnaître l’étendue de sa compétence, prendre l’arrêté litigieux dans le but d’assurer la protection du bien-être des animaux. »
L’arrêté du maire est donc entachée d’incompétence.
En outre, aucun trouble à l’ordre public ni aucune circonstance locale pouvant permettre au maire de mettre en œuvre ses pouvoirs de police général n’était justifié:
« En l’espèce, l’arrêté contesté n’est expressément fondé sur aucun trouble à l’ordre public. La commune de Limay, qui n’a produit aucun mémoire dans le cadre de la présente instance, n’a pas davantage justifié devant le tribunal de l’existence d’un risque de survenance d’un tel trouble en cas d’installation sur son territoire de cirques ou de spectacles d’animaux en vue de leur présentation au public. Par ailleurs, les conditions de vie des animaux ne relèvent ni de la sûreté, ni de la sécurité ni de la salubrité publiques. Enfin, la circonstance que le traitement des animaux sauvages dans les cirques aurait un caractère immoral ne peut justifier légalement, en l’absence de circonstances locales particulières, qui ne sont en l’espèce pas établies, l’usage par le maire des pouvoirs de police générale qu’il tient des dispositions des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Dans ces conditions, le maire de Limay ne pouvait pas légalement interdire, sur le fondement de ces dispositions, l’installation de cirques avec animaux sauvages sur son territoire. »
Décision commentée: TA Versailles, 3e ch., 14 oct. 2022, n° 2202617.
Voir également comme décision récente: TA Cergy-Pontoise, 5e ch., 9 décembre 2022, n° 2007632.
Voir également : TA Clermont-Ferrand, deuxième chambre, décisions n°2001904 du 8 juillet 2021, Association de défense des cirques de famille ; CAA Lyon, 4e ch. – formation à 3, 30 janv. 2014, n° 13LY00707 ; TA Toulon, 27 févr. 2020, n° 1802097 ; CAA Nantes, 4e ch., 8 avr. 2022, n° 21NT02553
NB: Il est à noter que les cirques avec animaux seront à terme interdits en application de la la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes (interdiction d’acquérir de commercialiser puis de détenir à compter respectivement de 2023 puis 2028).