Les élus d’opposition des conseils municipaux des communes de plus de 1000 habitants ont le droit à s’exprimer dans une « tribune de l’opposition ». Classiquement réalisée dans le cadre d’une page du bulletin ou du journal municipal, ce droit s’étend désormais aux réseaux sociaux de la commune.
L’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose en effet sans distinguer selon le mode de diffusion :
« Dans les communes de 1 000 habitants et plus, lorsque des informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal sont diffusées par la commune, un espace est réservé à l’expression des conseillers élus sur une liste autre que celle ayant obtenu le plus de voix lors du dernier renouvellement du conseil municipal ou ayant déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale. Les modalités d’application du présent article sont définies par le règlement intérieur du conseil municipal. »
Il était à cet égard établi depuis longtemps que le droit à l’expression des élus d’opposition devait s’entendre largement à « toute mise à disposition du public de messages d’information portant sur les réalisations et la gestion du conseil municipal doit être regardée, quelle que soit la forme qu’elle revêt, comme la diffusion d’un bulletin d’information générale », c’est à dire non seulement au bulletin municipal mais également aux bilans de mi-mandat, aux sites internet, ou aux rapports annuels, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon la diffusion papier ou numérique du support (CAA Versailles, 17 avr. 2009, Cne de Versailles, n°06VE00222).
La jurisprudence est intervenue pour juger que cet espace réservé à l’expression des élus de l’opposition pouvait s’appliquer aussi aux réseaux sociaux, et en particulier à Facebook.
Plusieurs tribunaux administratifs ont ainsi jugé que la page facebook officielle d’une collectivité territoriale était qualifiable d » informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal » entrant dans le champ d’application de l’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales.
Ainsi, le tribunal administratif de Melun constate que la page facebook officielle de la ville de Lagny Sur Marne « comporte de nombreux documents écrits, photographiques et vidéos retraçant, en temps réel, l’action de la majorité municipale » qu’ainsi, cette page Facebook, qui ne se borne pas à délivrer des informations pratiques aux habitants de la commune, à rapporter des événements en cours ou à annoncer des manifestations à venir, doit également être regardée comme un bulletin d’information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal au sens des dispositions de l’article L. 2121–27–1 du code général des collectivités territoriales » (TA Melun, 30 nov. 2017, n° 1605943, 1605947 ).
Cette jurisprudence est reprise par de nombreuses juridictions (CAA Lyon,26 juin 2018, n° 16LY0410 ; TA Cergy-Pontoise, 13 déc. 2018, n° 1611384 ; TA Montreuil 2 juin 2015 N°1407830 ; TA Dijon, 29 sept. 2016, n° 1402816). Il faut se garder de généraliser cependant et la solution dépendra en pratique de l’usage fait par la collectivité territoriale de sa page facebook.
La commune doit alors en conséquence offrir un « un espace réservé à l’expression des conseillers élus sur une liste autre » sur le réseau social. A cet égard, la jurisprudence considère que la possibilité de déposer des commentaires ou de poster des messages sur la page facebook ne peut être qualifié d’espace réservé à l’expression des élus d’opposition: « En effet, à supposer que les tiers puissent y rédiger des commentaires sous les publications officielles de la commune, voire même poster directement des messages sur cette page, ce qui ne ressort pas des pièces des dossiers, l’administrateur de la page pourrait librement les supprimer ou les bloquer et, en tout état de cause, les publications des tiers n’ont pas le même statut que celles de l’administrateur, n’apparaissant notamment sur la page que si le lecteur demande à les voir » (TA Melun, 30 nov. 2017, n° 1605943, 1605947).
Dans le même sens, « le fait que l’opposition municipale puisse créer une page propre ne serait pas de nature à elle seule à lui garantir un droit d’expression sur le bulletin d’information générale que constitue la page officielle de la commune » (ibid). La jurisprudence administrative retoque également l’argument technique selon lequel « les caractéristiques techniques de ce réseau social rendraient impossible la création d’un espace dédié à l’expression de ces élus » (TA Cergy-Pontoise, 13 déc. 2018, n° 1611384).
En revanche, le juge administratif a pu refuser le droit d’expression des élus d’opposition sur à twitter: « A supposer même que le compte Twitter de la commune puisse être regardé comme un bulletin d’information générale au sens de l’article L. 2121–27–1 du code général des collectivités territoriales, ses caractéristiques techniques font obstacle à ce qu’y soit réservé aux conseillers municipaux n’appartenant pas à la majorité un espace propre d’expression. Dans ces conditions, le maire a pu sans méconnaitre le texte mentionné ci-dessus rejeter la demande du requérant. » (TA Cergy-Pontoise, 13 déc. 2018, n° 1611384). Cette jurisprudence, isolée reste à confirmer. A notre connaissance, aucune jurisprudence n’a été rendue pour Instagram, de plus en plus utilisé par les communes. Affaire à suivre.