Le maire ne pouvait pas muter la policière ayant signalé des faits de harcèlement

Les mutations peuvent parfois être utilisée par les administrations pour mettre au pas des fonctionnaires, parfois en représailles à des signalements. C’est une telle mutation qui est annulé par le tribunal administratif d’Orléans dans une décision assez exemplaire.

L’affaire portait sur un agent public au sein de la commune de Chartres, gardien-brigadier. Cette dernière avait signalé des  les comportements déviants d’un de ses collègues à sa hiérarchie. Elle avait  également dénoncé les multiples propos à caractère sexuel, particulièrement vulgaires, proférés au sein du service et attesté de brimades, vexations, humiliations récurrentes et constantes de la part de ses collègues en représailles à son signalement administratif et de ce qu’elle et le brigadier-chef principal étaient totalement ostracisés au sein des services de la police municipale. Suite à l’alerte, l’agent signalé avait quitté les le service de la police municipale mais les autres agents des services municipaux se sont alors ligués contre elle selon la requérante.

Suite à cette situation, l’agent avait fait l’objet d’un changement d’affectation vers un service de vidéo-verbalisation. C’est cette mutation qui était contesté en justice: une sanction déguisée pour la requérante, une mutation dans l’intérêt du service pour la mairie.

Le juge rappelle la protection accordée par l’article L. 135-4 du code général de la fonction publique : « Aucun agent public ne peut faire l’objet d’une mesure concernant le recrutement, la titularisation, la radiation des cadres, la rémunération, la formation, l’appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, le reclassement, la promotion, l’affectation …… pour avoir : / 1° Effectué un signalement… / 2° Signalé ou témoigné des faits mentionnés aux articles L. 135-1 et L. 135-3 du présent code.  »

S’agissant de l’urgence à statuer, le juge relève les conséquences financières et morales de la décision sur l’agent muté:

 » l’affectation en litige entraine  une dégradation des conditions de travail de la requérante, d’autre part, qu’elle a des conséquences financières importantes pour celle-ci qui, depuis de nombreuses années, participait au service nocturne de surveillance générale et faisait des heures supplémentaires, ce qui lui permettait d’avoir près de 600 euros mensuels en plus, qui lui sont nécessaires pour élever sa fille avec laquelle elle vit seule ». En outre outre, la mutation « révèle une discrimination de nature à porter une atteinte à la santé psychique de la requérante, qui justifie d’ailleurs d’arrêts maladie ».

La défense de la commune tirée des nécessités du service liée à la nécessité de mise en œuvre un système de vidéo-verbalisation est rejetée. La commune, selon le juge n’établit pas sérieusement que les tâches imparties à la requérante, à supposer qu’elles relèvent nécessairement d’un agent assermenté, ne pourraient pas être exécutées par un ou des autres agents municipaux, selon des modalités ne mettant pas en péril leur santé, et ne démontre pas un intérêt public qui justifierait de maintenir la requérante sur ce poste. »

Le juge considère que le changement d’affectation ordonné d’office contesté revêt le caractère d’une sanction disciplinaire déguisée et constitue une mesure discriminatoire et suspend donc la mutation.

La décision de mutation prise par le maire est donc suspendue.

TA Orléans, 30 mai 2023, n° 2301716