Un élève ne peut être exclu de son lycée pour des fautes commises par ses parents ou en raison de l’usage de sa liberté d’expression

Il n’est pas inhabituel que des enfants soient exclus de leur école ou collège non en raison de leur propre comportement, mais suite aux faits reprochés par le chef d’établissement aux parents de l’enfant. C’est illégal, juge logiquement le tribunal administratif de Strasbourg:  un élève ne peut être exclu de son lycée pour des fautes commises par ses parents.  La décision est également intéressante en ce qu’elle refuse également l’exclusion sur le terrain de la liberté d’expression de l’élève.

L’affaire portait sur une élève de seconde. Suite d’une discussion entre l’élève et un de ses enseignants sur la religion et la laïcité, la mère et l’oncle de Mme A s’en étaient pris à l’enseignant. L’élève a quant à elle été exclue du lycée à titre conservatoire et elle a été convoquée par courrier du 14 octobre 2022 à un conseil de discipline pour des faits d’apologie du terrorisme à l’issue duquel elle a été exclu. La sanction a été confirmée par la commission d’appel.

Le juge retient que le recteur reprochait à l’élève d’avoir, lors d’une discussion avec un enseignant à l’issue d’un cours sur la laïcité, dit au sujet des caricatures publiées dans le journal Charlie Hebdo : « qu’ils avaient intérêt à avoir eu ce qu’ils ont eux », puis que « les lois du Coran sont supérieures aux lois de la République » et « caricaturer le prophète ou lui manquer de respect est très grave, même vous monsieur nous ne pouvez pas ».

Toutefois le juge relève que les témoignages des différentes personnes présentes lors de cette discussion, qui sont contradictoires, ne permettent pas d’établir que le contenu et le sens précis des paroles effectivement prononcées par l’élève correspondent aux propos qui lui sont reprochés. En outre, les personnes présentes témoignent toutes du caractère calme des échanges, et pour la majorité d’entre elles de ce que l’élève a critiqué les caricatures sans pour autant faire l’apologie des attentats dont a été victime le journal. Au regard de l’ensemble de ces éléments, les faits d’apologie du terrorisme reprochés à l’élève ne peuvent être considérés comme établis.

Le recteur de l’académie de Strasbourg reprochait à l’élève, de manière plus générale, son discours hostile aux caricatures et à toute critique ou restriction des pratiques religieuses, et le fait qu’elle a annoncé en début d’année qu’elle refuserait de se mettre en tenue de bain pour des cours de natation. Le juge considère sur ce point que la jeune fille n’a pas outrepassé les limites de la liberté d’expression reconnue à chaque élève.

Le recteur reprochait enfin  à l’élève le trouble créé au sein de l’établissement, résultant notamment de la médiatisation de l’affaire, des craintes pour la sécurité au sein de l’établissement et des mesures de sécurisation subséquentes. Cependant le juge relève que l’élève ne pouvait être tenus responsable du trouble – avéré – causé par sa mère et son oncle.

Le juge conclut en considérant qu’aucune des fautes reprochées à l’élève n’est établie ou ne lui est imputable. La décision d’exclusion définitive est donc annulée.

TA Strasbourg, 2e ch., 21 juill. 2023, n° 2300638.