Le référé liberté peut être utilisée pour obtenir une affectation scolaire nécessaire pour que l’enfant bénéficie d’une scolarisation adaptée. C’est la nouveauté apportée par une ordonnance du tribunal administratif de Rouen.
L’affaire portait sur un élève en situation de handicap, atteint de troubles du spectre autistique, scolarisé en ULIS dans son collège d’affectation. Ce dernier n’avait pas pu accéder à un CAP dans un établissement bénéficiant d’un dispositif ULIS ce qui compromettait fortement son éducation future.
Le juge rappelle en premier classiquement la jurisprudence du Conseil d’Etat du 15 décembre 2010, n° 344729, rendue en matière de référé liberté appliquée au droit à l’éducation:
» La privation pour un enfant, notamment s’il souffre d’un handicap, de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire adaptée, selon les modalités que le législateur a définies afin d’assurer le respect de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Elle est, par suite, de nature à justifier l’intervention du juge des référés sur le fondement de cet article, sous réserve qu’une urgence particulière rende nécessaire l’intervention d’une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures. Lorsqu’il est soutenu, à l’appui d’une demande présentée sur le fondement de l’article L. 521-2, qu’un enfant handicapé ne bénéficie pas d’une scolarisation ou d’une formation scolaire adaptée, il appartient au juge des référés d’apprécier le caractère grave et manifestement illégal d’une telle atteinte en tenant compte, d’une part, de l’âge de l’enfant et, d’autre part, des diligences accomplies par l’autorité administrative compétente, au regard des moyens dont elle dispose. »
Le juge prend en compte le fait que les parents n’ont formé qu’un seul vœu d’affectation pour la rentrée scolaire 2022-2023, mais sans que ce la soit bloquant:
« Cependant, contrairement à ce que fait valoir la rectrice en défense, d’une part compte tenu du handicap du jeune B C, et notamment de ses difficultés en motricité fine, une orientation vers des domaines manuels apparaît compliquée, d’autre part, si cinq lycées professionnels publics, dont quatre disposent d’une ULIS, proposent la formation en CAP vente envisagée, les autres lycées nécessiteraient l’accueil de Florian en tant qu’interne, ce qui semble difficilement envisageable au regard de son handicap. »
« Dans ces conditions, la rectrice de l’académie de Rouen n’est pas fondée à soutenir que la situation de déscolarisation résulte uniquement du choix des parents et la condition d’urgence doit, en l’espèce être regardée comme remplie. »
Le juge censure l’absence de bonification en commission départementale préalable à l’affectation pour la sélection affelnet:
« dès lors que l’ensemble des élèves retenus pour le CAP visé par Florian C a bénéficié d’une bonification, le barème Affelnet, établi en fonction des compétences acquises et des notes des élèves n’est pas déterminant. Par suite, par sa décision de non-bonification du dossier de cet élève, l’administration a, de ce fait, exclu la possibilité pour ce jeune d’intégrer ce CAP, alors qu’il correspond au projet pédagogique élaboré avec l’équipe éducative et qu’étant situé à 20 km du domicile familial, il est accessible à Florian sans être interne. Dans ces conditions, cette non-bonification, sans proposition à la famille d’une autre orientation compatible avec le projet pédagogique mis en place au cours de l’année précédente, impliquait nécessairement une impossibilité de poursuite scolaire, le maintien de Florian dans son collège précédent évoqué en défense ne pouvant être regardé comme répondant à l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’éducation. »
Le juge conclut en considérant que l’inscription de l’enfant sur liste complémentaire pour le CAP demandé, alors que ce lycée bénéficie d’un dispositif ULIS doit être regardée comme caractérisant une carence de l’État à répondre aux préconisations de la CDAPH, qui a porté une atteinte grave et manifestement illégale à l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction.
Le juge ordonne à la rectrice de procéder à l’affectation de l’enfant dans le CAP demandé pour l’année scolaire 2022-2023. Il est à noter que le fait qu’il soit affecté en surnombre n’est pas bloquant « dès lors qu’il s’agit d’un CAP tertiaire, sans manipulation ».
Le référé liberté en matière d’éducation n’est donc pas cantonné aux hypothèses de déscolarisation, d’orientation ou de manque d’AESH comme dans les rares décisions ayant prospérée, mais peut aussi servir en matière d’affectation.
TA Rouen, 22 sept. 2022, n° 2203677. Voir également, CE, 4e ch., 27 févr. 2017, n° 404483 et CE, juge des réf., 15 déc. 2010, n° 344729, et CE, juge des réf., 15 janv. 2019, n° 426189 ; Et pour une autre ordonnance en matière d’affectation via référé liberté d’un enfant en situation de handicap: TA Montreuil, 27 sept. 2022, n° 2213908.