Les collectivités territoriales peuvent-elles octroyer des dons pour restaurer Notre-Dame ?

Des collectivités territoriales ont annoncé d’importantes promesses de dons pour financer la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Passé l’émotion, la légalité de ces dons pourrait être remise en question.

De tels dons ne poseraient certes pas de difficulté au regard de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. L’article 19 de la grande loi de 1905 dispose en effet que « Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques« . Il suffirait en effet de justifier que la subvention n’est pas utilisée à des fins cultuelles (CE, 4 mai 2012, n°336462).

Cependant, même dans ce cadre, les collectivités territoriales ne peuvent intervenir que dans le  champ de leurs compétences. Pour les régions et les départements, ces compétences sont strictement et limitativement définies par le code général des collectivités territoriales. Les communes peuvent ainsi se prévaloir d’une clause générale de compétence mais elles ne peuvent agir que si leur action est justifiée par un « intérêt public local » (article L. 212129 du CGCT). Cet intérêt public est défini localement, en tenant compte non pas du territoire mais des besoins de la population locale (CE 22 nov. 2002, Cne de Gennevilliers, no 229192).

A titre d’illustration, il a été jugé que le conseil général de l’Oise ne pouvait allouer une subvention pour la restauration du village de Colombey-les-Deux-Eglises situé dans un autre département, compte-tenu de « l’absence, entre le département de l’Oise et la commune de Colombey-les-Deux-Eglises, d’un lien particulier qui serait de nature à justifier la participation de ce département à une telle opération » (CE 16 juin 1997, n° 170069).

Dans le cadre juridique actuel, il semble délicat d’identifier, pour les collectivités territoriales situées hors de l’Ile-de-France, un quelconque intérêt public local attaché à la reconstruction de Notre-Dame de Paris. Ces difficultés juridiques pourraient cependant être levées par le projet de  loi ad hoc que prépare le gouvernement.

 

Mise à jour du 25 avril 2019:

Le projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet, vient comme escompté supprimer le risque d’illégalité des subventions (votées postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi).

L’article 4 du projet de loi précité dispose ainsi que « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent également opérer des versements au titre de la souscription nationale auprès de l’État ou de l’établissement public chargé de la restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris ».