Former une requête en appel contre un jugement d’un tribunal administratif s’effectue en principe devant une cour administrative d’appel. La conduite d’une telle procédure nécessite d’être vigilant au risque de voir son recours en appel rejeté pour irrecevabilité.
1. La possibilité de former un appel
Qui peut faire appel
L’appel n’est ouvert qu’aux parties au jugement de première instance. Par exception, est recevables à faire appel en matière électorale, toute personne intéressée s’agissant d’un jugement qui a annulé ou modifié les résultats d’un scrutin (CE 11 avril 1973, Élections au conseil de l’UER no 3 de l’Université de Bordeaux II, n° 90380, 90381, 90382).
Appel ou pourvoi en cassation
Interjeter appel permet qu’un nouveau juge soit saisi de l’intégralité de l’affaire de première instance, et statue tant sur le droit que sur les faits. Cependant, dans certaines hypothèses, seul un recours en cassation est autorisé, dans le cadre duquel le juge n’examine que les points de droit et de procédure.
Ainsi, pour notamment les litiges suivants, il n’est pas possible de faire appel mais seulement de former un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat:
- pensions ;
- consultation et de communication de documents administratifs ou d’archives publiques
- impôts locaux et à la contribution à l’audiovisuel public, à l’exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ;
- refus de concours de la force publique pour exécuter une décision de justice ;
- actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités initialement demandées est inférieur à 10 000 euros (sauf en matière de contrats de la commande publique);
- décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise gracieuse ;
- prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi, mentionnés à l’article R. 772-5, y compris le contentieux du droit au logement
- permis de conduire
Il convient dans ce cas de se rapprocher d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation.
NB: la faculté d’interjeter appel a été récemment supprimée pour toutes les ordonnances de série, quel que soit l’objet du litige (art. R. 811-1 CJA).
2. Déterminer la juridiction d’appel compétente
Si l’appel est autorisé, il convient de déterminer le juge d’appel compétent.
Le Conseil d’État est cependant le juge d’appel pour certains litiges, notamment ceux relatifs aux élections municipales et cantonales et s’agissant des ordonnances des juges des référés liberté rendues après audience. Le Conseil d’État demeure également le juge d’appel des décisions rendues en premier ressort par les juridictions administratives spécialisées, sauf si la loi en dispose autrement (CJA, art. L. 321-2).
3. Déroulement de la procédure d’appel
L’instruction
Délai de jugement
Le délai moyen de procédure, entre le dépôt de la requête de la lecture de l’arrêt, est compris entre un et deux ans et demi. Ce délai varie selon les cours administratives d’appel, plus ou moins encombrées, la nature et la complexité de l’affaire et la diligence des parties.
Absence d’effet suspensif de l’appel
Le recours en appel n’est pas suspensif (article R.811‑14 du code de justice administratif)). Le jugement du tribunal administratif contesté doit donc être exécuté pendant la procédure d’appel.
Il est cependant possible de déposer une demande de sursis à exécution du jugement. Elle requiert que l’appelant démontre non seulement que le jugement doive être annulé, soit pour irrégularité soit au fond, mais également que les conclusions de première instance auraient dû être rejetées ; le prononcé du sursis est donc exceptionnel (article R.811-15 du code de justice administrative). Elle doit être présentée par requête distincte (art. R811-17-1 du CJA)
4.Rédaction de la requête d’appel
Mentions obligatoires de la requête d’appel
La requête en appel devant une cour administrative d’appel doit comprendre:
- les conclusions : ce qui est demandé à la cour (l’annulation totale ou partielle du jugement du tribunal administratif, l’annulation de la décision contestée devant le tribunal, l’octroi de dommages et intérêts).
- l’exposé des faits ;
- les moyens de droit : les arguments juridiques au soutient des conclusions .
La requête en appel ne peut se contenter de reprendre l’argumentation figurant dans la requête présentée au tribunal administratif. Est ainsi irrecevable l’appel qui ne présente pas au juge du second degré des moyens expressément dirigés contre le jugement dont appel (CE 11 juin 1999, OPHLM de la ville de Caen, n° 173972). Il convient de démontrer en quoi le jugement n’a pas donné la solution que justifient les faits et les règles de droit applicables.
La requête doit être signée et mentionner les nom, prénom et adresse.
Argumentation juridique en appel
Le principe est celui de l’irrecevabilité de principe des conclusions nouvelles en appel. Autrement dit, il ne peut être déposé devant la cour administrative d’appel que des demandes déjà effectuées auprès du tribunal administratif. En effet, l’appel a pour objet de soumettre au juge du second degré le litige tranché par le juge de première instance.
Par exception, certaines conclusions nouvelles sont recevables en appel:
- possibilité d’augmenter en appel le montant d’une indemnité demandée en première instance lorsque « l’étendue réelle des conséquences dommageables d’un même fait n’est connue que postérieurement au jugement de première instance » (CE 8 juill. 1998, Dpt de l’Isère, n°132302).
- possibilité de chiffrer les conclusions indemnitaires pour la première fois en appel si le requérant n’a pas été invité par les premiers juges à chiffrer son préjudice (CE 6 janv. 1989, Guerrault, n° 79873 ou de détailler les préjudices en restant dans les limites de l’indemnité chiffrée en première instance (CE 31 mai 2007, M. H., n° 278905 ) ;
- possibilité d’invoquer en appel de nouveaux chefs de préjudice lorsqu’ils se rattachent au même fait générateur et ce, même si aucun chef de préjudice précis n’avait été spécifié en première instance (CE 23 janv. 2012, Mlle Frulin, n° 346689) ;
- possibilité ouverte aux parties à un contrat administratif dont la nullité est constatée en appel de présenter pour la première fois à ce stade de la procédure des conclusions indemnitaires fondées non plus sur la responsabilité contractuelle initialement engagée, mais sur l’enrichissement sans cause ou sur la faute commise en passant un contrat nul :
- possibilité pour une collectivité publique d’opposer pour la première fois en appel la prescription quadriennale (CAA Paris, 25 mai 2000, Genevier c/Dpt de l’Essonne, n° 99PA00523) ;
- obligation pour le juge d’appel de se prononcer sur une question préjudicielle dans l’état où elle se présente à la date à laquelle il se prononce et ce, même si la question a été modifiée ou complétée en cours d’instance par la juridiction judiciaire (CE 17 oct. 2003, Synd. des copropriétaires de la résidence Atlantis et a., n° 247747) ;
- possibilité de présenter pour la première fois en appel des conclusions à fin d’injonction, (CE 10 oct. 2012, Office public de l’habitat de Châtillon c/Mme Hamet, n°347128
5. Dépôt de la requête d’appel
Délai d’appel
Le principe est que le délai d’appel contre un jugement de tribunal administratif est de deux mois. Il court contre toute partie à l’instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie (Article R.811-2 du code de justice administrative).
Par exception, le délai d’appel à Mayotte, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie est porté à trois mois.
Le délai d’appel est parfois inférieur à deux mois notamment dans les cas suivants:
- appel des ordonnances de référé : quinze jours
- appel des jugements rendus en matière d’élections municipales et cantonales : un mois (Code électoral, art. R. 11 et R. 123) ;
- appel des jugements rendus en matière de décisions assorties d’une obligation de quitter le territoire français et de reconduite à la frontière : un mois (art. R. 776-9 du code de justice administrative).
Modalités d’envoi de la requête en appel
Il convient d’envoyer la requête au greffe du tribunal en autant d’exemplaires que de parties au litige. Par exemple, lorsqu’il n’y a que deux parties au litige (le requérant et le défendeur), la requête devra être déposée ou envoyée en deux exemplaires.
La requête est nécessairement accompagnée :
- de la copie du jugement du tribunal administratif contestée ;
- des copies de toutes les pièces justificatives utiles à la résolution du litige, y compris celles q déjà communiquées à l’administration ou au tribunal administratif.
En pratique, la requête est déposée par les avocats sur télérecours.
NB: le décret n°2016-1481 relatif à l’usage des téléprocédures l’a rendu obligatoire à compter du 1er janvier 2017 pour les avocats et certaines collectivités. L’obligation concerne non seulement les avocats, ce qui était attendu, mais également les personnes publiques, à l’exception des communes de moins de 3 500 habitants et des personnes morales de droit privé chargées d’une mission permanente de service public (art. R. 414-1 du code de justice administrative).
Représentation par un avocat
Contrairement aux recours devant les tribunaux administratifs, l’obligation de ministère d’avocat est généralisée en appel. On note l’exception du ministère d’avocat obligatoire en matière de contraventions de grande voirie et pour les demandes d’exécution de jugement ou d’arrêt.
NB: Depuis une récente réforme, la dispense d’avocat a été supprimée pour les contentieux d’excès de pouvoir de la fonction publique (art. R. 811-7).
Coût de la procédure devant la cour administrative d’appel
- Honoraires d’avocat
- Frais et dépens
- Condamnation de la partie perdante aux frais irrépétibles pour indemniser les frais engagés par l’autre partie.
L’aide juridictionnelle est ouverte sous conditions de ressources.
Port: 06 51 56 05 36