Le maire ne peut pas obliger un bar à fermer à 20h y compris en cas de troubles à l’ordre public avérés

« Avant l’heure c’est pas l’heure » : c’est ce qui a été jugé par la cour administrative de Bordeaux. La question portait sur la possibilité pour un maire de faire fermer – beaucoup – plus tôt un débit de boisson en cas de trouble à l’ordre public avéré ? Jusqu’où peut aller un maire dans le cadre ses pouvoirs de police et de garant de l’ordre public ? Le gérant d’un débit de boisson peut il obtenir indemnisation en cas de sévérité excessive du maire? C’est à ces réponses que répond l’arrêt commenté.

Dans cette affaire, le bar « Chez Max » avait engendré de nombreux troubles en soirée à l’occasion de concerts dans le cadre desquels le bar ferme entre 2 heures et 3 heures » (ivresse des clients, klaxon, bagarres générales devant l’établissement….) ce qui a été admis par le juge administratif. Ainsi, le juge considère comme légal qu’au regard de ces troubles  » le maire prît une mesure de police sur le fondement des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales afin de règlementer l’heure de fermeture du bar « Chez Max » de manière plus restrictive que la règlementation prévue par l’arrêté du préfet ». »

Cependant, le maire ne pouvait aller trop loin dans la restriction horaire, en application du principe selon lequel les mesures de police administrative doivent être strictement proportionnées:

« Toutefois, s’il appartenait bien au maire de Valeyrac en vertu des pouvoirs de police qu’il tient du 2° de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales de fixer, en cas de nécessité dans l’intérêt du bon ordre et de la tranquillité publique, des heures de fermeture du débit de boisson « Chez Max » plus restrictives que celles fixées par le préfet, il résulte de l’instruction qu’en fixant, par l’arrêté litigieux, à 20 heures l’heure limite de fermeture du bar, sans limitation dans le temps, et ce sauf dérogations ponctuelles et exceptionnelles à l’occasion de fêtes locales à caractère traditionnel, de manifestations collectives, de réunions fortuites ou privées (repas de noces et banquets) ou de nécessités particulières, le maire a pris, dans les circonstances de l’espèce, une mesure excédant celle qui était strictement nécessaire pour que soient assurés le bon ordre et la tranquillité publique. Ainsi, il a porté une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l’industrie. »

Autrement dit, le maire pouvait avancer l’heure de fermeture, plus tôt que la limite préfectorale de 2 heure du matin, mais ne pouvait aller jusqu’à 20h, ce qui était excessivement tôt.

Le juge fait ensuite droit aux demandes indemnitaires, pour la période litigieuse où le bar a du fermer  à 20h soit le premier semestre 2017. Le juge compare le résultat net du bar avant et après prise de l’arrêté municipal et constate une perte de bénéfice net pendant la période concernée s’élevant à de 4 387,02 euros, correspondant à une baisse d’environ 70 %.  La commune est donc condamnée à indemniser l’établissement à hauteur de cette somme au titre de son préjudice financier, auquel s’ajoute 1000 € de préjudice moral.

Décision commentée: CAA Bordeaux, 7e ch., 24 mars 2022, n° 20BX01139.