Contester en justice une fermeture de classe

Une décision de fermeture de classe peut avoir des conséquences graves pour les élèves, qu’ils soient obligés de changer d’école parfois loin de leur domicile ou qu’ils se retrouvent en surnombre dans les autres classes. Alors que ces décisions sont amenées à se multiplier en raison de changement démographiques, les parents d’élèves et les communes subissant ces décisions peuvent agir devant les tribunaux administratifs.

Le cadre juridique de ces décisions dépend de plusieurs facteurs: s’agit-il d’une fermeture de classe ou de toute une école ? La fermeture de classe résulte t elle d’une fusion d’école, ou d’une suppression de poste? La classe est-elle en milieu rural ? Est-ce la dernière classe de la commune? S’agit il d’enseignement primaire ou secondaire? Quelles seront les conséquences pour les enfants?

L’analyse de la jurisprudence permet de relever plusieurs hypothèses où les requérants ont eu gain de cause suite à des recours contre les décisions de fermeture de classe prise par les services du rectorat.

Le juge annule tout d’abord les décisions de fermeture de classe en cas de vice de procédure. C’est le cas par exemple quand la décision n’a pas été précédée des consultations prévues par les textes, tels que la consultation du conseil départemental de l’éducation comme prévu à l’article R235-11 du Code de l’éducation ou la prise d’avis du comité technique paritaire départemental comme exigé par l’article D. 211-9 du code de l’éducation.

Le tribunal administratif de Clermont a ainsi annulé une décision de fermeture de classe alors que le comité technique paritaire et le conseil départemental de l’éducation nationale départemental avaient été bien réunis, mais qu’il n’avait pas émis d’avis (TA Clermont-Ferrand, 7 févr. 2008, n° 070709 ; TA Clermont-Ferrand, 25 août 2011, n° 1101523 ; TA Amiens, 4 juill. 2013, n° 1301548 : et sur l’annulation d’un retrait de poste TA Lyon, 28 févr. 2013, n° 1104232).

La jurisprudence censure également l’hypothèse où le département n’avait pas été consulté. C’est le cas du tribunal administratif de Poitiers qui a annulé une décision de fermeture de classe car le département n’avait pas été consulté par écrit, par l’inspecteur d’académie comme prévu à l’article D? 213-29 du Code de l’éducation (TA Poitiers, 28 mai 2009, n° 0801747 ; voir aussi TA Limoges, 7 nov. 2013, n° 1300818. et TA Limoges, 11 juill. 2013, n° 1300939.).

La jurisprudence peut vérifier que le conseil municipal a été consulté. Ainsi le tribunal administratif de Grenoble avait annulé la décision de fermeture de classe pour absence de consultation du conseil municipal (TA Grenoble, 3 sept. 1975, Lebon.) La position est plus nuancée aujourd’hui. Selon la circulaire de 2003 relative à la carte scolaire, « Bien que le Conseil d’État ait jugé (CE n°87522 ministre de l’éducation nationale/commune de Meilhan-sur Garonne 28 octobre 1992) que, légalement, la consultation de la commune, avant toute décision de retrait de poste, n’était pas obligatoire, cette consultation apparaît tout à fait indispensable. »

On retrouve la même exigence de respect de la procédure prévue par le code de l’éducation pour les fermetures de classe de lycée. Le juge a annulé une décision du proviseur du lycée fermant une classe en raison de la convocation tardive du conseil d’administration et de la commission permanente . Le juge censure dans la même affaire le défaut d’instruction de la question de l’organisation en classes au regard des effectifs d’élèves par la commission permanente qui a privé les membres du conseil d’administration, de la garantie liée à l’existence d’une proposition du conseil d’administration, telle que prévue aux articles R. 421-9 et R. 421-25 du code de l’éducation (TA Châlons-en-Champagne, 15 déc. 2015, n° 1501711).

Le juge censure l’absence de réalisation d’étude d’impact préalable à la fermeture d’une école (CAA Nancy n°00NC01168 3e ch., 21 juin 2001, n° 00NC01168.).

Le tribunal administratif peut également censurer la fermeture de classe en raison d’illégalité « interne » et non de vice de procédure.

Ainsi, un tribunal administratif a-t-il pu censurer une fermeture d’école sur le fondement de l’article L.212-2 du code de l’éducation qui prévoit que, tout hameaux ou agglomération doit être pourvue au moins d’une école élémentaire publique s’il est éloigné d’une distance de trois kilomètres et réunit au moins quinze enfants d’âge scolaire (TA Orléans, 6 oct. 2011, n° 1101825.)

Un tribunal administratif a pu annuler une décision de fermeture au regard des conséquences de la décision sur leur situation et notamment l’allongement des trajets quotidiens » et des conséquences irréversibles de la décision quant à la disparition de la dernière école de proximité du quartier nord de la presqu’île de la ville (TA Lyon, 3 mai 2019, n° 1902542 et n° 1902599 ; voir dans le même sens TA Besançon 1er juillet 2011, n°1100840).

L’administration doit également prendre en compte le nombre d’élèves et le nombre de classe de l’école, sans entacher sa décision d’erreur d’appréciation (CE, 4 / 1 ss-sect. réunies, 20 avr. 1984, n° 47666, validant TA Grenoble, 8 juill. 1981, Lebon. )

On relève également qu’il est possible aux parents d’élèves de demander l’annulation non de la fermeture de classe mais de la suppression d’un poste d’enseignant, qui peut indirectement avoir les mêmes conséquences (TA Besançon, 3 déc. 2013, n° 1300700 ; TA Limoges, 11 juill. 2013, n° 1300939. ).

Une décision illustrant bien le contrôle du juge est l’annulation d’une suppression de poste, qui aurait pour effet d’avoir plus de 35 élèves par classe de maternelle alors que l’école comprenait en outre 9 élèves demandeurs d’asile défavorisés pour la maîtrise de la langue française (TA Clermont-Ferrand, 16 août 2007, n° 071331. )

De nombreux arguments peuvent donc être invoqués devant les tribunaux pour faire annuler une décision de fermeture de classe, de fermeture d’école ou de suppression de poste d’enseignant.