Vente d’un bien bradé par une commune et information (in)sincère du conseil municipal

A quelle condition une commune peut-elle vendre un bien immobilier à un prix inférieur à sa valeur réelle  ? Quelle doit être l’information dont disposent les élus avant le vote de la délibération relative à la cession ? Les informations erronées communiquées à l’oral par le maire lors de la séance du conseil municipal peuvent elles vicier la délibération?

Le tribunal administratif de Lyon répond à ces questions à propos de la vente d’un ensemble immobilier affecté au service public de l’hôtellerie de plein air et de loisirs, comprenant un camping, une halte fluviale et une aire pour camping-cars.

Sur la question du prix, le tribunal reprend un considérant du Conseil d’Etat selon lequel on peut dans certaines conditions « brader les bijoux de famille » mais seulement si cela est justifié par des motifs d’intérêt général et comporte des garanties suffisantes:

« La cession par une commune d’un bien immobilier à des personnes privées pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé lorsque la cession est justifiée par des motifs d’intérêt général et comporte des contreparties suffisantes. »

Cependant, cette cession à prix bradé doit respecter le droit d’information des élus consacré aux articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales. Or dans cette affaire, les informations communiquées aux élus étaient lacunaires voire trompeuses.

Certes, les conseils municipaux avaient été destinataires des documents suivants qui peuvent paraitre nombreux:

  • note de synthèse prévue au premier alinéa de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales,
  • projet de délibération
  • document figurant le périmètre cédé
  • avis du service des domaines
  • étude d’impact pluriannuelle, exposant, d’une part, le contexte touristique et le marché, les principales données concernant le camping ainsi que le projet porté par la société
  • analyse des avantages et inconvénients pour la commune de Trévoux de quatre scénarios

Mais ce n’est pas suffisant tranche le tribunal au regard notamment des incertitudes sur les équipements existants cédés par la commune. En effet le projet de délibération faisait état « des équipements existants », sans en dresser l’inventaire. En outre, l’avis du service des domaines portait, s’agissant des équipements, sur les seuls bâtiment d’accueil et bloc sanitaire, à l’exclusion des ouvrages réalisés pendant l’exécution de la convention de délégation de service public et ayant le caractère de biens de retour.

Or, le maire avait induit en erreur les élus en affirmant au cours des débats en séance du conseil municipal que les biens ne faisaient pas automatiquement retour à la collectivité – ce qui était faux puisqu’il s’agissait de biens de retour. Autrement dit, les élus ne pouvaient pas comprendre qu’ils « offraient » ces équipements non valorisés mais pourtant cédés.

Le juge considère que:

  • « De telles indications étaient de nature à induire en erreur les conseillers municipaux sur la propriété communale de ces biens et, par suite, sur la nécessité de les inclure dans le périmètre de la cession, et donc de les valoriser, si la collectivité n’envisageait pas de les conserver. Les informations imprécises et incomplètes, voire inexactes, délivrées ne permettaient, ainsi, pas aux conseillers municipaux d’appréhender l’étendue et la pertinence du périmètre de la cession qui leur était proposée. Ces derniers n’ont, de ce fait, pas été mis en mesure de s’assurer que le projet de vente respectait le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé. » »

Le juge considère donc que  les requérants sont fondés à soutenir que les conseillers municipaux n’ont pas, préalablement à l’adoption de la délibération attaquée, disposé d’une information adéquate pour exercer utilement leur mandat en méconnaissance des dispositions de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales.

Ce vice de procédure, qui a, en l’espèce, privé les élus d’une garantie, est classiquement de nature à entacher d’illégalité cette délibération. 

La délibération par laquelle le conseil municipal de la commune a décidé la cession est donc annulée.

Décision commentée: TA Lyon, 4e ch., 27 septembre 2022, n° 2008196. Voir en ce sens sur une cession immobilière à prix inférieure pour motif d’intérêt général: Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 13 septembre 2021, 439653 ; sur l’information des élus induits en erreur : TA La Réunion, 26 janv. 2005, n° 0400783 ; TA Marseille, 30 juin 2009, n° 086039 ; TA Lyon, 15 déc. 2011, n° 0903491.