Retranscription de notre intervention lors du colloque sur le droit de l’éducation intitulé » Le droit à … l’éducation » Colloque sur le droit de l’éducation, les 23 et 24 juin 2022, organisé par l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Notre intervention portait le titre « le regard de l’interniste ».
Avocat et non universitaire, c’est un regard de simple praticien que je peux poser sur le droit de l’éducation. Celui d’un avocat « interniste » qui s’est « spécialisé »1 « sur le tas » en droit de l’éducation et qui reçoit chaque jour des parents d’élèves, des étudiants, des membres du corps enseignant ou des directeurs d’écoles, pour écouter leurs problèmes, les conseiller, et quand cela est possible et nécessaire, tenter des démarches amiables ou porter leur affaire devant les juridictions.
Un ensemble de clients qui nourrit donc une vision du droit de l’éducation fondée avant tout par les dossiers plus que par les jurisprudences, qui ne viennent que dans un second temps étayer nos argumentaires. L’immense majorité des personnes que nous rencontrons n’iront d’ailleurs pas jusqu’aux prétoires – et pour ceux qui le feront, une infime partie ira jusqu’en appel – sans même évoquer la juridiction suprême : le temps de l’éducation est souvent celui de l’urgence ; en cas d’échec de la procédure de référé, l’année est perdue, il n’est souvent plus utile de persévérer devant les juridictions de fond ou de second degré. Autant de dossiers qui échappent donc habituellement à la doctrine mais qui constituent le quotidien du droit de l’éducation.
Formulée avec colère, désespoir ou obstination, la question posée par les personnes qui franchissent les portes de notre cabinet est au fond toujours la même : comment accéder pour eux ou leurs enfants à l’instruction. Comment entrer dans un cursus2, y poursuivre ses études malgré les éventuels problèmes de santé, de violence ou de discipline, pour enfin obtenir le diplôme convoité. Un parcours semé d’embuches qui peuvent parfois être surmontées par le recours au droit. Dans d’autre cas la justice n’est d’aucun secours, y compris – et c’est parfois délicat à expliquer aux clients – alors que des textes consacrent expressément le droit qu’on souhaite mettre en œuvre. Le droit à l’éducation est en effet un droit largement consacré jusqu’ à être dispersé (I), mais qui souffre cependant d’une effectivité partielle (II).
1. Une consécration du droit de l’éducation disséminée
Les organisateurs du colloque nous ont demandé de présenter la vision de l’interniste. Cela est à propos ; les décisions des juridictions nationales rendues sur le fondement des conventions internationales restent rares en droit de l’éducation. Est-ce la faute au manque de culture juridique internationaliste des avocats qui soulèvent trop peu ces textes ou à la faible invocabilité de ces normes qui rend cet exercice vain ?3
La principale stipulation internationale, invoquée souvent, retenue parfois, est l’incontournable article 3 § 1 de la Convention de New York consacrant l’intérêt supérieur de l’enfant.4 Ce principe a au demeurant été repris –tardivement – en droit interne par le Conseil constitutionnel5 sur le fondement des alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et est également depuis 2011 considéré comme une liberté fondamentale par le Conseil d’Etat6.
Autre principe constitutionnel cardinal, celui de l’égal accès à l’instruction est issu du paragraphe 13 du Préambule précité qui proclame que « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction…».7 Ce principe a été également érigé au rang de liberté fondamentale invocable devant le juge du référé liberté – avec une postérité ambivalente – sur laquelle nous reviendrons8.
Relevons également l’exigence constitutionnelle de gratuité de l’enseignement public – sur lequel nous reviendrons également9 et le principe de la liberté d’enseignement10. Ces principes constitutionnels spécifiques au droit de l’éducation sont complétés par des principes plus généraux pouvant être utilisés en matière de droit de l’éducation : le principe d’égalité qui trouve à s’appliquer par exemple en matière de contentieux des examens ou des concours11, le principe de laïcité malmené parfois mais qui reste fondamental pour garantir la liberté de conscience et des cultes y compris dans les établissements scolaires12, le principe de légalité des délits et des peines, appliqué en matière disciplinaire13.
A l’étage inférieur de la pyramide se dresse le colossal code de l’éducation. Peu avare en déclarations, il affirme à son article premier que « Le droit à l’éducation est garanti à chacun »14. Il regroupait à sa création près de 120 textes législatifs soit un millier d’articles, avec une imposante partie réglementaire codifiée par trois décrets15. Contrairement à l’ambition du législateur16, d’importants textes applicables à l’éducation n’y sont pas codifiés, et n’ont au demeurant pas nécessairement vocation à l’être, compte tenu de l’inextricable imbrication des matières juridiques.
Le Code pénal comporte ainsi de nombreuses infractions relevant du secteur éducatif : harcèlement, délit de méconnaissance des règles liées à l’assiduité scolaire17, fait de compromettre pour un parent l’éducation de son enfant mineur18, entrave par menace à l’exercice de la fonction d’enseignant19, intrusion dans les établissements scolaires20.
Le Code général des collectivités territoriales organise le rôle des conseils municipaux pour la création et l’implantation des écoles21, celui des caisses des écoles22 et délimite le rôle du département et des régions pour les collèges et lycées. Le Code de l’action sociale et des familles fixe le cadre juridique des « notifications MDPH » ouvrant droit aux enfants en situation de handicap à des droits spécifiques en matière d’orientation, d’aménagements ou d’aide humaine23. Le Code du travail régit l’organisation de la formation professionnelle24, et plus généralement le droit applicable aux salariés des établissements d’enseignement privé (y compris ceux payés par l’Etat qui ne sont pas des fonctionnaires).
Le Code général de la fonction publique régit quant à lui le statut des enseignants relevant du secteur public. Le code civil– en articulation avec le code de l’éducation – régit la responsabilité des enseignants25 et les contrats conclus par les écoles privées. Ces derniers sont également régis par le code de la consommation s’agissant des contrats conclus avec les élèves. Ils peuvent notamment se prévaloir de la protection contre les clauses abusives et autres manquements au droit de la consommation sanctionnés par les juges civils et dénoncés par la DGCCRF 26. Le Code de commerce régit quant à lui établissements d’enseignement supérieur consulaire et les écoles de commerce27.
Citons également le Code des relations entre le public et l’administration régulièrement utilisé devant les juridictions en matière d’éducation : pour sanctionner les défauts de motivation des décisions prises par les établissements d’enseignement public ou les rectorats28, en cas de méconnaissance du principe du contradictoire29, du droit à l’erreur30 ou d’accès insuffisant aux documents administratifs (dossier scolaire, délibérations des jurys, carte scolaire, algorithmes etc.)31.
Dans des domaines plus périphériques, le Code de la santé publique organise la délivrance de contraceptifs aux élèves et régit les études de formation de santé dont les études de santé 32 ; le Code rural et de la pêche maritime prévoit l’obligation d’utilisation de produits bio à la cantine33 ; le Code de la sécurité intérieure organise la surveillance des établissements scolaire ; le Code du sport celui des associations sportives scolaires34. Le Code de la sécurité sociale fixe le droit de l’accès aux soins des étudiants, les garanties en matière d’accidents du travail dans le cadre d’atelier ou de stage et le régime de l’assurance maladie des frais de santé des étudiants. Le Code de la propriété intellectuelle est utilisé pour régler les questions relatives au droit d’auteur des œuvres utilisées ou produites par les enseignants et les élèves. Citons enfin la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association organisant les associations de parents d’élèves35, les établissements constitués en association, les associations sportives en milieu scolaire etc.).
On nous pardonnera cet inventaire à la Prévert, qui ne constitue malgré tout que l’étage supérieur de la pyramide. Dans les étages inférieurs, se pressent de multiples textes non moins utiles tels que les milliers d’arrêtés36 qui organisent par exemple le déroulement des études et l’organisation des examens des diplômes d’Etat : baccalauréat, BTS, DUT devenus BUT, licences…37
Dans les sous-sols de notre édifice, se fraient les circulaires des ministères de l’éducation nationale, du ministère de l’enseignement supérieur ou des rectorats, dont la valeur juridique peut varier d’une disposition à l’autre selon leur caractère impérative et générale38. Renforçant la confusion, les juridictions ne sont pas toujours alignées sur la portée de telle ou telle disposition. Ainsi en est-il de la disposition de la circulaire du 1er mars 2000 qui prévoit que la convocation des étudiants aux épreuves écrites est faite par voie d’affichage, sur des panneaux réservés à cet effet, au moins 15 jours avant le début des épreuves »39.
Dans les galeries plus reculées de notre pyramide, serpentent des « protocoles sanitaires40» des « guides »41, des algorithmes42, des infographies, des « FAQ » ou questions-réponses, et plus généralement des pages publiées sur les sites internet des ministères, des rectorats ou des universités, sans auteur, sans date et pourtant non sans portée.
Ces documents ne devraient que reprendre ou expliciter les normes juridiques. En pratique, ils comportent pourtant des règles nouvelles, appliquées par les administrations comme s’il s’agissait de règles opposables : une FAQ fut par exemple à certains moment la seule source de « règles » sur l’organisation du baccalauréat au moment de l’épidémie de covid.
Devant cette profusion évanescente de textes, le juge a dû rappeler que certains ne sont que des recommandations43; seul un texte adopté par l’autorité compétente et régulièrement publié est opposable à l’usager, comme cela fut jugé à propos des règles de sélection en master44.
Les établissements d’enseignement privés en sont pas en reste : les règles d’organisation des examens ou les règlements intérieurs opposés aux élèves sont souvent prévus dans des textes non annexés aux contrats. La pratique est parfois en deçà avec une simple information par email ou via des slides powerpoint, de règles pouvant pourtant conduire à l’ajournement de l’étudiant ou à son exclusion.
Cette difficulté de l’accessibilité et de l’intelligibilité de la norme n’est certes pas spécifique au droit de l’éducation. Celui du manque de sécurité juridique, rappelé récemment pour censurer un changement de règles en cours d’année scolaire, non plus45. Cependant cela semble encore plus problématique en matière de droit de l’éducation où l’asymétrie classique entre l’administré et l’administration (ou entre le professionnel et le consommateur), est doublée par celle existant entre l’adulte et l’enfant ; entre le professeur46 et l’élève. Si certains regrettent la judiciarisation du monde de l’éducation, le praticien relève plus les dangers du manque de droit, à laquelle participe cette difficulté de compréhension et d’accessibilité de la norme.
La difficulté de l’accessibilité est renforcée par la faiblesse de la doctrine en matière de droit de l’éducation. Pas ou si peu d’ouvrages scientifiques consacrés à la matière47 , pas de master en droit de l’éducation, pas de revue dédiée… la seule source d’actualité régulière est la Lettre d’information juridique du ministère de l’éducation nationale qui malgré ses grandes qualités ne mentionne que les jurisprudences favorables à l’administration et se cantonne au domaine de compétence de ce ministère qui n’épuise pas, loin de là, le droit de l’éducation.
Cette faible accessibilité et intelligibilité de la norme n’est sans doute pas sans lien avec ce que nous traiterons dans la deuxième partie : son effectivité à parfaire.
2. Une effectivité du droit de l’éducation inachevée
Nous l’avons vu, les textes proclamant le droit à l’éducation et organisant ses modalités sont nombreux. Malgré cette profusion, leur application laisse un goût d’inachevé.
La portée limitée de certains principes peut sembler justifiée. Ainsi du cas du principe d’égalité, qui comme on le sait « ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. » Les clients ont à cet égard souvent du mal à comprendre pourquoi les règles peuvent changer d’une année sur l’autre ou d’une filière à l’autre, ou pourquoi tel passe-droit, tel coup de pouce du jury ou de l’administration accordé à un camarade peut légalement leur être refusé. Est ainsi validée par la jurisprudence le traitement différencié entre étudiants ayant pour certains bénéficié – illégalement parfois -, de leurs de note de contrôle continu et ceux privés de cet avantage48.
D’autres rigueurs jurisprudentielles semblent plus discutables et nous semblent questionner la portée réelle de certains droits proclamés par les textes.
Le droit à l’inscription à la cantine scolaire, est un exemple emblématique de la neutralisation de dispositions législatives protectrices pour les usagers. Le législateur avait décidé en 2017 de modifier l’article L. 131-13 du Code de l’éducation49 pour garantir que l’inscription à la cantine des écoles primaires soit un droit pour tous les enfants scolarisés (si ce service existe)50.» Suivant la lettre de ce texte et les travaux parlementaires, le tribunal administratif de Besançon avait sans surprise jugé que ces dispositions « impliquent que les personnes publiques ayant choisi de créer un service de restauration scolaire pour les écoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir à chaque élève le droit d’y être inscrit. Elles doivent adapter et proportionner le service à cette fin et ne peuvent, au motif du manque de place disponible, refuser d’y inscrire un élève qui en fait la demande ». Cette position était reprise par une réponse ministérielle51. Cependant, le Conseil d’Etat censura cette interprétation en validant la possibilité pour une commune de refuser une inscription pour défaut de place52, c’est-à-dire qu’il fit revenir le droit positif exactement à son état antérieur à celui du vote de la loi du 27 janvier 2017.
La neutralisation peut également porter sur la Constitution elle-même comme l’illustre le sort du principe de gratuité de l’enseignement public. Le 13ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 prévoit que « L’organisation de l’enseignement public gratuit … à tous les degrés est un devoir de l’État », et le Conseil constitutionnel en avait tiré une exigence « de gratuité de l’enseignement public supérieur »53, tempérée par l’acceptation de perception de droits d’inscription modiques. Saisi pour se prononcer sur les frais d’inscription dans l’enseignement supérieur public, le Conseil d’État a réduit à peau de chagrin l’exigence constitutionnelle. Il la cantonne en premier lieu aux seules formations préparant aux diplômes nationaux (licence, master, doctorat…) en excluant les diplômes propres délivrés par les établissements publics de façon autonome ainsi que les titres d’ingénieur.
En outre, il juge que le caractère modique des droits d’inscription s’apprécie en tenant compte du coût des formations et de l’ensemble des dispositifs d’exonération et d’aides destinés aux étudiants. Le Conseil d’Etat valide ainsi des frais d’inscription qui peuvent représenter 30 % voire 40 % du coût de la formation, soit plusieurs milliers d’euros par an pour un étudiant. L’exigence constitutionnelle de gratuité de l’enseignement public en sort pour le moins amoindrie sinon rabougrie54.
Le droit à la poursuite des études en master55 confirme ce sentiment de principes généreux dénués d’efficacité pratique. En effet, en théorie « les titulaires du diplôme national de licence sanctionnant des études du premier cycle qui ne sont pas admis en première année d’une formation du deuxième cycle de leur choix conduisant au diplôme national de master malgré plusieurs demandes d’admission se voient proposer l’inscription dans une formation du deuxième cycle (…)». Or, ce droit est difficile à sanctionner devant les juridictions. En effet, le titulaire de l’obligation d’accorder une place en master est le recteur, mais ce dernier ne dispose d’aucun moyen contraignant pour accorder cette place. Le juge considère donc que ce dernier n’est débiteur que d’une obligation de moyens : « Il résulte de ces dispositions, qui permettent aux étudiants de leur garantir de poursuivre une formation conduisant à un diplôme de master compatible avec leur projet professionnel et leur diplôme, que la présentation par le recteur de la région académique de trois propositions d’admission dans une formation est soumise à la condition préalable d’avoir obtenu l’accord des chefs d’établissements sollicités ». Ces dernières ne créent pas une obligation de résultats à l’égard du recteur de la région académique concerné, mais seulement une obligation de moyens56.
Cette obligation de moyens est également à l’œuvre dans l’effectivité variable du droit des élèves en situation de handicap qui peuvent légalement privés de leur droit à l’instruction si l’Etat prouve avoir mis en œuvre les moyens nécessaires57.
Cette effectivité inachevée ne se limite pas à des règles périphériques mais atteint le principe d’égal accès à l’instruction érigé comme on le sait au rang de liberté fondamentale, invocable devant le juge du référé liberté. Cette consécration, comme c’est souvent le cas en matière de référé liberté par le Conseil d’Etat s’est accompagné d’un véritable corset.
C’est en effet seulement l’égal accès et non le droit à l’instruction qui fut consacré par le juge constitutionnel et le juge administratif58. Le Conseil d’Etat limite en outre dans sa décision fondatrice de 2010 cette liberté fondamentale aux seuls enfants, et encore dans la seule hypothèse de « privation de toute possibilité de scolarisation et de formation adaptée » et seulement, condition supplémentaire « selon les modalités que le législateur a définies ».
On relèvera que le Conseil d’Etat cite le préambule de 1946 qui n’exclue pas les adultes de l’instruction. Il cite en outre l’article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui consacre un droit à l’instruction et non un simple accès égal. C’est également le cas de l’article L.111-1 du Code de l’éducation, qui énonce que le droit à l’éducation est garanti à chacun. Rien n’interdirait donc dans les textes un approfondissement de cette liberté fondamentale.
En l’état du droit positif, le référé liberté reste réservé aux situations exceptionnelles de déscolarisation caractérisée et aux cas les plus graves résultants de problèmes de santé59. Ne constituent ainsi pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, le fait qu’un enfant ne bénéficie plus d’auxiliaire de vie scolaire dès lors qu’il reste scolarisé60, le fait que l’orientation d’un enfant en classe ordinaire ne réponde pas à ses besoins de solarisation tels qu’ils ont été fixés par la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées61, l’absence partielle d’auxiliaire de vie pouvant s’occuper exclusivement de l’enfant, au regard des difficultés matérielles de l’administration ou des difficultés de recrutement62 ou une scolarisation partielle de 12h par semaine63.
Les enfants qui ne sont pas en situation de handicap peuvent encore plus difficilement bénéficier du référé liberté en matière d’égal à accès à l’instruction64. En témoigne des motivations considérant que « Cette situation de déscolarisation …, pour éminemment regrettable et préjudiciable qu’elle soit, ne suppose pas l’intervention d’une décision en référé dans un délai de quarante-huit heures, en l’absence d’événement ou de risque particulier sur ce bref laps de temps. ». Le juge ne considère pas non plus illégale une affectation d’un enfant qui doit faire plus de 2 heures de trajet par jour65, ni une absence d’inscription d’un mineur isolé étranger dans un établissement scolaire en juillet pour une rentrée en septembre66.
Un infléchissement semble au demeurant avoir lieu en 2022. On relève ainsi la précision selon lequel « le droit à l’instruction et à l’éducation est également garanti par la loi sans limite d’âge. »67. On relève également de nombreuses décisions des tribunaux administratifs rendus en 2022 qui par petite touche montre la prise en main par les avocats et les tribunaux de ce référé liberté. Une telle procédure a ainsi permis l’attribution effective d’une AESH ou AVS quand un tel droit avait été octroyé par la MDPH68 ; l’affectation d’un élève en situation de handicap dans un cursus adapté à ses besoins69, une inscription en école primaire d’enfants déscolarisé 70 ou celle d’un lycéen laissé sans affectation après la rentrée71.
Ces décisions récentes nous permettent de conclure sur une note d’espoir. Nos attentes en matière de droit de l’éducation augmentent avec les progrès faits par le droit et nous font tempérer ce portrait où notre regard a volontairement porté sur les parties les plus sombres du tableau. Qu’on regrette qu’une situation ne soit pas réglable en 48 heures nous montre le chemin parcouru, et celui qui reste malgré tout encore devant nous.
[1] L’ordre des avocats me pardonnera l’usage de ce mot proscrit à tous les avocats n’ayant pas passé la « spécialisation » qui n’existe bien sûr pas en droit de l’éducation.
[2] Orientation, inscription, affectation, instruction en famille, Parcoursup, sélection en master…
[3] Sur la faible invocabilité directe des textes en matière de droit de l’enfant : CE, 19 avril 2022, n° 451727. Citons également l’article 2 du Premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
[4] TA Rouen, ord. 15 juillet 2022, DASEN de l’EURE, n°2202626 à propos d’instruction en famille.
[5] Cons. const., 21 mars 2019, n° 2018-768 QPC.
[6] CE 4 mai 2011, Ministre des affaires étrangères, n° 3487781.
[7] CC, Décision n°2001-450 DC du 11 juillet 2001.
[8] Conseil d’État, Juge des référés, 15/12/2010, 344729.
[9] Décision n° 2019-809 QPC du 11 octobre 2019.
[10] CC n° 77-87 DC du 23 novembre 1977 ; CC, n° 84-165 DC du 20 janvier 1984.
[11] Sur la sanction d’un traitement injustifié entre élèves pour le baccalauréat CE, ass. Civitas, 14 avril 2021 n°450307. Voir aussi CE 26 mai 1989, n° 83362, Greff ; TA Paris 4 juillet 2018 n°1713905.
[12] Ex : cas des parents accompagnants les sorties scolaires par exemple TA de Nice, 9 juin 2015, Madame D., n° 1305386 ; TA Amiens, 15 décembre 2015, 3ème chambre, n° 1401797.
[13] Qui interdit qu’un élève soit sanctionné deux fois pour les mêmes faits : TA Châlons-en-Champagne, 3e ch., 2 décembre 2022, n° 2201669.
[14] Article L.111-1 du Code de l’éducation
[15] Décret n° 2004-701 du 13 juillet 2004 relatif à certaines dispositions réglementaires du code de l’éducation ; Décret n° 2004-702 du 13 juillet 2004 relatif à certaines dispositions réglementaires du code de l’éducation ;
Décret n° 2004-703 du 13 juillet 2004 relatif aux dispositions réglementaires des livres Ier et II du code de l’éducation.
[16] Rapport n° 140 (2002-2003) de M. Philippe RICHERT, fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 22 janvier 2003 : « le code de l’éducation rassemble toutes les dispositions relatives au système éducatif français. », » L’ensemble des dispositions régissant les enseignements généraux et spécialisés relevant du ministère de l’Education, y compris les formations supérieures, ont ainsi été codifiées. »
[17] Art. R. 624-7 du Code pénal.
[18] Art. 227-17 du Code pénal.
[19] Art. 431-1 du Code pénal.
[20] Art. R. 645-12 du Code pénal.
[21] Art. L.2121-30 du CGCT.
[22] Art. L.212-10 et s. du CGCT.
[23] Art. L. 241-6 du CAS. Ex : CA Montpellier, 3e ch. soc., 18 mai 2022, n° 21/00923 ; TJ Paris, référé, 1er septembre 2022, MDPH de Paris, n°2202162.
[24] Art. L. 6323-1 et suivants du Code du travail. Un contentieux en plein boom suite notamment aux problématiques du CPF géré par la caisse des dépôts.
[25] Art. 1242 du Code civil ; article L. 911-4 du Code de l’éducation ; Cass. civ. 2e du 24.4.81, n° 79-14666.
[26] Cass. 1re civ., 2 avr. 2009, n° 08-11.596 CA Grenoble, 22 mars 2016, n° 13/05558. Voir à ce sujet Protection du consommateur : l’enseignement privé supérieur peut mieux faire, enquête de la DGCCRF de 2022.
[27] Art. L. 711-4 et L. 711-9 du Code de commerce.
[28] TA Strasbourg, 2ème chambre, 19 octobre 2022, n° 2005366.
[29] TA Châlons-en-Champagne, 2e ch., 18 octobre 2022, n° 2102819.
[30] TA Strasbourg 15-10-2021, n° 1909382.
[31] CADA, Avis 20185224 Séance du 31/03/2020 ; CADA, Avis 20210773 – Séance du 25/03/2021 ; CADA, avis n°20160481, 20163184, 20163320 ; CE, 17/02/2016, 371453.
[32] Art. L632-1 à L632-13 du Code de la santé publique. La réforme des études de santé a donné lieu à un abondant contentieux cf. Conseil d’État, 4ème chambre, 21 décembre 2021, 456269. CE, 21 déc. 2021, n°457618.
[33] Art L. 230-5-1 du Code rural et de la pêche maritime.
[34] Art L. 121-1 du Code du sport.
[35] Mais également le Code de l’éducation aux articles D. 111-6 à D. 111-9.
[36] Légifrance trouve 3651 arrêtés visant le Code de l’éducation dans les visas et 4661 le mentionnant.
[37] Parmi les plus importants : Arrêté du 30 juillet 2018 relatif au diplôme national de licence, Arrêté du 3 juin 2022 portant définition des épreuves de contrôle du brevet de technicien supérieur ; Arrêté du 15 avril 2022 portant définition des programmes nationaux de la licence professionnelle « bachelor universitaire de technologie » et abrogeant l’arrêté du 3 août 2005 modifié relatif au diplôme universitaire de technologie, tous les arrêtés relatifs au baccalauréat ; Arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master.
[38] Exemple de reconnaissance du caractère impératif de la circulaire n° 2010-095 du 5 juillet 2010 impérative : TA Rennes, 18 déc. 2012, n° 1005110. 1 A contrario, CAA Lyon, 6e ch. – formation à 3, 6 juin 2013, n° 12LY02447.
[39] TA Nancy, 5 févr. 2015, n° 1301978 vs TA Versailles, 13 févr. 2014, n° 1002911 Une règle similaire a été prévue par l’art. 2 de l’ordonnance n°2020-351 du 27 mars 2020.
[40] « Le Protocole sanitaire – Guide relatif au fonctionnement des écoles et établissements scolaires dans le contexte Covid-19″ Guide relatif au fonctionnement des écoles et établissements scolaires dans le contexte de covid 19.
[41] Guide : ex guide des procédures d’affectation et d’orientation à destination des parents ; Le guide juridique du chef d’établissement publié par le ministère ; Guide du droit d’auteur dans le cadre de l’Enseignement supérieur.
[42] Voir par exemple L. 612-3-I du Code de l’éducation.
[43] CE, 17 décembre 2020 n°446797 ; CE, 1er juin 2021, n°452502.
[44] CAA Paris, 21 septembre 2021, n° 20PA03428 ; CAA Paris, 22 octobre 2021, n° 21PA05171 ; TA Montpellier, 26 août 2022, n° 2204132. TA Paris, 1re section – 3e chambre., 22 juillet 2022, n° 2125879.
[45] CE, 4 février 2022, n° 448017.
[46] « L’appréciation faite par un jury des mérites d’un candidat relève de l’appréciation souveraine de ce jury et ne saurait utilement être discutée devant le juge».
[47] On salue le Dictionnaire critique de droit de l’éducation dirigé par Pascale BERTONI et Raphaël MATTA DUVIGNAU.
[48] Que cela résulte d’erreurs ou de textes CE, juge des réf., 22 avr. 2021, n° 450751. ; CE, juge des réf., 28 juill. 2020, n° 441645.
[49] Issu de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.
[50] Il dispose ainsi « L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. La cantine scolaire reste un service public facultatif comme jugé par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 26 janv. 2017, n° 2016-745 DC.
[51] Réponse du Ministère de l’éducation nationale publiée dans le JO Sénat du 12/04/2018 – page 1776.
[52] CE, 4e ch. jugeant seule, 12 avr. 2021, n° 441086.
[53] Conseil Constitutionnel, n° 2019-809 QPC. C’est nous qui soulignons.
[54] Voir à ce sujet s’agissant de enjeux financiers : DEQUIRE, A. (2007), « Le monde des étudiants : entre précarité et souffrance », Pensée plurielle, 14, 95-110. https://doi.org/10.3917/pp.014.0095
[55] Art. L. 612-6 du Code de l’éducation.
[56] TA Orléans, 1re ch., 13 déc. 2022, n° 2004523. TA Paris, 28 nov. 2018, n° 1800393/1-1. TA Toulon, 23 nov. 2022, n° 2203209 ; TA Versailles, 9 juin 2022, n° 2008068.
[57] CE, 22 novembre 2020, 422248 ; CE, 19 juillet 2022, n° 428311.
[58] CE, 15 déc. 2010, Ministre de l’éducation nationale de la jeunesse et de la vie associative c/ Epoux Peyrilhe, n° 344729.
[59] Ainsi qu’en matière de harcèlement scolaire TA Melun, 7 mai 2021, n° 2104189.
[60] CE, 15 décembre 2010.
[61] CE, 4e ch., 27 févr. 2017, n° 404483.
[62] TA Versailles, 14 juin 2012, n° 1203556 ; TA Toulon, 15 sept. 2016, n° 1602735 ; CE, juge des réf., 28 mars 2018, n° 418702.
[63] TA Paris 3 décembre 2022, n°2224971.
[64] TA Versailles n° N°2007343 10 novembre 2020.
[65] TA Melun° 2109670 du 26 octobre 2021.
[66] CE, 3 août 2016, n° 4018363.
[67] CE, 27 juin 2022, n° 464929.
[68] TA Nice, ord., 15 novembre 2019, n°1905359 et la décision du Conseil d’Etat 15 décembre précité.
[69] TA Rouen, 22 sept. 2022, n° 2203677.
[70] TA Montreuil, 18 novembre 2022, n° 2216415.
[71] TA Versailles, 6 oct. 2022, n° 2207423. Voir aussi pour le lycée : TA Marseille, 22 nov. 2022, n° 2209577.