Le gouvernement a publié le 26 mars 2020 l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif. Il s’agit de mesures très radicales destinées à soulager les juridictions administratives, et à limiter au maximum les contacts avec les justiciables dans le contexte de l’épidémie de coronavirus.
Fort heureusement, ces mesures ne seront applicables qu’entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré pour lutter contre le covid-19. Ces mesures ont été depuis précisées par l’Ordonnance n° 2020-405 du 8 avril 2020 portant diverses adaptations des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif.
Les mesures essentielles de l’ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif sont les suivantes:
1. Délais de recours et de jugement
1.1 Prorogation des délais de recours
1.1.1 Le mécanisme de prorogation pour les délais échus durant l’état d’urgence sanitaire
L’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire prévoit comme son nom l’indique une prorogation des délais, qui s’applique aux procédures devant les juridictions administratives.
Elle indique que l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 s’applique aux procédures administratives. Pour rappel, il dispose que:
« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. »
Il convient de préciser que la période visée à l’article 1 est celle « comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ».
1.1.2 Les exceptions en matière de droit des étranges, droit électoral et aide juridictionnelle
L’ordonnance n° 2020-305 prévoit des délais spéciaux s’agissant:
– Des délais de recours contre les obligations de quitter le territoire français : délai reporté au lendemain de la cessation de l’état d’urgence sanitaire.
– Des délais relatifs à l’aide juridictionnelle: délai également reporté au lendemain de la cessation de l’état d’urgence sanitaire.
-Des réclamations et recours en matière électorale, relatifs aux élections municipales, visées à l’article R119 du code électoral. Pour contester les résultats du 1er tour, le délai est le cinquième jour qui suit la date de reprise de fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès ce tour (au plus tard en juin 2020)
NB: Les délais de recours de 48h contre les OQTF pour les étrangers placés en rétention (L512-1 III du CESEDA) comme les délais contre les refus d’entrée (article L.213-9 du CESEDA) ne sont ni adaptés ni prorogés.
1.2. Aménagement de l’instruction et des délais de jugement
1.2.1 Prorogation des clôtures d’instruction
Il est prévu une prorogation de plein droit des clôtures d’instruction intervenues entre le 12 mars 2020 et la fin de l’état d’urgence sanitaire. La clôture est prorogée de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la fin de cette période à moins que le terme ne soit reporté par le juge.
Cependant, il est précisé par l’Ordonnance n° 2020-405 du 8 avril 2020, toutefois, le juge peut, lorsque l’urgence ou l’état de l’affaire le justifie, fixer une date de clôture d’instruction antérieure à la date résultant du report prévu à l’alinéa précédent.
1.2.2 Délais pour statuer reporté
On note également que les délais pour statuer sur certains recours est reporté. Le point de départ de ces délais est en effet reporté au premier jour du deuxième mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Cependant, par dérogation, certains délais de jugement sont maintenus en matière de droit des étrangers (L.213-9 du CESEDA relatif au refus d’entrée, et III et IV du L512-1 du CESEDA relatifs au recours contre les OQTF quand l’étranger est en rétention ou détenu à l’étranger).
En matière de droit électoral, s’agissant des élections municipales de 2020, le délai dont dispose le juge pour statuer expirera le 1er jour du 4ème mois à compter du 2nd tour.
1.2.3 Communication aux parties aménagées
L’article 5 de l’ordonnance n° 2020-305 prévoit enfin la possibilité de communiquer aux parties des pièces, actes et avis par tout moyen.
Cette possibilité est semble-t-il prévue pour éviter l’envoi de courriers par voie postale par les greffes.
2. Organisation et fonctionnement des juridictions administratives
2.1. Composition des formations de jugement des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel
2.1.1 Compléter les formations de jugement
L’article 3 de l’ordonnance n° 2020-305 prévoit la possibilité de compléter les formations de jugement des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel par l’adjonction de magistrats en activité issus de ces juridictions.
Cette possibilité n’est ouverte qu’en cas de vacance ou d’empêchement. Des magistrats honoraires peuvent également être désignés dans le respect des dispositions de l’article L.222-2-1 du code de justice administrative.
2.1.2 Assouplissement de la possibilité de nommer des juges habilités à statuer seul par ordonnance
Pour soulager les juridictions, il est prévu une possibilité une possibilité pour le président de juridiction de désigner des magistrats pour statuer par ordonnance comme prévu à l’article R.222-1 du CJA.
Pourront être désignés les magistrats ayant le grade de conseiller et non comme auparavant de premier conseiller. L’exigence de deux ans d’ancienneté est maintenue.
2.2. Aménagements et dispense d’audience
2.2.1 Audience sans publique
Il est prévu que le président de la formation de jugement puisse décider que l’audience aura lieu hors de la présence du public ou que le nombre de personnes admises à l’audience sera limité.
2.2.2 Audience en visioconférence ou par téléphone
En outre, est prévue la possibilité de tenir les audiences en visioconférence, ou plus précisément en utilisant « un moyen de communication audiovisuelle permettant de s’assurer de l’identité des parties et garantissant la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats ».
En cas d’impossibilité technique ou matérielle de recourir un tel moyen, l’ordonnance prévoit que par décision insusceptible, le juge peut décider d’entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication électronique y compris téléphonique permettant de s’assurer de l’identité des parties et garantissant la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges.
Il ne sera pas exigé que l’interprète ou le conseil soit présent physiquement auprès de la partie.
2.2.3 Dispense de lectures des conclusions
Il est prévu que le président de la formation de jugement puisse dispenser le rapporteur public d’exposer à l’audience ses conclusions. Il ne sera a priori pas dispenser cependant de conclure.
2.2.4 Dispense d’audience en référé et pour les sursis à exécution
L’ordonnance n° 2020-305 prévoit une possibilité de statuer sans audience en matière de référé. Le juge devra seulement informer les audiences de l’absence d’audience et fixera la date de clôture de l’instruction.
Il sera également possible de statuer sans audience publique sur les demandes de sursis à exécution, par dérogation à l’article R. 222-25 du code de justice administrative.
2.2.5 Publicité du rôle des audiences
Le rôle des audiences peut être publié sur le site internet de la juridiction selon une précision ajoutée par l’Ordonnance n° 2020-405 du 8 avril 2020.
2.3. Publicité et forme des décisions rendues par les juridictions administratives
2.3.1 Lecture des décisions
En principe, les décisions sont prononcées en audience publique hors la présence des parties. Elles pourront durant l’état d’urgence sanitaire n’être que mises à disposition par le greffe. En outre les décisions pourront n’être signées que par le président de la formation de jugement.
2.3.2 Notification des décisions
Les parties représentées par un avocat ne recevront plus notification de la décision par courrier A/R comme prévu à l’article R.751-3 du code de justice administrative. La décision sera seulement communiquée à leur avocat.
Lorsqu’une partie n’est pas représentée par un avocat et n’utilise ni l’application informatique mentionnée à l’article R. 414-1 du code de justice administrative ni le téléservice mentionné à l’article R. 414-6 du même code, la notification peut être valablement accomplie par tout moyen de nature à en attester la date de réception.
Le lien vers l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 sur légifrance