J’ai été interviewé par France Info à propos de la légalité de la décision d’exclusion d’un enfant d’une cantine suite à son refus de manger de la viande.
Le règlement intérieur de l’école prévoyait de manière étonnante qu’« un enfant refusant de goûter et de manger ce qui lui sera servi à la cantine sera signalé [à l’employée municipale chargée des inscriptions] puis aux parents », et qu‘ »en cas de refus systématique, ce dernier ne pourra pas être accepté à la cantine ». Le maire avait exclu sur le fondement de cette disposition un enfant en ajoutant par ailleurs » Pour moi, le refus de manger de la viande est un signe religieux clair, et je ne souhaite pas que la religion rentre dans les affaires scolaires de Pont-de-Chéruy« .
Il convient de rappeler qu’un règlement intérieur n’est légalement opposable que si ses clauses sont licites. Par ailleurs, si une collectivité n’est pas tenue de prévoir des repas sans viande ou hallal (TA Marseille, 1er octobre 1996, Z., n° 96-3523), cela ne signifie pas a contrario qu’elle peut imposer aux enfants de manger de la viande sous peine de les exclure, y compris si le motif est religieux (Défenseur des Droits, L’égal accès des enfants à la cantine de l’école primaire, 2013).
Le principe de laïcité issu de la loi de 1905 impose la neutralité religieuse des agents publics, mais n’est pas opposable aux usagers du service public (en l’occurrence aux élèves ou aux parents d’élèves). Au contraire la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’Etat garantit « le libre exercice des cultes ». Dans les écoles, seul le port de signes ou tenus par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse peuvent être interdits (article L141-5-1 du code de l’éducation). Cette interdiction ne concerne donc par définition pas une pratique alimentaire, au demeurant non ostentatoire.
D’un point de vue procédural, en outre, une décision d’exclusion d’une cantine est qualifiée de sanction ; elle ne peut être prise qu’à la suite d’une procédure contradictoire, permettant aux parents de se défendre (Tribunal administratif de Caen, 21 février 2013, N° 1201296).
En conclusion, il est illégal d’imposer à un enfant de manger de la viande à la cantine, puis de l’exclure en cas de refus, que le motif de refus soit religieux ou non. Il serait loisible aux parents d’agir en justice devant le tribunal administratif pour obtenir la suspension en urgence et l’annulation de la décision d’exclusion de la cantine.
L’article de France Info est à lire en ligne: Un maire a-t-il le droit d’exclure de la cantine scolaire un enfant qui ne mange pas de viande ?