Le tribunal administratif de Versailles a rendu une décision intéressante sur les droits d’expression des élus d’opposition et le contrôle du juge en cas de contestation des restrictions apportées au droit d’expression, s’agissant des questions orale et du journal municipal pour les élus n’appartenant à aucun groupe.
La validation par le juge de l’encadrement du temps de parole et des questions orales
Le tribunal administratif valide en premier lieu le mécanisme instauré pour encadrer les questions orales, à savoir un nombre maximal de 3 questions par élu, 3 minutes par question et l’obligation de déposer le texte de la question 2 jours francs avant la séance.
» En l’espèce, alors que, d’une part, le temps consacré aux questions orales, qui ont pour objet de donner aux élus des informations sur des points précis pendant une séance du conseil municipal, ne saurait empiéter de façon exagérée sur le temps qui doit être consacré à la discussion et à l’adoption des délibérations prévues à l’ordre du jour, la commune de Médan, en limitant à trois le nombre de questions orales par conseiller municipal et par séance et en restreignant à trois minutes le temps accordé aux élus pour lire le texte de leur question orale, a seulement entendu règlementer la durée d’intervention des conseillers municipaux dans le cadre de la dernière partie du conseil municipal destinée à aborder les questions orales, après examen complet des affaires figurant à l’ordre du jour.
D’autre part, il ressort des pièces du dossier que l’instauration d’un délai maximum de deux jours francs avant la séance du conseil municipal pour le dépôt du texte de la question orale est justifiée par la nécessité pour le maire ou l’adjoint au maire de disposer d’un temps suffisant pour préparer une réponse aux questions orales posées par les élus.
Par suite, les restrictions apportées par l’article 5 du règlement intérieur à la liberté d’expression des conseillers municipaux apparaissent justifiées par les contraintes d’organisation des séances du conseil municipal. »
Le juge valide également l’impossibilité pour les élus de réagir après la réponse du maire apportée à la question:
Par ailleurs, en précisant que les échanges sont irrémédiablement clos après la réponse du maire, sans permettre l’instauration d’un débat contradictoire entre les élus à la suite de la question posée, le règlement intérieur de la commune de Médan n’a pas non plus porté atteinte aux droits et prérogatives des élus, l’article L. 2121-19 du code général des collectivités territorial, pas plus qu’aucune autre disposition législative ou règlementaire n’imposant qu’un débat contradictoire ne s’instaure après la réponse à la question posée ».
Le tribunal valide enfin le mécanisme de prise de parole accordée par le maire, et le plafond de 5 minutes d’intervention par orateur au delà duquel le maire peut interrompre l’orateur et l’inviter à conclure très brièvement.
La censure de l’obligation d’appartenir à un groupe d’élus pour pouvoir s’exprimer dans le journal municipal
Le droit à l’expression des élus est prévu pour rappel à l’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales et le juge considère sur ce fondement qu’ ’il appartient au conseil municipal de déterminer les conditions de mise en œuvre du droit d’expression des conseillers municipaux d’opposition dans les bulletins d’information générale portant sur les réalisations et la gestion du conseil municipal. Les conseillers municipaux tenant de leur qualité de membres de l’assemblée municipale le droit de s’exprimer sur les affaires de la commune, tout élu doit être regardé comme n’appartenant pas à la majorité municipale au sens des dispositions précitées, dès lors qu’il exprime publiquement sa volonté, par-delà des désaccords purement conjoncturels ou limités à un sujet particulier, de se situer de façon pérenne dans l’opposition. »
En l’espèce, la disposition litigieuse du règlement intérieur prévoyait que « Chaque groupe d’élus n’appartenant pas à la majorité municipale a droit à 1/3 de page dans le bulletin municipal ». Le juge censure cette disposition en considérant que le conseil ne pouvait pas limiter l’expression des conseilleurs « aux seuls conseillers appartenant aux groupes d’élus n’appartenant pas à la majorité municipale alors même que les conseillers ne sont pas tenus d’appartenir à un groupe et qu’ils jouissent de la faculté de librement décider de leur appartenance à un groupe d’opposition ou de s’opposer individuellement à la politique menée par la municipalité ».
Le fait que les élus n’appartenant pas à la majorité soit effectivement rattaché à l’un des deux groupes d’opposition n’est pas suffisant pour rendre licite une telle disposition car il fallait « tenir compte des évolutions pouvant intervenir en cours de mandat entre majorité et opposition au sein du conseil municipal. »
L’article 31 du règlement intérieur du conseil municipal de Médan est donc annulé en tant qu’il limite l’expression des conseillers municipaux n’appartenant pas à la majorité municipale dans le bulletin municipal aux seuls conseillers appartenant à un groupe d’élus.
TA Versailles, 1re ch., 22 sept. 2022, n° 2004765.