Circulaire sur les prénoms des élèves transgenre à l’école – Validation du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat a rendu une décision sur un sujet rarement abordé dans la jurisprudence et dans la doctrine, à savoir les droit des élèves transgenres à l’école*.

L’affaire portait sur la circulaire par laquelle le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a adressé des recommandations à l’ensemble des personnels de l’éducation nationale afin de mieux prendre en compte la situation des élèves transgenres en milieu scolaire, de faciliter leur accompagnement et de les protéger. La circulaire du 29 septembre 2021 intitulée  » Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire » demandait aux les établissements scolaires et à leurs personnels de veiller, si l’élève dont l’état civil n’a pas été modifié en fait la demande, avec l’accord de ses représentants légaux lorsqu’il est mineur, à ce que le prénom choisi par l’élève soit utilisé par l’ensemble des membres de la communauté éducative et à ce qu’il soit substitué au prénom d’état civil de l’élève dans tous les documents relevant de l’organisation interne de l’établissement, y compris leurs espaces numériques. La circulaire rappelle qu’il appartient également aux personnels de l’éducation nationale de s’assurer que l’expression de genre des élèves n’est pas remise en cause ou moquée et que les choix liés à l’habillement et à l’apparence sont respectés, sous réserve des restrictions imposées par des impératifs de sécurité et appliquées sans distinction selon le genre. La circulaire invite, enfin, les établissements à tenir compte des préoccupations exprimées par les élèves sur l’usage des espaces d’intimité et à mettre en place des mesures générales et préventives pour lutter contre toutes les formes de discrimination, de harcèlement et de violence à l’égard des élèves transgenres.

Un requérant attaquait la circulaire en se fondant sur un très ancien texte, à savoir l’article 1er de la loi du 6 fructidor an II, aux termes duquel : «  Aucun citoyen ne pourra porter de nom ni prénom, autres que ceux exprimés dans son acte de naissance (…) « , ainsi que de celles de l’article 4 de la même loi, selon lequel il  » est expressément défendu à tous fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille, les prénoms portés en l’acte de naissance, (…), ni d’en exprimer d’autres dans les expéditions et extraits qu’ils délivreront à l’avenir « .

Le juge rejette cependant l’argument en faisant primer sur ces textes du XVIIIème siècle le premier article du code de l’éducation qui consacre la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction:

 » Il ressort des pièces du dossier que les termes de la circulaire relatifs à l’usage du prénom choisi par les élèves transgenres recommandent aux personnels de l’éducation nationale de faire usage de ce prénom plutôt que du prénom inscrit à l’état civil dans le cadre de la vie interne des établissements et pour les documents qui en relèvent, tout en précisant que seul le prénom inscrit à l’état-civil doit être pris en compte pour le suivi de la notation des élèves dans le cadre du contrôle continu pour les épreuves des diplômes nationaux. En préconisant ainsi l’utilisation du prénom choisi par les élèves transgenres dans le cadre de la vie interne des établissements, la circulaire attaquée, qui a entendu contribuer à la scolarisation inclusive de tous les enfants conformément aux dispositions de l’article L. 111-1 du code de l’éducation, n’a pas méconnu les dispositions des articles 1er et 4 de la loi du 6 fructidor an II. »

Décision commentée: Conseil d’Etat, 28 septembre 2022, n°458403, mentionné aux tables du recueil Lebon


*Le professeur Olivia Xui Buan avait fait une remarquable intervention sur ce sujet, à paraitre dans les futurs actes du colloque sur le droit à l’éducation, avec un article sur « le droit à l’éducation des élèves trans »