Des élus doivent avoir une tribune de l’opposition de taille raisonnable même s’ils ont été membres de la majorité municipale

La question de l’accès à la tribune de l’opposition publiée dans le journal municipal (ou sur les réseaux sociaux) a de nouveau donné lieu à de la jurisprudence. L’affaire portait sur la possibilité pour des élus, qui avaient fait partie de la majorité mais avaient décidé de rejoindre l’opposition, de bénéficier de cet espace d’expression.

Le juge rappelle le principe selon lequel « l appartient au conseil municipal de déterminer les conditions de mise en œuvre du droit d’expression des conseillers municipaux d’opposition dans les bulletins d’information générale portant sur les réalisations et la gestion du conseil municipal et que l’espace réservé aux conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale doit, sous le contrôle du juge, présenter un caractère suffisant et être équitablement réparti eu égard aux caractéristiques de la publication », en application de l’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriale.

Le juge du référé du tribunal administratif  ajoute que :

« À cet égard, ces dispositions bénéficient indistinctement à tous les conseillers municipaux d’opposition, qu’ils aient été élus sur une liste d’opposition ou qu’ils aient été initialement élus sur la liste majoritaire et aient ensuite quitté ou aient été exclus de la majorité municipale, le conseil municipal pouvant toutefois légalement décider d’allouer aux élus n’appartenant à aucun groupe un espace d’expressivement significativement moindre que celui alloué aux élus appartenant à un groupe d’opposition.

Dans cette affaire, le règlement intérieur du conseil municipal prévoyait « ) Une page est réservée dans chaque bulletin municipal dans la rubrique ‘expression’ pour les listes élues lors des dernières élections municipales (La Bouëxière dynamique et solidaire et Agir avec vous). Chaque liste aura 2 550 caractères dactylographiés. Chaque élu qui n’appartiendrait plus à une de ces deux listes pourra bénéficier d’un droit d’expression individuel de 189 caractères »

Le juge considère que le conseil municipal de la commune de La Bouëxière pouvait légalement décider, d’une part, d’allouer à chacun des deux groupes issus des élections un espace d’expression identique, ne tenant donc pas compte de leurs représentativités respectives et, d’autre part,  d’allouer un espace significativement moindre aux deux élus ayant quitté la majorité municipale.

Cependant, au delà ce principe, la question de la taille de l’espace était important. Le juge considère que

« eu égard à la périodicité et aux caractéristiques de cette publication, l’espace réservé à l’expression des deux conseillers municipaux n’appartenant pas à la majorité municipale ni à aucun autre groupe, représentant 189 caractères dactylographiés maximum, apparaît manifestement insuffisant pour leur permettre d’exprimer un point de vue argumenté et construit sur les réalisations et la gestion de la municipalité par le conseil municipal, sans que la commune de La Bouëxière puisse sérieusement faire valoir qu’un tel espace permet la formulation d’une phrase, synthétique et critique, sur un point ou un projet précis porté par la majorité municipale, et sans qu’ait d’incidence, ainsi qu’il a été dit au point 4, la circonstance que les deux élus en cause aient initialement été élus sur la liste majoritaire. »

Le juge suspend donc en urgence la disposition du règlement intérieur en tant qu’elle ne prévoit pas un espace suffisant.

 

TA Rennes, 12 avr. 2023, n° 2301611 

Voir également Conseil d’État, 14 avril 2022, n° 448912 ; TA Dijon, 29 septembre 2016 ; TA Montreuil  29 juin 2017.