Bruit et tranquillité publique: le maire ne pouvait pas réglementer les horaires d’ouverture de l’établissement sans mesurer le bruit résiduel

Un maire peut-il réglementer les horaires d’ouverture d’un établissement bruyant ? Comment se calcule l’émergence globale ? Faut il mesurer le bruit ambiant ou également le bruit résiduel?

Ces questions étaient posées au tribunal administratif de Nantes suite à un arrêté d’un maire ayant fixé du lundi au samedi de 7h à 20h les jours et horaires d’ouverture d’une station de lavage pour véhicules automobiles. Le maire avait également prescrit à la société de faire réaliser à ses frais, par un organisme agréé, une étude acoustique aux fins de déterminer le niveau prévisible des émissions sonores pour le voisinage liées au fonctionnement de cet établissement. L’arrêté était contestée devant le tribunal administratif par la société gérant la station de lavage.

Le juge rappelle que le maire dispose de la compétence pour assurer la tranquillité publique, composante de son pouvoir de police administrative (art. L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales). En outre, le maire dispose d’une compétence pour réglementer des activités professionnelles bruyantes  (article R. 1336-6 du code de la santé publique).

Ce dernier prévoit que :

«  Lorsque le bruit mentionné à l’article R. 1336-5 a pour origine une activité professionnelle autre que l’une de celles mentionnées à l’article R. 1336-10 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l’atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme est caractérisée si l’émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l’article R. 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. / Lorsque le bruit mentionné à l’alinéa précédent, perçu à l’intérieur des pièces principales de tout logement d’habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d’activités professionnelles, l’atteinte est également caractérisée si l’émergence spectrale de ce bruit, définie à l’article R. 1336-8, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. /Toutefois, l’émergence globale et, le cas échéant, l’émergence spectrale ne sont recherchées que lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, est supérieur à 25 décibels pondérés A si la mesure est effectuée à l’intérieur des pièces principales d’un logement d’habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou à 30 décibels pondérés A dans les autres cas. ».

L’article  R. 1336-7 du code de la santé publique définit la notion d’émergence globale, en indiquant qu’il s’agit de la « différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l’ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l’occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l’absence du bruit particulier en cause ».

Le juge retient que dans cette affaire, le maire ne justifiait pas s’inscrire dans les conditions fixées par cet article. En effet, le maire s’appuyait seulement sur un constat d’huissier réalisé à la demande de riverain qui avait relevé un bruit ambiant de 78 dB sur site et de 58 dB dans l’habitation des intéressés lors du lavage d’un véhicule et de respectivement 77 dB et 59 dB lors du séchage. L’huissier avait relevé un bruit ambiant de 70 dB mais n’avait pas relevé le bruit résiduel.

Le juge considère que « de telles constatations, qui ne tiennent pas compte du bruit résiduel et de l’émergence et donc du caractère éventuellement bruyant des lieux, en dehors même de l’activité de la station de lavage litigieuse, par exemple du fait de la circulation automobile alentour, ne pouvaient suffire, à elles seules, pour caractériser une atteinte à la tranquillité publique résultant uniquement des conditions d’exploitation de cette station.  »

En conséquence, le juge considère que le maire a commis une erreur d’appréciation en faisant usage de ses pouvoirs de police. L’arrêté est donc annulé.

Décision commentée: CAA Nantes, 4e ch., 6 janvier 2023, n° 22NT00777. Voir également CAA Douai, 1re ch. – formation à 3 (bis), 9 oct. 2008, n° 08DA00201,08DA00230.  TA Caen, 31 déc. 2018, n° 1701506.  ; CAA Marseille, 5e ch., 5 juill. 2021, n° 17MA03781 – 17MA03789.  TA Lyon, 9e ch., 9 déc. 2022, n° 2101920. ; TA Strasbourg, 5 nov. 2008, n° 0501182.  CAA Lyon, 6e ch. – formation à 3, 28 juill. 2022, n° 20LY03443 ; CAA Bordeaux, 7e ch. (formation à 3), 2 déc. 2021, n° 19BX03713.