Battue aux chèvres sauvages: le maire était incompétent

Un maire peut il organiser une battue aux chèvres sauvages? Comment s’articulent les pouvoirs de police général du maire et ceux spécifiques aux « animaux d’espèces non domestiques ? C’est la question bucolique qui a été tranchée par le tribunal administratif à l’occasion d’un déféré préfectoral contre l’arrêté municipal n°2021-233 du 14 décembre 2021 par lequel le maire de la commune de Lorette a organisé une battue aux chèvres sauvages. Ce dernier avait pour objet de remédier aux dégâts que causaient une dizaine de chèvres, sans propriétaire désigné, divaguant dans le cimetière communal et occasionnant des dégâts aux décorations florales sur les tombes, des plaintes ayant été formulées par des habitants de la commune.

L’article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, conjugué à l’article L.427-6 du code de l’environnement permet au maire de procéder à des battues « organisées sous le contrôle et la responsabilité technique des lieutenants de louveterie  », mais à certaines conditions, non remplies en l’espèce selon le tribunal administratif. En effet, les chèvres sauvages ne constituent pas une espèce nuisible entrant dans le champ du 9° de l’article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales. De plus, les dégâts qu’elles causaient ne constituaient pas des « dommages importants » et la battue organisée par l’arrêté contesté n’a pas été placée sous le contrôle et la responsabilité technique d’un lieutenant de louveterie comme exigée par le texte précité.

Par suite, selon le tribunal administratif, le maire a méconnu ces dispositions en organisant une battue aux chèvres sauvages sur le territoire de sa commune.

Le maire avait essayé par une substitution de base légale, de s’appuyer sur sur ses pouvoirs de police générale prévus par les dispositions du 7° de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Le tribunal rejette cependant également cette base légale au regard du faible risque pour l’ordre public et de l’existence de mesure alternative moins disproportionnée. Le juge fait une application classique du contrôle de proportionnalité des mesures de police (depuis CE, Benjamin, 19 mai 1933) :

 » il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire ne pouvait prendre une autre mesure, moins radicale et comportant moins de risques pour la sécurité publique, pour atteindre le même objectif de remédier aux dégâts et à la divagation de ces chèvres, comme le dépôt, dans un lieu désigné, de ces chèvres en état de divagation que ces mêmes dispositions du code générale des collectivités territoriales autorisent, sans préjudice au demeurant des dispositions l’article L. 211-20 du code rural et de la pêche maritime qui ont pour seul objet de faciliter la mise en œuvre de la responsabilité du gardien de l’animal à l’égard des tiers. Par ailleurs la gravité des dégâts occasionnés par ces chèvres était toute relative et il n’apparaît pas que ces chèvres auraient constitué un péril grave et imminent notamment pour les automobilistes empruntant l’autoroute A47, alors au demeurant que la mesure d’abattage contestée n’a été justifiée, dans ses motifs, que par les seuls dégâts occasionnés dans le cimetière et non aussi par l’existence d’un tel danger pour les automobilistes comme l’allègue désormais la commune dans ses écritures. »

Dans ces conditions, l’arrêté litigieux qui organise ainsi l’abattage des chèvres ayant causé des dégâts dans le cimetière communal par des opérations de tirs réalisés dans le cadre d’une battue administrative dont au surplus l’organisation a été confiée à l’association Société des chasseurs de Lorette, n’était en l’espèce, une mesure ni nécessaire ni adaptée et revêt, par suite, un caractère disproportionné par rapport à son objet qui était de remédier aux dégâts et à la divagation de ces chèvres. »

Le tribunal administratif annule donc l’arrêté litigieux.

TA Lyon, 6e ch., 5 juillet 2022, n° 2110298.