Annulation du refus de procéder à des aménagements cyclables à Marseille

Le tribunal administratif de Marseille a rendu une nouvelle décision illustrant le contrôle du juge en matière d’aménagement cyclable rendus obligatoire par l’article L. 228-2 du code de l’environnement.

L’affaire était portée par l’association « collectif vélo en ville » qui contestait les aménagements cyclables lors de la réalisation de la requalification du boulevard de la Blancarde à Marseille, et demandait au tribunal d’annuler la décision du 14 mai 2020 par laquelle la métropole Aix-Marseille-Provence avait implicitement refusé de mettre en place des aménagements cyclables supplémentaires sur l’intégralité de ce boulevard.

Le juge rappelle qu’en application de l’article  L. 228-2 du code de l’environnement:

« l’itinéraire cyclable dont elles imposent la mise au point à l’occasion de la réalisation ou de la rénovation d’une voie urbaine doit être réalisé sur l’emprise de la voie ou le long de celle-ci, en suivant son tracé, par la création d’une piste cyclable ou d’un couloir indépendant ou, à défaut, d’un marquage au sol permettant la coexistence de la circulation des cyclistes et des véhicules automobiles. Une dissociation partielle de l’itinéraire cyclable et de la voie urbaine ne saurait être envisagée, dans une mesure limitée, que lorsque la configuration des lieux l’impose au regard des besoins et contraintes de la circulation. »

Le juge fait ensuite application de ce régime juridique tronçon par tronçon:

En ce qui concerne le tronçon du boulevard de la Blancarde situé entre le boulevard Louis Botinelly et la rue Cadolive, le juge écarte l’argument de la largeur insuffisante du cheminement piéton:

 » Il ressort des pièces du dossier que la métropole Aix-Marseille-Provence a choisi d’aménager ce tronçon en deux voies de circulation, des trottoirs ainsi qu’une piste cyclable unidirectionnelle en montée. Pour justifier ce choix et l’absence d’aménagement cyclable en descente, la métropole fait valoir l’étroitesse de l’emprise de la voie et de ses accotements, mesurée à une largeur totale de 11,90 mètres, et se prévaut de l’étude du centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, qui privilégie les pistes cyclables en montée afin de réduire les effets négatifs du différentiel de vitesse entre les véhicules à moteurs et les bicyclettes, ainsi que de la recommandation selon laquelle la largeur des trottoirs devrait être supérieure à 1,80 mètres. Toutefois, alors que la métropole a fait le choix, sur le tronçon suivant, de réduire ponctuellement le cheminement piéton en deçà de ce seuil, à 1,40 mètres, afin d’aménager des places de stationnement, et qu’elle n’établit pas que la largeur de la voie empêchait un aménagement conforme aux exigences de l’article L. 228-2 du code de l’environnement, l’association requérante est fondée à soutenir que cet article a été méconnu. »

En ce qui concerne le tronçon du boulevard de la Blancarde situé entre la rue Jeanne de Chantal et le boulevard Louis Botinelly, le juge écarte l’argument de la zone 30 qui n’est pas un itinéraire cyclable et conteste le choix fait de prioriser les places de stationnement et les larges trottoirs :

 » Il ressort des pièces du dossier que la métropole Aix-Marseille-Provence a choisi d’aménager cette partie de chaussée en deux voies de circulation partagée pour les automobiles, bus et vélos, des places de stationnement longitudinal et enfin des trottoirs. Sur ce tronçon, aucun itinéraire cycliste n’est prévu, ni par une piste cyclable, ni par un marquage au sol. Pour justifier le choix de la priorisation de la conservation de places de stationnement et de larges trottoirs, la métropole défenderesse fait valoir que les contraintes de circulation, d’étroitesse de la voie et de ses accotements, de dynamisme commerçant et de caractère résidentiel du quartier l’ont rendue nécessaire, et qu’une zone limitée à 30 kilomètres par heure a été mise en place. Toutefois, alors que la « zone 30 » n’est pas au nombre des aménagements énumérés par l’article L. 228-2 précité du code de l’environnement, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’intégralité des places de stationnement transférées d’un côté à l’autre de la voie, aient été indispensables à l’aménagement de ce boulevard, ni que les dimensions de la voie empêchaient irrémédiablement un aménagement cycliste. Dans ces conditions, et alors qu’aucun itinéraire alternatif n’a été prévu pour les cyclistes, malgré le caractère structurant de cet axe au sein du « plan vélo » adopté par la métropole Aix-Marseille-Provence en 2019, l’association « collectif vélo en ville » est fondée à soutenir que le refus opposé à sa demande d’aménagement d’itinéraires cyclables sur cette portion méconnaît l’article L. 228-2 du code de l’environnement.

Le juge écarte en revanche l’argument tiré de la méconnaissance des prévisions du « plan vélo » (2019-2024) et du plan de déplacements urbains (2020-2030) adoptés par la métropole au regard de leur caractère insuffisamment précis.

L’association obtient néanmoins  l’annulation de la décision du 14 mai 2020 en tant qu’elle refuse de mettre en œuvre des aménagements cyclables supplémentaires sur le boulevard de la Blancarde à Marseille, entre la rue Jeanne de Chantal et la rue Cadolive.

 

TA Marseille, 5e ch., 15 septembre 2022, n° 2005246. voir également, CE, 30 novembre 2020, n°432095

La décision a été confirmée en appel: CAA Marseille, 7e ch., 26 mai 2023, n° 22MA02798.