Dans quelle mesure une commune peut elle encadrer et donc restreindre le droit de grève ? Le tribunal administratif de Melun apporte une réponse à cette question controversée en jurisprudence, dans le cadre d’un référé liberté.
Dans cette affaire, le DGS de la commune de Boissy-Saint-Léger avait prescrit des obligations à certains agents. La note de service leur imposait de se déclarer grévistes au moins 48 heures avant le début de la grève ; 2°) de déclarer leur renonciation à faire grève au moins 24 heures avant le début de la grève ; 3°) déclarer leur reprise de service avant la fin de la grève au moins 24 heures avant la grève. La commune imposait par ailleurs « de faire grève du début à la fin de service compte tenu de l’existence d’un risque de désordre manifeste dans l’exécution de certains services ».
La note de service était contestée devant le tribunal administratif de Melun par un syndicat.
Le tribunal écarte l’application de la jurisprudence Dehaene du Conseil d’Etat du 7 juillet 1950 ainsi que son arrêt n° 390031 du 6 juillet 2016 aux termes duquel » la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d’en éviter un usage abusif, ou bien contraire aux nécessités de l’ordre public ou aux besoins essentiels du pays ; il appartient à l’autorité administrative responsable du bon fonctionnement d’un service public de fixer elle-même, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, la nature et l’étendue de ces limitations pour les services dont l’organisation lui incombe » .
Le tribunal relève en effet que ces jurisprudences, sont antérieures à la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, et avaient pour but de pallier l’absence de réglementation du droit de grève annoncée par la Constitution ; » à partir du moment où cette réglementation a été introduite par la loi du 6 août 2019 codifiée aux articles précités du code général de la fonction publique, les collectivités territoriales ne disposent plus du pouvoir de prendre des mesures propres pour assurer le bon fonctionnement d’un service public ou en cas de désordre manifeste en restreignant plus que ce que prévoit la loi le droit de grève. »
Le juge administratif considère donc que c’est de manière illégale que la note étendait à tous les agents communaux l’obligation de déclarer leur renonciation à faire grève au moins 24 heures avant le début de la grève et celle de déclarer leur reprise de service avant la fin de la grève au moins 24 heures avant la grève
Le juge administratif considère en outre que selon le dernier alinéa de l’article L. 114-9 du code général de la fonction publique, la possibilité laissée à l’autorité territoriale d’imposer à ses agents ayant déclaré leur intention de participer à la grève d’exercer leur droit dès leur prise de service et jusqu’à son terme ne s’applique que lorsque l’exercice du droit de grève en cours de service pourrait entraîner un risque de désordre manifeste dans l’exécution du service. Or la note contestée impose l’obligation de faire grève du début à la fin de service à tous les agents communaux, et non seulement à ceux des services dans lesquels il a été constaté l’existence d’un risque de désordre manifeste.
Le juge considère donc que la note querellée violait, en ses deux dispositions relatives à l’obligation de se déclarer et aux désordres manifeste dans l’exécution du service, de manière grave et manifestement illégale le droit relatif à la grève dans les collectivités territoriales.
La note de service est donc suspendue.
TA Melun, 16 févr. 2023, n° 2301353. Voir également TA Marseille, 21 octobre 2022, n° 2103212 ; TA Lyon, 30 décembre 2022, n° 2106858