Le tribunal administratif de Marseille a rendu une décision intéressante sur les droits des piétons et leur protection par le droit de l’urbanisme.
L’affaire portait sur la construction d’un immeuble qui allait transformer une impasse étroite et sinueuse en voie fréquentée.
Le juge administratif relève les règles d’urbanisme qui prévoyaient la largeur minimum des voiries de desserte:
« D’une part, aux termes de l’article UC12 du règlement applicable du plan local d’urbanisme intercommunal du Territoire de Marseille Provence, relatif à la desserte par les voies publiques ou privées, » pour accueillir une construction nouvelle, un terrain doit être desservi par une voie ou une emprise publique existante ou créée dans le cadre du projet et dont les caractéristiques permettent de satisfaire :/’ aux besoins des constructions et aménagements ;/’et aux exigences de sécurité routière, de défense contre l’incendie, de sécurité civile et de collecte des ordures ménagères « .
D’autre part, l’en-tête de ce même article UC12 rappelle que les autorisations d’urbanisme doivent également être compatibles avec l’orientation d’aménagement et de programmation (OAP) intitulée » Qualité d’aménagement et des formes urbaines « , concernant notamment les gabarits des voiries de desserte externes aux opérations, laquelle prévoit que » « pour pouvoir accueillir une construction, le terrain doit être desservi : () par une voie ou emprise publique en double sens dont la largeur de chaussée est comprise entre 5,5m et 6m ». Enfin, le règlement écrit du PLUi relatif aux zones UC débute par des rappels au sein desquels figure celui-ci : « L’OAP » Qualité d’aménagement et des formes urbaines « complète, en pouvant être plus restrictive mais pas plus permissive, le règlement des zones UC ».
Le juge rappelle le rôle de ce texte en matière de protection de la sécurité publique, y compris pour les tiers, dont les usagers de la voirie:
« .Les risques d’atteinte à la sécurité publique visés par ce texte sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis d’aménager est sollicité que ceux que l’opération projetée peut engendrer pour des tiers et il appartient à l’autorité d’urbanisme compétente et au juge de l’excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d’atteintes à la sécurité publique justifient un refus de permis d’aménager sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s’ils se réalisent. »
Or, dans cette affaire, la largeur de la voie allait devenir insuffisante, notamment pour permettre une circulation sans risque des piétons:
» Il ressort des pièces du dossier, complétées par la consultation du site Géoportail accessible tant au juge qu’aux parties, que l’impasse des Marronniers est la voie publique qui, partant du boulevard Louis Villecroze et enjambant les voies ferrées, sinue jusqu’au terrain d’assiette du projet, avant d’aboutir à la traverse des Marronniers, qui dessert les bâtiments de la résidence requérante. Contrairement à ce qu’affirme la commune de Marseille, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette impasse des Marronniers, qui est à double sens et dont les pétitionnaires elles-mêmes disent qu’elle « fait environ 5 mètres », présenterait sur la totalité de son tracé, et notamment sur le pont au-dessus des voies ferrées se trouvant juste avant le terrain d’assiette du projet en venant du boulevard Villecroze, un gabarit de 5 mètres de chaussée roulante, et des trottoirs ou accotements permettant une circulation sans risque des piétons.
Alors que l’immeuble de trente logements projeté va nécessairement induire sur cette voie une circulation non négligeable, s’ajoutant à celle générée sans nul doute par la partie des nombreux habitants de la résidence requérante qui l’empruntent – même s’ils disposent aussi de la traverse des Marronniers pour leur desserte -, les caractéristiques présentées par cette voie de desserte externe ne satisfont pas aux besoins des constructions et aux exigences en matière de sécurité routière. Ces caractéristiques ne permettent pas de la regarder comme répondant aux exigences de l’article UC12 précité, ni comme compatible avec l’OAP « Qualité d’aménagement et des formes urbaines », et le syndicat requérant est donc fondé à soutenir qu’en délivrant le permis de construire en litige, le maire de Marseille a méconnu ces dispositions.
La délivrance du permis de construire est donc annulée.
TA Marseille, 2e ch., 20 octobre 2022, n° 2109001.