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Référé liberté et suspension en urgence des interdictions de stade

Le juge du référé liberté du tribunal administratif peut suspendre en urgence les arrêtés préfectoraux d’interdiction de stade. Le tribunal administratif de Caen a pris une ordonnance illustrant l’utilité de cette procédure du référé liberté dans les défenses de la liberté d’aller et venir des supporters. Rappelons que cette procédure permet d’obtenir une décision en 48 h.

Le mécanisme d »interdiction de stade est prévue à l’article L. 332-16-2 du code du sport, qui permet au préfet de  » restreindre la liberté d’aller et de venir des personnes se prévalant de la qualité de supporter d’une équipe ou se comportant comme tel sur les lieux d’une manifestation sportive et dont la présence est susceptible d’occasionner des troubles graves pour l’ordre public ».

Dans cette affaire, le préfet du Calvados avait pris un arrêté prévoyant l’interdiction d’accéder au stade Michel d’Ornano, de stationner et de circuler sur la voie publique dans le centre-ville et aux abords du stade, à toute personne se prévalant de la qualité de supporter du FC Nantes. L’association nationale des supporters demandait la suspension de cette décision.

Le tribunal administratif rappelle le rôle du juge administratif dans le contrôle de ces mesures:

« Il appartient aux autorités de l’Etat d’assurer la préservation de l’ordre public et sa conciliation avec les libertés fondamentales que sont notamment la liberté d’aller et venir, la liberté d’association, la liberté de réunion et la liberté d’expression.

 Les interdictions que le représentant de l’Etat peut décider, sur le fondement des dispositions précitées du code du sport, présentent le caractère de mesure de police. L’existence d’une atteinte à l’ordre public de nature à justifier de telles interdictions doit être appréciée objectivement, indépendamment du comportement des personnes qu’elles visent dès lors que leur seule présence serait susceptible d’occasionner des troubles graves pour l’ordre public, tant au cours de leur déplacement que sur le lieu de la manifestation sportive. Il incombe au juge des référés d’apprécier, dans chaque cas, les diligences accomplies par l’administration en tenant  compte des moyens dont elle dispose ainsi que des circonstances particulières de l’espèce. »

Dans cette affaire,  le préfet se fondait sur le déplacement de plusieurs milliers de personnes et sur une
décision de la Fédération française de football du 29 décembre 2022 prononçant une sanction disciplinaire à l’encontre du FC Nantes qui rappelait des difficultés passées ave les supporters.

Cependant, l’association de supporters soutenait en défense qu’il n’existe aucune rivalité entre les supporters du FC Nantes et le club de l’AF Virois, et qu’aucun incident n’a été relevé lors des rencontres entre le FC Nantes et le SM Caen depuis 2017. L’association, reprend le juge, « n’est pas davantage contredite lorsqu’elle expose que la rencontre avec le club amateur de l’AF Virois va attirer moins de spectateurs que pour un match entre clubs professionnels et que, compte tenu du taux de remplissage du stade, les supporters nantais pourront, le cas échéant, être regroupés dans une tribune dédiée et isolée. » Enfin, le préfet ne fournit aucune indication quant au classement éventuel du match sur l’échelle de risque prise en compte par le ministère de l’intérieur. En dernier lieu, le juge constate qu’il n’est pas allégué par le préfet que les forces de l’ordre seraient mobilisées à cette date dans le département du Calvados pour assurer la protection d’autres évènements locaux.

Dès lors, le juge considère que la mesure d’interdiction générale en litige ne peut pas être regardée comme étant justifiée par un risque de trouble grave à l’ordre public. Le juge retient donc que l’arrêté constitue une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale d’aller et de venir et suspend l’arrêté.

Décision commentée: TA Caen, 4 janv. 2023, Association nationale des supporters, n° 2300002

Voir également: CE, 18 janvier 2020, n° 437733 ;  TA Montreuil, 25 novembre 2022, n° 2217009; TA Paris, 12 novembre 2022, n° 2223344.