Référé liberté et protection des arbres

Peut on utiliser la procédure de référé pour protéger les arbres  ? Le Conseil d’Etat a rendu une décision nuancée, rendue à propos des arbres d’alignement  au droit du tracé de la future autoroute A 69 entre Castres et Verfeil qui devraient être abattus. Ces arbres d’alignement sont en effet protégés de manière spécifique par l’article L. 350-3 du code de l’environnement.

Le référé liberté nécessite de caractériser une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Cette liberté est en matière environnementale, « le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement », qui est invocable depuis peu dans le cadre d’un référé liberté mais de manière très restreinte (CE, 20 septembre 2022, n°451129)

Ainsi, pour se prévaloir de cette procédure de référé liberté il « appartient au requérant faire état de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier, dans le très bref délai prévu par ces dispositions, d’une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Dans tous les cas, l’intervention du juge des référés dans les conditions d’urgence particulière prévues par l’article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires ».

Dans cette affaire, le juge ne se prononce pas sur la légalité des abattages programmés mais s’en tient à la condition d’urgence, non remplie en raison d’une suspension temporaire des abattages.

L’abattage était en effet suspendu par application d’une mesure de réduction annexée à l’arrêté interdépartemental d’autorisation environnementale du 1er mars 2023, relative à l’« adaptation du  calendrier de travaux vis-à-vis des enjeux écologiques (flore, faune et zones humides) », qui limite  la période de déboisements, d’une part, entre le 1er septembre et la mi-novembre, et, d’autre part, entre le 15 février et le 31 mars « dans les secteurs à moindres enjeux avec validation de la DREAL/DE ».

Le juge constate que « si une partie des arbres formant des alignements le long des voies situées sur le parcours de la future autoroute ont été abattus dans le cadre de la phase préparatoire des travaux, les opérations d’abattage ont été suspendues le 31 mars dernier et ne reprendront pas avant le mois de septembre 2023″.

Le juge reprend à son compte les promesses du concessionnaire et des entrepreneurs en charges des travaux sur le respect de cette « pause »:

« les sociétés Atosca, concessionnaire de l’autoroute, et Guintoli, mandataire du groupement d’entreprises chargées des travaux de construction, ont confirmé qu’elles respecteraient la période d’interdiction d’abattage des alignements d’arbres qui ne sauraient entrer dans le champ de cette dérogation. » Ces dernières ont d’ailleurs assuré à l’audience que le programme des travaux ne comportait aucun abattage d’arbres entrant dans le champ de la protection de l’article L. 350-3 du code de l’environnement avant le mois de septembre prochain »

Le juge rejette donc sur la foi de ces promesses, la condition d’urgence, en considérant que le juge du référé liberté n’a pas à trancher un litige qui deviendra critique seulement quatre mois plus tard.

Le référé liberté est donc rejeté.

CE, juge des réf., 19 avr. 2023, n° 472633.