Le Conseil d’Etat a jugé que le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé constitue une liberté fondamentale au sens de l’article 521-2 du code de justice administrative relatif au référé liberté.
L’affaire portait sur une demande suspension de travaux de recalibrage de la route départementale n°29 au lieu-dit » Les Martins « , sur le territoire de la commune de la Crau qui détruisaient selon les requérant des espèces protégées. Un référé liberté avait été déposé devant le tribunal administratif de Toulon qui avait rejeté la requête en considérant – classiquement – que le droit invoqué ne constituait pas une liberté fondamentale… avant que l’affaire ne soit portée devant le Conseil d’Etat qui a procédé à un revirement de jurisprudence.
Le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé peut donc désormais être protégé par un référé liberté, une procédure extrêmement rapide (48h) et efficace au regard de l’étendue des pouvoirs du juge administratif. Jusqu’à présent, malgré la liste assez longue de droits et libertés reconnus comme libertés fondamentales au sens de cette procédure, les droits afférents à l’environnement en restaient exclus. Il sera nécessaire pour utiliser avec succès ce référé liberté d’être en mesure de démontrer qu’une atteinte grave et manifestement illégale est porté à son droit à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé:
« En outre, le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
C’est une décision importante était attendue de très longue date par les défenseurs de l’environnement et des libertés fondamentales et ouvre un nouveau champ contentieux aux avocats en droit de l’environnement :
Le Conseil d’Etat livre un mode d’emploi de ce référé liberté environnemental.
Il rappelle qu’il existe d’autres procédures pour demander de faire cesser une atteinte à l’environnement, ces dernières étant plus ouvertes mais également plus limitées au regard des délais de procédures et des pouvoirs du juge. Il y a d’une part une procédure où l’urgence n’est pas requise, pour faire cesser ces atteintes à l’environnement, telle que prévue aux articles L. 122-2 et L. 123-16 du code de l’environnement. Et d’autre le référé mesures utiles qui peut être utilisé pour demander d’ordonner une mesure conservatoire pour faire cesser l’atteinte, mais sans que cela ne puisse faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative.
Le référé liberté est quant à lui encadré par le considérant suivant:
» Toute personne justifiant, au regard de sa situation personnelle, notamment si ses conditions ou son cadre de vie sont gravement et directement affectés, ou des intérêts qu’elle entend défendre, qu’il y est porté une atteinte grave et manifestement illégale du fait de l’action ou de la carence de l’autorité publique, peut saisir le juge des référés sur le fondement de cet article.
Il lui appartient alors de faire état de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier, dans le très bref délai prévu par ces dispositions, d’une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Dans tous les cas, l’intervention du juge des référés dans les conditions d’urgence particulière prévues par l’article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l’article L. 521-2, les mesures qu’il peut ordonner doivent s’apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises. »
Les conditions posées par le juge ne seront donc pas aisées à remplir, ce qui au demeurant est le cas de tous les référés libertés. Le requérant devra ainsi
- démontrer que sa demande est suffisamment urgente pour justifier que le juge doive statuer en 48h, à défaut de quoi le juge considéra qu’il lui appartient d’utiliser les autres procédures à sa disposition.
- démontrer démontrer que les mesures de sauvegarde nécessaires peuvent être prises à très bref délai
- que les mesures demandées soient réalistes au regard des moyens de l’administration c’est à dire en » en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente ».
Témoignage de la difficulté de remplir ces conditions, la demande des requérants est d’ailleurs rejetée pour défaut d’urgence particulière dès lors que le projet résulte d’une délibération datant de 2016 qui a donné lieu, ensuite, à une déclaration au titre de la loi sur l’eau et à une autorisation de défrichement par arrêté préfectoral de décembre 2020, que les requérants n’ont pas contestées. Au regard de l’ancienneté du dossier, et de l’absence de diligence préalable des requérants, le Conseil d’Etat rejette donc le caractère urgent de la demande (dans un raisonnement classique en référé mais critiquable). Le Conseil d’Etat rejette également et en tout état de cause le caractère suffisant de la gravité de l’atteinte au droit à vivre dans un environnement sain en s’appuyant sur un diagnostic environnemental établi par le département du var. La demande des requérants est donc rejetée.
Cette ordonnance du 20 septembre 2022 ouvre donc une nouvelle voie procédurale très prometteuse mais également très encadrée. Espérons que cette porte étroite ne sera pas une porte fermée.
Décision commentée: Conseil d’Etat, Section du Contentieux, 20 septembre 2022, n°451129