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Exclusion d’une formation paramédicale : l’exigence de preuves tangibles face aux appréciations subjectives

L’ordonnance de référé rendue le 4 octobre 2023 par le tribunal administratif de Nîmes illustre avec force la vigilance du juge face aux mesures d’exclusion prononcées dans le cadre des formations paramédicales. Cette décision rappelle qu’une sanction aussi grave que l’exclusion définitive d’un institut de formation en soins infirmiers ne peut reposer sur des allégations non étayées, fussent-elles consignées dans des rapports officiels.

Une exclusion définitive aux conséquences irrémédiables

L’affaire concernait une étudiante en première année de formation d’infirmière, qu’elle redoublait après avoir dû interrompre temporairement son parcours. Au terme d’un stage de dix semaines effectué au sein d’un service de soins infirmiers à domicile, l’institut de formation aux métiers de la santé du CHU de Nîmes avait prononcé son exclusion définitive. Le motif invoqué était particulièrement grave puisqu’il était reproché à l’étudiante d’avoir accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge. Cette décision, prise sur le fondement des articles 15 et 16 de l’arrêté du 21 avril 2007 relatif au fonctionnement des instituts de formation paramédicaux, constituait la sanction la plus sévère dont disposait l’établissement.

Le caractère dramatique de cette mesure pour l’étudiante ne faisait aucun doute. Comme l’a relevé le juge des référés, une telle exclusion, eu égard à sa nature et à sa motivation, entachait très défavorablement le dossier scolaire de l’intéressée au point de rendre impossible toute inscription dans un autre institut de formation. Il ne s’agissait donc pas simplement d’un changement d’établissement mais d’une condamnation définitive de tout projet professionnel dans le domaine des soins infirmiers, alors même que l’étudiante avait déjà validé une partie significative de sa formation.

Une absence troublante de corroboration des griefs

Le cœur du raisonnement du juge des référés réside dans l’examen critique des éléments à charge retenus contre l’étudiante. Les faits reprochés reposaient exclusivement sur trois rapports circonstanciés rédigés par l’infirmière coordinatrice ayant supervisé le stage, en sa qualité de maître de stage. Or, ces rapports n’étaient corroborés par aucune autre pièce du dossier. Plus troublant encore, ces appréciations négatives apparaissaient en totale contradiction avec l’ensemble des évaluations antérieures dont avait bénéficié l’étudiante.

Le tribunal a souligné que les bilans des stages précédemment accomplis, établis par d’autres maîtres de stage et tuteurs, ne contenaient aucun élément défavorable comparable. Même concernant le stage litigieux au sein du service de soins infirmiers à domicile de Vergèze, la tutrice de l’étudiante avait porté des appréciations favorables tant dans le bilan intermédiaire que dans le bilan final. Cette divergence radicale entre l’appréciation de la tutrice et celle de l’infirmière coordinatrice ne pouvait que susciter l’interrogation du juge.

L’étudiante avait par ailleurs produit des attestations circonstanciées de patients dont elle avait eu la charge durant ce stage. Ces témoignages, émanant des bénéficiaires directs des soins, contredisaient également les allégations figurant dans les rapports de l’infirmière coordinatrice. Face à cette accumulation d’éléments favorables à l’étudiante et à l’isolement des griefs formulés à son encontre, le juge a considéré que la matérialité même des faits reprochés n’était pas établie.

Une disproportion manifeste de la sanction

Au-delà de la question de la preuve des faits, le juge a également identifié une erreur manifeste d’appréciation dans le choix de la sanction. L’exclusion définitive constituait la mesure la plus sévère parmi celles dont disposait la section compétente du CHU de Nîmes. Or, même à supposer que certains manquements aient pu être établis, la gravité de la sanction apparaissait disproportionnée au regard du dossier dans son ensemble.

L’étudiante avait constamment contesté la matérialité des faits qui lui étaient reprochés. Son parcours antérieur, marqué par des évaluations positives et la validation d’une partie significative de sa formation, témoignait de ses capacités professionnelles. Le caractère isolé des difficultés rencontrées lors de ce dernier stage, qui plus est concentrées dans les rapports d’une seule personne, suggérait davantage des difficultés relationnelles ponctuelles avec un maître de stage particulier qu’une incapacité fondamentale à exercer le métier d’infirmière en toute sécurité.

Une suspension salutaire et une réintégration ordonnée

Face à ces éléments, le juge des référés a estimé que les moyens invoqués créaient un doute sérieux sur la légalité de la décision d’exclusion et que la condition d’urgence était manifestement remplie. Il a donc ordonné la suspension de l’exécution de cette décision et, conséquence logique de cette suspension en début d’année universitaire, enjoint au CHU de Nîmes de réintégrer l’étudiante en première année de formation pour l’année 2023-2024 dans un délai de quinze jours.

Cette décision rappelle aux établissements de formation paramédicale qu’une mesure d’exclusion définitive ne peut se fonder sur des appréciations subjectives isolées, aussi circonstanciées soient-elles dans leur formulation. La gravité de la sanction exige des preuves tangibles et convergentes, d’autant plus lorsque le dossier antérieur de l’étudiant plaide en sa faveur.

TA Nîmes, 4 oct. 2023, n° 2303443.