Par une ordonnance rendue ce 30 avril 2020, le juge du référé-liberté du Conseil d’Etat a mis à la charge du Premier ministre un devoir de communication pour mettre un terme entre la position de principe du Gouvernement et celle, défavorable, exprimée sur internet, des ministres de l’intérieur et des sports.
Le juge du référé-liberté a rappelé l’état du droit :
« Sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, l’article 3 du décret du 23 mars 2013 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, modifié et complété à plusieurs reprises, interdit, en dernier lieu jusqu’au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile, à l’exception de certains déplacements obéissant aux motifs qu’il énumère. Au nombre de ceux-ci figurent notamment, au 5° de cet article, les « déplacements brefs, dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile, liés soit à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d’autres personnes, soit à la promenade avec les seules personnes regroupées dans un même domicile, soit aux besoins des animaux de compagnie ». Il résulte des termes mêmes de cet article 3 que l’usage, pour un déplacement qu’il autorise, d’un moyen de déplacement particulier, notamment d’une bicyclette, ne saurait, à lui seul, caractériser une violation de l’interdiction qu’il édicte. »
Le Conseil d’Etat a relevé le caractère contradictoire de la position exprimée par le Ministre des sports:
« Toutefois, il résulte également de l’instruction que, malgré l’existence de cette position de principe, dont la légalité n’est pas contestée par la fédération requérante, plusieurs autorités de l’Etat continuent de diffuser sur les réseaux sociaux ou dans des réponses à des « foires aux questions », l’information selon laquelle la pratique de la bicyclette est interdite dans le cadre des loisirs et de l’activité physique individuelle « à l’exception des promenades pour aérer les enfants où il est toléré que ceux-ci se déplacent à vélo, si l’adulte accompagnant est à pied », ainsi qu’un pictogramme exprimant cette même interdiction.«
Le juge considère en conclusion;
» Dans ces conditions, compte tenu de l’incertitude qui s’est installée, à raison des contradictions relevées dans la communication de plusieurs autorités publiques, sur la portée des dispositions de l’article 3 du décret du 23 mars 2020, particulièrement en ce qui concerne l’activité physique, quant à l’usage de la bicyclette et des conséquences de cette incertitude pour les personnes qui utilisent la bicyclette pour leurs déplacements autorisés, l’absence de diffusion publique de la position gouvernementale mentionnée au point 6 doit être regardée, en l’espèce, comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale justifiant que le juge du référé-liberté fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative et enjoigne au Premier ministre de rendre publique, sous vingt-quatre heures, par un moyen de communication à large diffusion, la position en question. »