Annulation du règlement intérieur d’un conseil municipal attentatoire aux droits des élus d’opposition

Le tribunal administratif de Lille a rendu une intéressante décision relative aux droits des élus d’opposition au sein d’un conseil municipal. Le jugement annule plusieurs dispositions du règlement intérieur du conseil municipal de Cucq qui limitaient excessivement les droits de l’opposition.

Annulation de l’obligation de conserver son téléphone portable éteint

La première annulation concerne lobligation qui était faite aux élus de conserver leur téléphone portable éteint durant les séances du conseil municipal. Le juge administratif relève que cette obligation « fait obstacle, d’une part, et en l’absence de toute réserve sur ce point, à ce que les conseillers municipaux ou les tiers puissent enregistrer les séances du conseil municipal, et d’autre part, à ce que les élus puissent accéder en cours de séance et via ce support aux documents de travail qui leur seraient adressés au format numérique. » Le juge relève également qu’ « aucune contrainte d’organisation des séances du conseil municipal non plus que la nécessité de garantir le bon déroulement des débats ne justifient une telle obligation. »

Annulation d’une obligation générale de confidentialité 

La deuxième annulation concerne les commissions. Le juge considère que l’obligation générale de confidentialité qui n’est prévue par aucune disposition législative ou réglementaire, ainsi que l’interdiction de publier tout document reçu ou produit à l’occasion des commissions administratives portent atteinte de manière disproportionnée à la liberté d’expression des conseillers municipaux, qui s’exerce sous leur responsabilité propre et qui concourt directement à l’exercice de la démocratie locale, et aux droits que les élus tiennent de leur mandat.

Annulation d’un espace trop restreint dans le journal municipal

La troisième annulation porte sur l’espace réservé à l’opposition dans le journal municipal. Le juge rappelle que  » l’espace réservé aux conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale doit, sous le contrôle du juge, présenter un caractère suffisant et être équitablement réparti.

Le juge retient que dans cette affaire l’opposition ne dispose qu’une « demi page du bulletin municipal, et seulement 1/6 de page, soit 800 caractères, au groupe le moins représentatif ». « L’espace réservé dans ces conditions à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité doit ainsi être regardé comme excessivement restreint au sein d’une publication de périodicité semestrielle qui comprend en moyenne une trentaine de pages. »

Annulation de l’absence d’espace d’expression sur le site internet et la page Facebook de la commune

Le juge censure également l’impossibilité pour les élus d’opposition de publier sur les sites internet de la commune et sa page Facebook. Le juge relève que ces derniers « diffusent également des informations générales sur les réalisations et la gestion de la commune, distinctes de celles publiées au sein du bulletin municipal, nécessitant par suite que soit également réservé aux élus n’appartenant pas à la majorité un espace pour s’exprimer conformément à l’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales ».

S’agissant de sa page Facebook, le juge indique qu’il doit y avoir un réel partage : « à supposer que les tiers puissent y rédiger des commentaires sous les publications officielles de la commune, voire même poster directement des messages sur cette page, l’administrateur de la page pourrait librement les supprimer ou les bloquer et, en tout état de cause, les publications des tiers n’ont pas le même statut que celles de l’administrateur, n’apparaissant notamment sur la page que si le lecteur demande à les voir. Par ailleurs, les commentaires ne permettent pas d’évoquer un nouveau sujet. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir qu’en ne prévoyant pas dans le règlement intérieur la création d’un espace d’expression pour les élus d’opposition sur son site internet et sur sa page Facebook, ainsi que les modalités d’exercice du droit d’expression dans ces espaces, l’article 24 a) méconnait également l’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales. »

(Voir en ce sens, notre article dédié sur les espaces d’expression sur les réseaux sociaux des élus de l’opposition )

Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à demander les dispositions du règlement intérieur limitant le droit d’expression aux conseillers appartenant à un groupe constitué, sans prévoir de possibilité d’évolution, en tant qu’il ne réserve pas un espace suffisant aux élus n’appartenant pas à la majorité et en tant qu’il ne prévoit aucun espace d’expression sur le site internet et la page Facebook de la commune, et en tant qu’il impose que les téléphones portables soient éteints.

Référence: TA Lille, 28 sept. 2021, n° 2005711 .