Un organisme de formation ne peut pas faire l’objet d’une sanction disproportionnée par la CDC

Que faire si la caisse des dépôts et consignations sanctionne un organisme de formation ? Le tribunal administratif d’Amiens a rendu une décision intéressante à propos d’un centre de formation dans le domaine de la bureautique et de l’informatique qui recourait au CPF. L’organisme de formation était référencé sur la plateforme « Mon compte Formation » géré par la caisse des dépôts et consignations (CDC).

La CDC avait décidé le déréférencement à titre conservatoire de la société durant toute la procédure contradictoire. Il lui était reproché des signalements d’usagers relatifs à ses pratiques commerciales et techniques de vente. Il lui était demandé de produire des pièces relatives à 261 actions de formation réalisées par elle, ainsi que plusieurs documents relatifs à la méthodologie du recrutement de ses stagiaires, à la promotion des offres et à leur tarification. La CDC a ensuite prononcé le déréférencement de l’ensemble des formations de la société Vexin Conseil pour une durée de six mois aux motifs qu’elle ne justifiait ni des titres et qualités de ses formateurs, ni de l’existence d’un accompagnement individualisé des stagiaires, et a déclaré inéligibles au compte personnel de formation 261 formations déjà réalisées, en imposant à la société le remboursement des sommes versées par la CDC au titre de ces formations.

La société contestait la sanction devant le tribunal administratif via une procédure de référé suspension permettant d’obtenir une décision en urgence.

Le juge du référé retient tout d’abord l’urgence à statuer, nécessaire dans le cadre d’une procédure de référé suspension. Le juge prend en compte une attestation de l’expert-comptable et le bilan pédagogique et financier qui détaille l’ensemble des produits réalisés au titre de la formation professionnelle selon leur origine,  pour considérer que 97,8 % de cette somme correspond à des prestations réalisées dans le cadre du « compte personnel de formation ». Ainsi, la société assurait l’essentiel de son activité économique en dispensant des actions de formation relevant du compte personnel de formation et le chiffre d’affaire dégagé au titre des formations financées autrement par la CDC reste insuffisant à couvrir les charges de la société.

Dès lors, et bien qu’elle ne fasse pas obstacle, par elle-même, à ce que la société requérante poursuive d’autres actions de formation, la décision, en ce qu’elle prononce son déréférencement du service dématérialisé « mon compte formation » met un terme à l’exercice de l’essentiel de son activité annuelle pour une durée de six mois, qui s’ajoute d’ailleurs à la période de déréférencement décidée à titre conservatoire, et porte ainsi une atteinte suffisamment grave et immédiate à ses intérêts pour que la condition d’urgence puisse être regardée comme remplie, considère le tribunal.

Sur la légalité de la sanction contestée, le juge du référé rappelle la procédure contradictoire prévue à l’article R. 6333-6 du code du travail et les différentes stipulations des conditions particulières spécifiques aux organisme de formation.

Ainsi, le juge relève que :

« En vertu de l’article 13.1 des conditions générales d’utilisation, une procédure contradictoire préalable est mise en œuvre en présence de « tout différend » entre la CDC et un organisme de formation. Cet article précise que cette procédure est initiée par l’envoi d’une « lettre d’observations », à compter de laquelle l’organisme de formation « bénéficie d’une période d’échange et de dialogue pour discuter des constats et observations adressés » par la CDC, appelée « période contradictoire ».

Il prévoit que « l’organisme de formation peut adresser durant cette période ses observations écrites et apporter les précisions et documents nécessaires ».

Enfin, cet article prévoit qu’au « terme de la période contradictoire, la CDC notifie la décision par tout moyen » et que cette décision « précise les suites données par () l’organisme de formation aux demandes qui lui ont été adressées par la CDC et s’il y a lieu les éventuelles mesures décidées à la suite du contrôle effectué, et le cas échéant, la décision de non-paiement ou de recouvrement des sommes versées ». »

Le juge administratif considère qu’il existe un doute sur la régularité de la procédure contradictoire dès lors que l’organisme de formation « n’a pas été mise à même de présenter ses observations sur les deux griefs retenus par la décision attaquée, mais seulement sur un grief distinct tiré de ses pratiques commerciales qui a été expressément abandonné dans la décision du 29 juillet 2022« .

Le juge relève également comme pertinent la critique relative à la disproportion de la sanction.

La sanction est donc suspendue en urgence par le juge des référés du tribunal administratif.

TA Amiens, 18 octobre 2022, n° 2203140. TA Paris, 8 juin 2023, n° 2309339