Le gouvernement a publié au coeur de l’été le décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du code de justice administrative et du code de l’urbanisme. Ce texte s’inscrit dans la lignée des précédentes réformes récentes durcissant l’accès au juge et renforçant les pouvoirs des juridictions administratives afin d’accroître leur « productivité » (cf. le décret Justice administrative de demain, ou la jurisprudence CGT du 18 mai 2018).
La principale nouveauté du décret n°2018-617 est la création d’un article R. 612-5-2 au sein du code de justice administrative au terme duquel,
« en cas de rejet d’une demande de suspension présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 au motif qu’il n’est pas fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu’un pourvoi en cassation est exercé contre l’ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d’annulation ou de réformation dans un délai d’un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s’être désisté. »
Cette innovation crée un nouveau piège contentieux à l’égard des requérants, en particulier ceux qui ne seront pas accompagné d’un avocat.
Les autres modifications concernent plus particulièrement le contentieux de l’urbanisme et est destiné à rendre plus difficile les recours contre les autorisations d’urbanisme :
- Prolongation jusqu’au 31 décembre 2022 de la suppression du degré d’appel pour certains contentieux en urbanisme initialement prévue pour le 1er décembre 2018. Cette prolongation s’applique aux recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une commune à fortes tensions (article R. 811-1-1 du code de justice administrative);
- Réduction du délai à compter duquel il n’est plus possible de demander l’annulation de l’autorisation de construire lorsque la construction est achevée qui passe de 1 à 6 mois (article R. 600-3 du code de l’urbanisme) ;
- S’agissant des requêtes dirigées contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le code de l’urbanisme, nouvelle obligation, à peine d’irrecevabilité, d’accompagner la requête « du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de son bien par le requérant. » (article R. 600-4 du code de l’urbanisme) ;
- Durcissement très important du mécanisme de cristallisation des moyens en contentieux de l’urbanisme: les parties ne pourront en effet plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense (art. R. 600-5 du code de l’urbanisme).
Il convient de noter une entrée en vigueur différée au 1er octobre 2018 pour certaines des dispositions du décret n°2018-617:
- L’article R. 612-5-2 du code de justice administrative et les articles R. 600-5 et R. 600-6 du code de l’urbanisme s’appliqueront aux requêtes enregistrées à compter du 1er octobre 2018;
- Les articles R.* 424-5 et R.* 424-13 du code de l’urbanisme, dans leur rédaction issue du décret, ainsi que l’article R. 600-7 du code de l’urbanisme entrent en vigueur le 1er octobre 2018;
- Les articles R. 600-1, R. 600-3 et R. 600-4 du code de l’urbanisme seront applicables aux requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018.