Quelle place pour les anglicismes dans l’administration française ? Une place qui ne peut être que réduite même à l’heure de la « start up nation » rappelle le tribunal administratif, faisant application de la la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française.
L’affaire portait sur l’usage de la marque « Health Data Hub » par le ministère de la santé, contestée par l’association Francophonie Avenir. L’association se prévalait de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française dont l’article 14 dispose notamment que
« L’emploi d’une marque de fabrique, de commerce ou de service constituée d’une expression ou d’un terme étrangers est interdit aux personnes morales de droit public dès lors qu’il existe une expression ou un terme français de même sens approuvés dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l’enrichissement de la langue française ».
Le tribunal administratif considère que :
« pour les noms de marque de fabrique, de commerce ou de service, l’obligation d’emploi de la langue française, dont le principe est posé par l’article 2 de la loi du 4 août 1994, obéit aux dispositions particulières de l’article 14 de cette loi qui prévoit que l’emploi, dans le nom d’une marque utilisée pour la première fois après l’entrée en vigueur de la loi, d’une expression ou d’un terme étranger à la langue française, n’est interdit aux personnes morales de droit public que s’il existe une expression française de même sens approuvée par la commission d’enrichissement de la langue française et publiée au Journal officiel de la République française. Il en résulte également que pour les manifestations, colloques ou congrès qui ne concernent que des étrangers, ainsi que les manifestations de promotion du commerce extérieur de la France, l’obligation d’emploi de la langue française n’est pas applicable. »
Dans cette affaire, le juge considère que les termes sont anglais et disposent d’équivalent français:
- Le terme » Health » a fait l’objet d’une traduction approuvée par la commission d’enrichissement de la langue française et publiée au Journal officiel du 3 juin 2003, proposant le mot » santé « .
- Le terme » Data » a fait l’objet d’une traduction approuvée par la commission d’enrichissement de la langue française et publiée au Journal officiel du 22 septembre 2000, proposant le mot » donnée «
- Enfin, le terme » Hub » a fait l’objet d’une traduction approuvée par la commission d’enrichissement de la langue française et publiée au Journal officiel du 16 mars 1999, proposant le mot » concentrateur « .
En conséquence, l’utilisation de cette marque anglophone méconnaît l’article 14 de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française selon le tribunal administratif.
Ce dernier censure également l’usage du terme dans les supports de communication du ministère en s’appuyant sur les articles 3 et 6 de la loi du 4 août 1994 précitée qui disposent que:
» Toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun et destinée à l’information du public doit être formulée en langue française ().
» Tout participant à une manifestation, un colloque ou un congrès organisé en France par des personnes physiques ou morales de nationalité française a le droit de s’exprimer en français. Les documents distribués aux participants avant et pendant la réunion pour en présenter le programme doivent être rédigés en français et peuvent comporter des traductions en une ou plusieurs langues étrangères. / Lorsqu’une manifestation, un colloque ou un congrès donne lieu à la distribution aux participants de documents préparatoires ou de documents de travail, ou à la publication d’actes ou de comptes rendus de travaux, les textes ou interventions présentés en langue étrangère doivent être accompagnés au moins d’un résumé en français. / Ces dispositions ne sont pas applicables aux manifestations, colloques ou congrès qui ne concernent que des étrangers, ni aux manifestations de promotion du commerce extérieur de la France. «
Le juge constate que « l‘expression en cause n’est pas seulement utilisée dans les activités de promotion de la plateforme des données de santé à l’étranger, mais également dans les supports de communication disponibles sur le territoire français et à destination de la population française, en français, dans de nombreuses manifestations publiques« .
Le juge annule donc la décision implicite de rejet opposée à la demande de l’association requérante tendant au retrait de l’appellation anglaise » Health Data Hub » des supports de communication publique du gouvernement à destination de la population française.
Décision commentée: Tribunal administratif de Paris, 6e Section – 3e Chambre, 20 octobre 2022, n°2006810. Voir également CE, 5-6 chr, 22 juill. 2020, n° 435372.