Instruction en famille: les précisions du décret 2022-182 du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction dans la famille

Le décret n°2022-182 du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction dans la famille a enfin été publié. Il est accompagné du décret n° 2022-183 du 15 février 2022 relatif à la commission devant laquelle sont formés les recours administratifs préalables obligatoires exercés contre les décisions de refus d’autorisation d’instruction dans la famille et du décret n° 2022-184 du 15 février 2022 relatif à l’instance départementale chargée de la prévention de l’évitement scolaire.

Ces textes comprennent des précisions et dans une certaine mesure, des ajouts importants sur le régime d’autorisation restrictif désormais applicable à l‘instruction en famille à compter de la rentrée 2022 . Le décret précise les modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction en famille devenu nécessaire en application de l’article L. 131-5 du code de l’éducation.

Modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction dans la famille

Calendrier de la demande d’autorisation d’instruction en famille

Selon l’article R. 131-11 du code de l’éducation, la demande d’autorisation d’instruction en famille doit être faite entre le 1er mars et le 31 mai précédant l’année scolaire au titre de laquelle cette demande est formulée. La demande ne peut pas être faite à tout moment, comme c’était le cas pour la déclaration dans le régime déclaratif précédent.

Il est cependant prévu une exception à cette fenêtre de 3 mois si cela est justifié par « des motifs apparus postérieurement à cette dernière et tenant à l’état de santé de l’enfant, à son handicap ou à son éloignement géographique de tout établissement scolaire public« . Un autre motif légitime ou impérieux, qui ne serait pas lié à la santé, au handicap ou à l’éloignement géographique ne permettrait pas de déroger au calendrier de dépôt de demande fixé par le décret.

Contenu de la demande d’autorisation d’instruction en famille

Le décret distingue entre des documents de base, nécessaire pour toute demande et des documents spécifiques selon le motif de la demande.

Documents de base

Toute demande d’autorisation devra comporter les documents suivants :

1° Un formulaire de demande d’autorisation dont le modèle est fixé par le ministre chargé de l’éducation nationale
2° Un document justifiant de l’identité de l’enfant ;
3° Un document justifiant de l’identité des personnes responsables de l’enfant ;
4° Un document justifiant de leur domicile ;
5° Un document justifiant de l’identité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant lorsqu’il ne s’agit pas des personnes responsables de l’enfant.

Le formulaire type n’a pas encore été fixé par l’arrêté.

Document spécifique en cas de demande hors de la période normale de déclaration

Si la demande est effectuée en cours d’année, hors la période de mars à mai, elle doit être comprendre « tout élément justifiant que les motifs de la demande sont apparus postérieurement à la période ».

Document spécifique pour une demande motivée par l’état de santé

Lorsque la demande d’autorisation est motivée par l’état de santé de l’enfant, elle doit logiquement comporter un certificat médical. Le certificat médical doit dater de moins d’un an. Il doit être envoyé sous pli fermé au regard des exigences du secret médical.

Si la demande d’autorisation s’appuie par la situation de handicap de l’enfant, elle comprend également un certificat médical (celui nécessaire pour le dossier déposé auprès de la MDPH) . Le dossier peut sinon comporter la décision relative à l’instruction de l’enfant de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (organe de la MDPH).

Le DASEN du rectorat doit transmettre le certificat médical reçu sous pli fermé au médecin de l’éducation nationale qui rend un avis sur cette demande.

L’autorisation justifiée par l’état de santé de l’enfant ou son handicap peut être accordée pour une durée maximale de trois années scolaires. Rappelons que pour les motifs non médicaux, l’autorisation est accordée pour une durée maximale d’une année.

Document spécifique en cas de demande motivée par la pratique artistique ou sportive

Lorsque la demande d’autorisation est motivée par la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, elle doit comporter :
1° Une attestation d’inscription auprès d’un organisme sportif ou artistique ;
2° Une présentation de l’organisation du temps de l’enfant, de ses engagements et de ses contraintes établissant qu’il ne peut fréquenter assidûment un établissement d’enseignement public ou privé.

Une pratique sportive effectuée de manière indépendante ne permettra donc pas d’appuyer une demande d’instruction en famille.

Document spécifique en cas de demande motivée par l’itinérance ou l’éloignement géographique

La demande d’autorisation motivée par l’itinérance doit comporter les pièces justifiant de l’impossibilité pour l’enfant de fréquenter assidûment, pour ces raisons, un établissement d’enseignement public ou privé. Le décret impose que ce soit une impossibilité ce qui est très restrictif.

Lorsque la demande d’autorisation est motivée par l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public, elle comprend les pièces utiles établissant cet éloignement. Il n’y a pas à justifier l’éloignement d’un établissement privé. La distance minimale pour caractériser l’éloignement n’est pas définie.

Document spécifique en cas de demande motivée par une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif

Lorsque la demande d’autorisation est motivée par l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, elle comprend :
1° Une présentation écrite du projet éducatif comportant les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant, à savoir notamment :
a) Une description de la démarche et des méthodes pédagogiques mises en œuvre pour permettre à l’enfant d’acquérir les connaissances et les compétences dans chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ;
b) Les ressources et supports éducatifs utilisés ;
c) L’organisation du temps de l’enfant (rythme et durée des activités) ;
d) Le cas échéant, l’identité de tout organisme d’enseignement à distance participant aux apprentissages de l’enfant et une description de la teneur de sa contribution ;
2° Toutes pièces utiles justifiant de la disponibilité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant ;
3° Une copie du diplôme du baccalauréat ou de son équivalent de la personne chargée d’instruire l’enfant. Le directeur académique des services de l’éducation nationale peut autoriser une personne pourvue d’un titre ou diplôme étranger à assurer l’instruction dans la famille, si ce titre ou diplôme étranger est comparable à un diplôme de niveau 4 du cadre national des certifications professionnelles ;
4° Une déclaration sur l’honneur de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant d’assurer cette instruction majoritairement en langue française.

 

Modalités d’instruction

Le DASEN accuse réception de la demande. Il peut demander des pièces et informations manquantes, dans un délai qui ne peut être inférieur à 15 jours. Aucun délai minimal n’est en revanche fixé.

Une fois la demande d’autorisation d’instruction en famille déposée, le rectorat dispose de deux mois pour répondre. En cas de silence, passé ce délai deux mois, une autorisation implicite sera accordée (principe du silence vaut acceptation).

Situation de danger pour l’enfant

Quand l’intégrité physique ou morale de l’enfant est menacée, il est possible de procéder à l’instruction de l’enfant avant la réception de l’autorisation, après « concertation » avec le directeur de l’établissement d’enseignement public ou privé dans lequel est inscrit un enfant (Article L.131-5 du code de l’éducation).

Dans cette hypothèse, le décret prévoit que les personnes responsables de cet enfant informent le directeur de l’établissement d’enseignement de leur souhait de l’instruire dans la famille. Le directeur doit indiquer aux parents les « différentes réponses pouvant être apportées à cette situation ». Le directeur doit remettre un avis circonstancié si les parents s’orientent vers une demande d’instruction en famille. La concertation prévue par la loi est transformée en avis du chef d’établissement.

Dans ce cas, le dossier de demande d’autorisation doit être complétée par l’avis du directeur d’établissement et tout document utile de nature à établir que l’intégrité physique ou morale de l’enfant est menacée. Il pourra y avoir débat si le chef d’établissement émet un avis négatif sur l’instruction en famille. Cela risque de se produire assez fréquemment car il arrive souvent que le chef d’établissement refuse de reconnaître que l’enfant est en danger dans son école, ou plus généralement, car la décision de procéder à une instruction en famille intervient souvent suite à un conflit entre la direction de l’école et les parents de l’enfant.

Information des parents lors que l’instruction en famille est autorisée

Lorsque l’instruction dans la famille est autorisée, le DASEN informe sans délai les personnes responsables de l’enfant :

« 1° Que l’autorisation d’instruction dans la famille emporte l’engagement de se soumettre aux contrôles prévus à l’article L. 131-10 ;
2° De l’objet et des modalités de ces contrôles qui peuvent être inopinés, sous réserve des dispositions du 2° de l’article R. 131-16-1 ;
3° Qu’elles sont susceptibles de faire l’objet d’une mise en demeure d’inscrire leur enfant dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé en cas de second refus, sans motif légitime, de soumettre leur enfant au contrôle annuel prévu au troisième alinéa de l’article L. 131-10 ou en cas de résultats insuffisants à l’issue du second contrôle prévu au cinquième alinéa du même article ;
4° Des sanctions pénales auxquelles elles s’exposent si elles ne respectent pas, sans excuse valable, la mise en demeure prévue au 3° ;
5° Des modalités selon lesquelles elles peuvent demander que leur enfant participe aux évaluations organisées au niveau national par le ministre chargé de l’éducation nationale ;
6° De l’école ou de l’établissement d’enseignement public auquel l’enfant est rattaché administrativement ;
7° Que, lorsqu’elle est accordée en application des 1° à 3° de l’article L. 131-5, l’autorisation vaut avis favorable du directeur académique des services de l’éducation nationale pour l’application de l’article R. 426-2-1. »

Lorsque les personnes responsables de l’enfant demandent que leur enfant participe aux évaluations organisées au niveau national par le ministre chargé de l’éducation nationale, le directeur académique des services de l’éducation nationale les informe de leurs dates et de leurs modalités d’organisation.

Cas de changement de résidence

Le décret prévoit l’hypothèse du changement de résidence de l’enfant. Les parents doivent informer dans les 8 jours le DASEN ayant délivré l’autorisation qui en informe les maires des communes concernées. En cas de changement de département, le DASEN informe également le DASEN du nouveau département, qui informe le président du conseil départemental de la délivrance de l’autorisation.

On relève le délai extrêmement court accordé aux parents pour notifier le changement de résidence.

NB: ce délai de 8 jours a été suspendu par le Conseil d’Etat (CE, 16 mai 2022, n°463123, n°463224, n°463324.).

Instance départementale chargée de la prévention de l’évitement scolaire

Le décret n° 2022-184 du 15 février 2022 relatif à l’instance départementale chargée de la prévention de l’évitement scolaire crée un nouvel article D. 131-4-1 du code de l’éducation.

Missions de l’instance départementale chargée de la prévention de l’évitement scolaire

Cette instance a plusieurs missions.

D’une part, elle « assure le suivi du respect de l’obligation d’instruction et des mises en demeure d’inscription dans un établissement d’enseignement public ou privé dans le cadre du contrôle de l’instruction dans la famille. »

Elle favorise l’échange et le croisement d’informations entre les services municipaux, les services du conseil départemental, les organismes débiteurs de prestations familiales et la direction des services départementaux de l’éducation nationale afin de repérer les enfants soumis à l’obligation scolaire qui ne sont pas inscrits dans un établissement d’enseignement public ou privé et qui n’ont pas fait l’objet d’une autorisation d’instruction dans la famille.

Il s’agit donc d’un organe chargé de réprimer les enfants déscolarisés ou faisant l’instruction en famille sans autorisation.

Organisation de l’instance départementale

L’instance départementale chargée de la prévention de l’évitement scolaire est présidée par le préfet ou son représentant et par le directeur académique des services de l’éducation nationale ou son représentant.

Elle comprend en outre les membres suivants :
1° Le président du conseil départemental, ou son représentant ;
2° Les maires des communes et les présidents des établissements publics de coopération intercommunale intéressés, ou leurs représentants ;
3° Le directeur de la caisse d’allocations familiales et le directeur de la caisse de la mutualité sociale agricole, ou leurs représentants ;
4° Le procureur de la République près le tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le conseil départemental.

L’un des présidents peut associer aux séances des représentants d’autres services de l’Etat.

Il n’est malheureusement pas prévu d’associer d’autres personnes qualifiées (experts, associations, représentants de parents d’élèves, représentants des établissements privés…).

Réunion de l’instance départementale

L’instance départementale chargée de la prévention de l’évitement scolaire se réunit à l’initiative de l’un de ses présidents au moins 2 fois par an.

Recours administratifs préalables obligatoires exercés contre les décisions de refus d’autorisation d’instruction dans la famille

Toute décision de refus d’autorisation d’instruction dans la famille peut être contestée dans un délai de huit jours à compter de sa notification écrite par les personnes responsables de l’enfant auprès d’une commission présidée par le recteur d’académie. Ce délai est très court, puisqu’il déroge au délai de principe en droit administratif qui est de 2 mois.

La commission est présidée par le recteur d’académie ou son représentant.

Elle comprend en outre quatre membres : un inspecteur de l’éducation nationale ; un inspecteur d’académie-inspecteur pédagogique régional ; un médecin de l’éducation nationale ; un conseiller technique de service social. Ils sont nommés pour deux ans par le recteur d’académie.

La commission peut se réunir si la majorité des membres sont présents. Il est donc possible que la commission se réunisse sans la présence du médecin.

Elle se réunit dans un délai d’un mois maximum à compter de la réception du recours. La décision est notifiée dans un délai de 5 jours ouvrés à compter de la réunion.

Le tribunal administratif peut être saisi des décisions de la commission. En revanche, les parents ne peuvent pas saisir le juge administratif sans avoir saisi la commission. Les avocats du cabinet peuvent vous accompagner pour contester les refus d’autorisation d’instruction en famille.