Suspension d’une fermeture d’un collège (établissement privé hors contrat) comme disproportionnée

Les fermetures d’établissements d’enseigné privé hors contrat peuvent être annulées par le juge lorsqu’elles sont illégales, comme le rappelle le tribunal administratif de Saint Martin.

Le juge rappelle le régime juridique du contrôle de ces établissements et de la procédure de fermeture qui peut être mise en oeuvre:

 » lorsque le contrôle pédagogique des classes hors contrat révèle que l’enseignement dispensé n’est pas conforme à l’objet de l’instruction obligatoire, l’autorité de l’État compétente fait connaître les résultats de ce contrôle au directeur de l’établissement et le met en demeure de fournir des explications ou d’améliorer la situation. Cette mise en demeure doit indiquer le délai dans lequel ces explications ou l’amélioration de la situation doivent être apportées, exposer de manière précise et circonstanciée les mesures nécessaires pour que l’enseignement dispensé soit mis en conformité avec l’objet de l’instruction obligatoire et mentionner les sanctions applicables au directeur en cas d’inexécution.

En cas de refus d’améliorer la situation, l’autorité académique avise le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale et, dans cette hypothèse, est en situation de compétence liée pour mettre en demeure les parents d’élèves concernés d’inscrire leurs enfants dans un autre établissement, lesquels s’exposent à être condamnés pénalement s’ils ne défèrent pas à cette mise en demeure. »

 

Dans cette affaire, « à la suite d’une inspection du collège diligentée par le rectorat un rapport a été rédigé le 17 janvier 2023, pointant notamment l’absence de certains documents comptables, budgétaires et financiers et l’absence de diplômes de plusieurs enseignants. Au 1er février suivant, faute de réponse de la part du collège, une mise en demeure datée du 6 février 2023 a été adressée à la directrice du collège René Descartes aux fins de lui demander de remédier à certains des manquements qui avaient été relevés. En l’absence de réponse de la part de l’établissement requérant, une seconde inspection a eu lieu le 19 avril 2023, dont le rapport a de nouveau pointé l’absence des documents précités et le fait que trois enseignants sur huit n’étaient pas habilités à enseigner. Le 6 juin 2023, la directrice a produit les documents demandés mais n’a pas été en mesure de présenter de nouveaux enseignants à la place des trois non habilités, arguant qu’à cette période de l’année il lui était quasiment impossible de recruter de nouveaux professeurs ».

En conséquence, le préfet délégué de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin a pris l’arrêté entraînant la fermeture définitive du collège René Descartes.

Le juge considère que la décision est entachée d’erreur manifeste d’appréciation et est disproportionnée. Il pointe que malgré les problèmes constatés, une sanction moins lourde aurait été suffisante.

En effet, « au moment de l’édiction de l’arrêté contesté la directrice du collège René Descartes avait, d’une part, répondu à l’un des deux griefs soulevés par le préfet en produisant, certes au bout de 4 mois, les documents comptables, budgétaires et financiers demandés et, d’autre part, avait apporté des explications détaillées sur les trois enseignants non habilités à enseigner, indiquant que des solutions étaient d’ores et déjà prévues pour la rentrée scolaire de septembre. »

Ainsi, en prononçant une fermeture définitive du collège René Descartes, alors même que l’article L.442-2 précité du code de l’éducation précise que « le représentant de l’Etat dans le département peut prononcer, après avis de l’autorité compétente de l’Etat en matière d’éducation, la fermeture temporaire ou définitive de l’établissement », le préfet a pris une décision disproportionnée en raison de la résolution en cours des manquements qui avaient été relevés par les deux inspections et dans la mesure où, compte tenu du contexte tendu dans lequel le recrutement d’enseignants se déroule sur le territoire de la collectivité de Saint-Martin, il aurait pu envisager une décision plus proportionnée, à savoir moins lourde de conséquences pour la communauté éducative du collège René Descartes et pour les familles des collégiens concernés

Décision commentée: TA Saint-Martin, 22 août 2023, n° 2300124.