Injonctions par le tribunal d’accorder des AESH à des élèves comme prévu par la MDPH

L’effectivité de la présence des AESH au sein des écoles est une problématique récurrente. Trop souvent, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la MDPH prévoit une aide humaine pour l’élève, mutualisée ou non, mais ce droit n’est pas mis en œuvre par les rectorats.

Plusieurs tribunaux administratifs ont rendu récemment des décisions qui montrent l’utilité de la procédure de référé suspension pour obtenir la pleine exécution de ces « notifications MDPH ».

Quelques illustrations tirées de la jurisprudence récente permettent de mieux comprendre l’étendue de ce droit et l’utilité du recours au tribunal administratif.

Application du droit aux AESH au sein des écoles privées

Le tribunal administratif de Bordeaux a rappelé que l’obligation des rectorats de prévoir des AESH s’applique également aux établissements privés sous contrat:

Le juge rappelle tout d’abord le rôle de l’Etat pour garantir le droit à l’instruction des enfants en situation de handicap

« il résulte de l’ensemble de ces dispositions que, d’une part, le droit à l’éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation, et, d’autre part, que le caractère obligatoire de l’instruction s’appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants en situation de handicap ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. Il incombe à cet égard à l’Etat, au titre de sa mission d’organisation générale du service public de l’éducation, de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants en situation de handicap, un caractère effectif. Il résulte également de ces mêmes dispositions que la privation pour un enfant, notamment s’il souffre d’un handicap, de toute possibilité de bénéficier d’une formation scolaire adaptée constitue un manquement à l’exigence légale d’assurer un enseignement. »

Il rappelle également que les établissements privés sous contrat n’échappent pas à ces obligations car « si le caractère propre que constitue la liberté d’organisation des établissements privés sous contrat est garanti par les dispositions précitées de l’article L. 442-1 du code de l’éducation, citées au point 8, les établissements privés d’enseignement sous contrat d’association participent à la mission de service public de l’enseignement et sont donc à cet égard soumis au contrôle de l’Etat. »

Le juge constate que malgré les accompagnements mis en place par l’école, la carence de l’Etat à assurer l’effectivité de l’accompagnement humain:

« Cependant, il n’est pas contesté que C D ne bénéfice d’aucun accompagnement. Si ainsi que le soutient la rectrice, il peut être admis que toute diligence a été accomplie pour assurer l’accompagnement du jeune C à l’école Saint-Ferdinand, cependant, il appartenait aux services compétents de l’éducation nationale, chargés du contrôle de l’enseignement des établissements placés sous le régime du contrat, de s’assurer du caractère effectif de cette aide pour que le jeune C puisse bénéficier de l’accompagnement auquel il avait droit dans ses activités d’apprentissage lesquelles ne relèvent pas du caractère propre de l’école mais participent à sa formation scolaire qui demeure à cet égard sous le contrôle de l’Etat.

Cette absence d’accompagnement, eu égard aux troubles engendrés ainsi qu’il résulte de l’instruction et des échanges à l’audience, ce qui n’a d’ailleurs pas été contesté par la représentante de la rectrice, n’a pas permis à C D d’obtenir une prise en charge adaptée à ses besoins dans le cadre d’une scolarisation inclusive. Dès lors, les obligations qui incombent au service public de l’enseignement auquel participe l’école Saint-Ferdinand telles que fixées par les articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de l’éducation ont été méconnues . »

Le juge suspend donc le refus de l’école privée d’exécuter la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes qui fait obstacle à ce que leur fils en situation de handicap puisse bénéficier d’une prise en charge éducative en milieu ordinaire équivalente à celle des enfants scolarisés par la mise en place d’un accompagnement adapté à ses besoins.

Décision commentée: TA Bordeaux, 10 novembre 2022, n° 2205778.

La scolarisation sans AESH est illégale même si elle n’entraine pas de déscolarisation

Dans le cadre du référé suspension, contrairement au référé liberté, il n’est pas nécessaire de justifier que la privation de l’AESH entraine une déscolarisation. Une simple scolarisation insuffisante suffit à caractériser l’urgence, comme le rappelle le tribunal administratif de Rennes:

« Il est constant que depuis le mois de septembre dernier, B, scolarisé en CM2 à l’école F, ne dispose plus d’AESH. Selon les explications données au cours de l’audience publique, cette absence complique sensiblement la scolarité de l’enfant, dont une régression est constatée et implique, pour le bon fonctionnement de la classe de CM2 que B, pour être canalisé, soit affecté dans une autre classe de l’école les après-midis. Il résulte de ce qui précède que l’absence d’aide humaine compromet gravement et immédiatement la scolarité de B. Dans ces conditions, la condition d’urgence doit être regardée comme remplie. »

Dans cette affaire, le juge censure également le refus de faire bénéficier l’enfant d’une AESH:

« Il incombe à l’administration, qui ne saurait se soustraire à ses obligations légales, de prendre toute disposition pour que B bénéficie d’une scolarisation au moins équivalente, compte tenu de ses besoins propres, à celle dispensée aux autres enfants. Les constats exposés au point 2 révèlent que la seule scolarisation de B sans AESH, n’est pas suffisante. Par suite, le moyen tiré de ce que le recteur a commis une erreur d’appréciation en ne faisant pas bénéficier à B, dans les conditions définies par la décision de la CDAPH d’Ille-et-Vilaine du 23 juillet 2020, d’une AESH mutualisée, est, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de ce refus. »

Le juge enjoint au recteur de l’académie de Rennes, dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance, d’affecter à l’école une AESH mutualisée pour accompagner l’enfant au cours de sa scolarité.

Décision commentée: Tribunal administratif de Rennes, 29 décembre 2022, n° 2206312.

Une AESH mutualisée n’est pas légale si une AESH individualisée a été prévue

Le juge considère que si un enfant à droit à une AESH individualisée, l’affectation d’une AESH mutualisée est insuffisante pour garantir le droit de l’enfant.

Le juge constate que la MDPH avait octroyé un accompagnements individuel mais que seul un accompagnement mutualisé était mis en place:

« Il résulte de l’instruction qu’en dépit de la décision du 20 septembre 2022 de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées attribuant à l’enfant de M. D et Mme A un accompagnement individuel aux élèves handicapés d’une quotité de vingt heures hebdomadaires à compter de la rentrée scolaire de l’année 2022-2023, l’enfant ne bénéficie que d’un accompagnement mutualisé avec un enfant de sa classe de seize heures par semaine. »

Le juge constate par ailleurs que l’accompagnement mutualisé est insuffisant par rapport aux besoins de l’enfant:

Si le recteur de l’académie de Créteil fait valoir que l’équipe pédagogique chargée de l’enfant ne constate pas d’insuffisance concernant son accompagnement, il ressort tant des attestations de soignants suivant l’enfant que des éclaircissements circonstanciés et non contredits de Mme A durant l’audience publique que l’accompagnement mutualisé ne permet pas à l’enfant, compte tenu du déficit d’attention et d’autonomie qui l’affecte, de bénéficier effectivement des apprentissages et, partant, de sa scolarisation.

Le juge donne donc droit aux parents :

Dès lors par ailleurs que cette situation est permanente depuis le début de l’année scolaire et en l’absence de perspectives d’amélioration de la prise en charge, le recteur faisant part de ses difficultés de recrutement d’accompagnants, M. D et Mme A sont fondés à soutenir que la condition d’urgence au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

Décision commentée: TA Montreuil, 6 janvier 2023, n° 2217985. 

L’absence de moyens humains disponible ne suffit pas à justifier l’atteinte au droit à l’éducation

Le tribunal administratif de Nice rejette l’argument – classique – de l’absence de moyen humains, ou de difficulté de recrutement d’AESH opposé par les rectorats:

« l’aide dont doit bénéficier le jeune C n’est nullement effective, ce qui, nonobstant l’absence de moyens humains disponibles, caractérise une méconnaissance de son droit à l’éducation.

Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 5 est de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

Tribunal administratif de Nice, 22 décembre 2022, n° 2205933 (dans le même sens TA Rennes, 16 janv. 2023, n° 2206503)

La promesse de recrutement d’une AESH n’est pas suffisant comme défense

Le juge refuse de prendre en compte les promesses faites par le rectorat s’agissant du recrutement en cours d’une AESH:

 « Si, en défense, le recteur de l’académie de Rennes fait valoir qu’une AESH est en cours de recrutement et devrait être affectée auprès de Rayan A à compter du 1er février 2023, il ne résulte pas de l’instruction que ce recrutement et cette affectation soient, à la date de la présente ordonnance, certains, l’AESH n’ayant à ce jour pas signé de contrat avec le rectorat de l’académie de Rennes et ne bénéficiant par suite pas encore d’un emploi du temps confirmant cette affectation auprès de l’enfant des requérants. . »

« Il est constant que la notification de la CDAPH dont bénéficie l’enfant Rayan A ne reçoit aucune exécution, ce qui, nonobstant l’absence de moyens humains disponibles, caractérise une méconnaissance de son droit à l’éducation. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent est de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige du 27 octobre 2022. »

Le juge du référé constate la conséquence du défaut d’AESH sur l’enfant:

« Il résulte de l’instruction, notamment du GEVA-Sco de Rayan A, mis à jour le 30 septembre 2022, qu’il n’a pas acquis les compétences et connaissances attendues pour la moyenne de sa classe d’âge, outre que compte tenu de l’absence d’AESH pour l’accompagner et le cas échéant le canaliser et l’aider à se concentrer, il n’est accueilli à l’école que les matinées et que durant ces temps de présence à l’école, il ne participe pas aux ateliers de sa classe ni n’est amené à interagir avec ses camarades, étant libre de choisir ses activités ou jeux, qu’il réalise seul, alors même qu’il présente les capacités pour les apprentissages en cause et qu’il manifeste régulièrement son envie d’apprendre et de progresser. Eu égard à ses modalités, cet accueil dans l’enceinte scolaire ne saurait être regardé comme procédant d’une scolarisation, même à temps partielle, effective et adaptée aux besoins de cet enfant.

Le juge administratif enjoint au recteur de l’académie de Rennes de mettre en œuvre la notification de la CDAPH d’Ille-et-Vilaine du 19 juillet 2022 attribuant à l’enfant l’aide individuelle d’un AESH sur 75 % du temps scolaire dans un délai de quinze jours.

Tribunal administratif de Rennes, 16 janvier 2023, n° 2206503.

Voir aussi TA Strasbourg, 16 mai 2023, n° 2302890 et TA Toulouse, 9 juin 2023, n° 2302812.

Et défenseur des droits, DÉCISION 2022-122 DU 30 JUIN 2022 RELATIVE À L’ABSENCE D’AFFECTATION D’UNE AIDE HUMAINE INDIVIDUELLE POUR UN ENFANT SCOLARISÉ EN MATERNELLE