Les juges des référés des tribunaux administratifs ont rendu des décisions intéressantes suspendant des refus d’autorisation d’instruction en famille. Nous avons sélectionnés les plus significatives, même si ces dernières doivent désormais être lues à la lumière de la position du Conseil d’Etat.
Une fragilité médicale peut justifier une situation propre de l’enfant même si les problèmes pourraient potentiellement être pris en compte dans le cadre d’une scolarisation
L’affaire portait sur un enfant qui avait développé une forme d’eczéma, doublée d’une allergie alimentaire. Le juge des référés relève que « Ces affections cutanées le contraignent à des soins pour sa peau plusieurs fois A jour ; de plus, il est prévu de l’hospitaliser plusieurs fois par mois à partir du mois d’octobre pour commencer une désensibilisation d’une partie de ses allergies. «
Le juge prend également en compte que la maman « bénéficie d’un diplôme de monitrice-éducatrice et d’une formation de puéricultrice, que B présente des troubles du langage qui peuvent l’amener à bégayer et il est prévu dans le courant de l’année scolaire 2022-2023 un suivi orthophonique régulier avec des séances chaque semaine. »
Ces éléments sont constitutifs d’une situation propre au sens du 4° de l’article L. 131-5 du code de l’éducation selon le juge des référés.
Le juge rejette la défense du ministère qui soutenait que ces problèmes de santé pouvaient être pris en compte dans le cadre d’une scolarisation avec un plan d’actions individualisés. En effet, le rectorat n’ « apporte aucune précision quant au suivi quotidien dont doit bénéficier le jeune B notamment pour soigner ses problèmes cutanés sévères. Et il n’est pas évident que les personnels scolaires qui seraient amenés à l’accueillir aient la compétence nécessaire et le temps pour assurer ce type de soins »
Le juge suspend donc la décision de refus d’autorisation d’IEF.
Décision commentée: Tribunal administratif de Melun, 13 octobre 2022, n° 2209478
La formation du parent assurant l’instruction en famille doit être prise en compte.
Le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers censure pour erreur d’appréciation un refus d’autorisation d’IEF, eu égard » au contenu du dossier éducatif produit », mais également:
« à la circonstance que l’instruction de la jeune doit être assurée par sa mère, Mme D, qui est titulaire du diplôme d’Etat d’éducatrice spécialisée et a suivi une formation à la pédagogie Montessori pour la petite enfance ».
Décision commentée : Tribunal administratif de Poitiers, 7 novembre 2022, n° 2202589.
Le rythme de l’enfant peut justifier un motif propre
Selon le juge des référés du tribunal administratif de Melun, un rythme spécifique d’un jeune enfant peut constituer un motif propre:
« il résulte de l’instruction, et notamment des pièces médicales produites A les requérants, que la jeune C, à peine âgée de trois ans, présente un rythme nycthéméral caractérisé … un lever très matinal nécessitant une sieste dans la matinée, ainsi que des petites collations à intervalles réguliers le matin et l’après-midi, toutes choses incompatibles avec une scolarisation. »
Décision commentée Tribunal administratif de Melun, 10 nov. 2022, n° 2210525.
Une méthode alternative peut justifier une situation propre à l’enfant
Selon le même juge et dans la même affaire, la méthode pédagogique choisie a pu permettre de justifier la situation propre nécessaire pour obtenir l’autorisation d’instruction en famille:
« il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du projet éducatif, que la jeune C bénéficierait de la méthode Montessori d’éducation alternative basée sur la confiance en soi, l’autonomie et l’apprentissage en douceur, méthode adaptée à son caractère naturellement très sociable et disposant d’un bon niveau de langage. »
Le juge censure donc le refus pour erreur de droit:
« Par la suite, en considérant dans sa décision du 30 août 2022 que les éléments constitutifs de la demande d’autorisation en famille n’établissent pas l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, le rectorat a entaché sa décision d’erreur de droit. «
TA Melun, 10 novembre 2022, n° 2210525.
Prise en compte du fait d’avoir assuré avec succès l’instruction en famille d’autres enfants
Le tribunal administratif de Poitiers censure sur le fondement de l’erreur d’appréciation un refus d’autorisation d’IEF au double motif d’une précédente instruction en famille réalisée avec succès par les parents:
« Eu égard (…) à la circonstance que l’instruction des frères du jeune D a été assurée par la famille dans des conditions satisfaisantes au regard des résultats positifs des contrôles réalisés sur plusieurs années par l’autorité académique et des notes obtenues par l’aîné de la fratrie après son inscription dans l’enseignement secondaire, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation est, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité. »
Tribunal administratif de Poitiers, 24 novembre 2022, n° 2202755.
Autorisation de plein droit : l’absence d’accord entre les parents est indifférent de même que l’absence de décision du juge aux affaires familiales
Le tribunal administratif de Paris a jugé de manière intéressante le cas où une autorisation de plein droit existait dans l’hypothèse d’un désaccord entre les parents séparés.
« il remplissait les conditions pour bénéficier, de plein droit, de l’autorisation prévue B les dispositions précitées, sans qu’y fassent obstacle l’absence d’accord entre Mme F et Monsieur E, le père de l’enfant sur l’instruction en famille ou l’absence de décision expresse du juge aux affaires familiales en ce sens.
En l’état de l’instruction, le moyen tiré de la violation de l’article L. 131-5 du code de l’éducation apparait, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
Le juge suspend donc le refus d’autorisation d’IEF.
Tribunal administratif de Paris, 18 novembre 2022, n° 2223225.
Voir également : TA Versailles, 17 oct. 2022, n° 2207236 ; TA Bordeaux, 22 sept. 2022, n° 2204737. TA Toulouse, 6 sept. 2022, n° 2204846