Refuser d’inscrire à la cantine les enfants d’inactif et en situation de handicap est discriminatoire

Le tribunal administratif de Poitiers a rendu une décision intéressante en matière de discrimination dans l’accès aux services publics scolaires et périscolaires avec une sanction d’un cumul de discrimination. L’affaire portait sur l’inscription d’un enfant à la cantine et à l’accueil périscolaire.

L’article L. 131-13 du code de l’éducation consacre un droit à l’inscription aux cantines scolaires, renforcé depuis 2017 : « L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ».

Le Conseil d’Etat avait vidé de sa substance la loi en validant les refus d’inscription quand les cantines sont saturées, mais en veillant toutefois à ce que les critères mis en œuvres pour sélectionner les enfants ne soient pas discriminatoire, ce qui était déjà le cas avant cette loi (CE, 22 mars  2021 n°429361).

La position de la juridiction du Palais Royal est reprise par le tribunal administratif dans la décision commentée:

«  Par ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi dont elles sont issues, le législateur a entendu rappeler, d’une part, qu’il appartient aux collectivités territoriales ayant fait le choix d’instituer un service public de restauration scolaire de prendre en compte l’intérêt général qui s’attache à ce que tous les élèves puissent bénéficier de ce service public, d’autre part, qu’elles ne peuvent légalement refuser d’y admettre un élève sur le fondement de considérations contraires au principe d’égalité. Pour autant, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les collectivités territoriales puissent légalement refuser d’y admettre un élève lorsque, à la date de leur décision, la capacité maximale d’accueil de ce service public est atteinte. »

Les ruptures du principe d’égalité résultaient en l’espèce tant du handicap de l’enfant que de la prise en compte de la situation dans l’emploi de la maman.

«  Il ressort de la décision attaquée que, pour refuser l’accès aux services de restauration scolaire et d’accueil périscolaire au fils de A D, le maire de Chassors s’est fondé sur l’inactivité professionnelle de la requérante. Il l’a également informée que, même dans l’hypothèse de son recrutement, seul le service de restauration scolaire serait accessible à son fils, sous réserve, en outre, qu’elle transmette aux services communaux une attestation afférente à son activité professionnelle, établie par l’employeur. Il ressort également des pièces du dossier que l’existence du P.A.I. du fils de la requérante a également motivé la décision de refus d’inscription litigieuse, en raison du protocole à suivre en cas d’urgence, qui est apparu trop complexe à mettre en œuvre aux agents communaux affectés aux services périscolaires » alors que selon le juge « il est constant que le jeune (…) souffre d’épilepsie, affection commune et la plupart du temps sans gravité, qui concerne nombre de P.A.I. dans le milieu scolaire »

La situation était ainsi doublement discriminatoire.

  • Le fait de refuser un enfant pour le seul motif que ses parents sont chômeurs est illégal
  • Refuser un enfant en situation de handicap.

Le tribunal administratif de Poitiers juge donc que :

« Dans ces conditions, en refusant à l’enfant de la requérante d’accéder aux services de restauration scolaire et d’accueil périscolaire, aux motifs que sa mère n’exerce pas d’activité professionnelle et qu’un P.A.I. le concernant doit être appliqué, le maire de Chassors a retenu deux critères de discrimination sans rapport avec l’objet des services publics en cause, et a porté atteinte au principe d’égal accès à ces services publics. »

La décision du maire est donc annulée et l’enfant de la requérante pourra s’inscrire à la cantine et à l’accueil périscolaire.

TA Poitiers, 3e ch., 3 octobre 2022, n° 2002208  Voir également: CE 23 oct. 2009, n° 329076, Fédération des conseils de parents d’élèves de l’enseignement public du Rhône ; TA Rennes, 4 nov. 2011, n° 1002822 ; la circulaire n° 2017-084 du 3-5-2017 sur les Missions et activités des personnels chargés de l’accompagnement des élèves en situation de handicap ,

Voir également, Défenseur des droits, Décision 2021-283 DU 29 NOVEMBRE 2021 RELATIVE À UN REFUS DE SCOLARISATION ET UN REFUS DE RESTAURATION SCOLAIRE DISCRIMINATOIRES et DÉCISION 2022-024 DU 29 MARS 2022 RELATIVE À UN REFUS DISCRIMINATOIRE DE SCOLARISATION ET D’INSCRIPTION AUX SERVICES PÉRISCOLAIRES DE LA COMMUNE D’UN CERTAIN NOMBRE D’ENFANTS