Jusqu’où peut aller une interdiction d’exercice prononcée par le préfet à l’encontre d’un animateur collectionnant les images pédopornographiques ? C’est la question tranchée par la cour administrative d’appel de Nantes qui rappelle l’exigence de proportion et d’adéquation des mesures de police administrative.
Cette affaire opposait une personne titulaire d’un brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur spécialité voile et du brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport spécialité activités nautiques au préfet du Calvados. Le préfet avait interdit à l’animateur d’exercer les fonctions prévues par l’article L. 212-1 du code du sport et d’autre part, d’exercer quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre des articles L. 227-4 et suivants du code de l’action sociale et des familles.
Le juge valide la première interdiction d’exercer auprès de mineurs même en l’absence de sanction pénale:
« à la seule circonstance que la participation de l’intéressé à un accueil de mineurs ou à son organisation présente des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs, indépendamment de l’exercice de toute poursuite pénale. Dès lors la circonstance que la procédure pénale ouverte parallèlement à l’encontre de M. C… n’ait pas, à la date des arrêtés litigieux, donné lieu à une condamnation est sans incidence sur la légalité des arrêtés contestés et sur la possibilité pour le préfet du Calvados de se fonder sur les faits matériellement constatés. »
Cette interdiction d’exercice est validée au regard de la gravité des faits quand bien même sont travail était irréprochable:
» lors d’un séjour en classe découverte de l’éducation nationale auquel M. C… participait en qualité d’accompagnateur, ont été découvertes dans son ordinateur personnel des photographies à caractère pédopornographique, faits pour lesquels l’intéressé a été placé en garde-à-vue. M. C… a reconnu collectionner ce genre d’images concernant des pré-adolescentes et des adolescentes depuis plusieurs années et avoir développé une addiction à la vision de ces images. Dans ces conditions, en dépit de la circonstance qu’il n’aurait eu aucun comportement déviant à l’égard des enfants accueillis et aurait donné satisfaction à ses différents employeurs, le préfet du Calvados n’a pas, compte tenu de la gravité des faits, fait une inexacte appréciation des circonstances de l’espèce et du risque créé par le comportement de l’intéressé, en prononçant à son encontre une mesure d’interdiction à titre permanent d’exercice auprès des mineurs. »
En revanche, s’agissant de l’interdiction d’exercer les sanctions prévues par l’article L. 212-1 du code du sport, le juge prononce une censure partielle en limitant l’interdiction aux activités où des mineurs sont encadrés.
» Compte tenu des faits relatés au point 4 du présent arrêt et non contestés par M. C…, le préfet du Calvados n’a pas commis d’erreur d’appréciation en décidant, par l’arrêté du 21 octobre 2019, de lui interdire d’exercer les fonctions d’enseignement, d’animation ou d’encadrement d’une activité physique ou sportive auprès de tout public mineur.
Néanmoins, et alors que l’arrêté litigieux est uniquement fondé sur des préoccupations relatives aux fonctions d’encadrement de mineurs, l’autorité administrative n’établit pas que le maintien en activité en qualité d’éducateur sportif de M. C… présenterait un danger pour la santé ou sécurité physique ou morale des pratiquants majeurs. M. C… est donc fondé à soutenir qu’en lui interdisant d’exercer les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 du code du sport à l’égard d’un public majeur, le préfet du Calvados a fait une inexacte appréciation des circonstances de l’espèce. »
CAA Nantes, 4e ch., 7 janvier 2022, n° 21NT00961.
Voir également, TA Marseille, 29 nov. 2012, n° 1007189 ; TA Toulon, 26 mai 2016, n° 1502702.