Comment faire annuler une révocation d’un fonctionnaire de police ? La cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu une décision illustrant une telle hypothèse en présence de trois vices de procédures privant l’intéressé de garanties.
La règle est la suivante:
« ’: « Le conseil de discipline (…) émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. A cette fin, le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l’accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l’échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée, jusqu’à ce que l’une d’elles recueille un tel accord (…) ». Aux termes de l’article 10 du même décret : « Lorsque l’autorité ayant pouvoir disciplinaire a prononcé une sanction (…) de révocation alors que celle-ci n’a pas été proposée par le conseil de discipline à la majorité des deux tiers de ses membres présents, l’intéressé peut saisir de la décision, dans le délai d’un mois à compter de la notification, la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat. (…) L’administration lors de la notification au fonctionnaire poursuivi de la sanction dont il a fait l’objet doit communiquer à l’intéressé les informations de nature à lui permettre de déterminer si les conditions de saisine de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat se trouvent réunies. ».
Un premier conseil de discipline n’avait pas réuni la majorité suffisante pour émettre un avis favorable à la sanction de révocation envisagée. Suite à une interprétation erronée des résultats du vote, lesquels ont fait apparaître qu’aucune majorité ne s’était dégagée, un nouveau conseil de discipline avait été réuni et a émis à la majorité un avis favorable à la révocation.
Ce n’est cependant pas la procédure à suivre rappelle le tribunal. En effet, dans cette hypothèse,
« il appartenait à l’administration de poursuivre la délibération précédente lors de la réunion du second conseil de discipline. En conséquence, il incombait à l’administration de convoquer le conseil de discipline dans la même composition, sauf impossibilité justifiée, lors de sa seconde séance et, au cours de celle-ci, de mettre aux voix les autres sanctions figurant dans l’échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la révocation, jusqu’à ce que l’une d’elles recueille l’accord de la majorité des membres présents.«
Or,
» la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire n’a pas été convoquée dans la même composition lors de sa seconde séance du 10 avril 2018. Il n’est pas établi au dossier, et n’est même pas allégué par l’administration, que le respect de cette formalité était impossible. Ce faisant, l’administration, qui était tenue de poursuivre la délibération engagée le 13 mars 2018, a commis une irrégularité.«
C’est la première irrégularité retenue. La seconde résulte de ce que le conseil de discipline ne pouvait, lors de la seconde séance régulièrement débattre de nouveau sur la proposition de révocation dès lors qu’aucune majorité, ainsi qu’il a été dit, ne s’était dégagée en faveur de cette sanction à l’issue de la première réunion. En s’abstenant de délibérer sur les autres sanctions moins sévères, prévues dans l’échelle des sanctions disciplinaires, le conseil de discipline a émis son avis dans des conditions irrégulières.
La troisième et dernière irrégularité est la suivante:
« lorsque l’administration a prononcé une sanction de révocation alors que celle-ci n’a pas été proposée par le conseil de discipline à la majorité des deux tiers de ses membres présents, l’agent peut saisir de la sanction la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat. Ainsi, M. B… avait le droit de saisir la commission de recours de la sanction prononcée contre lui dès lors que celle-ci n’avait pas été adoptée à la majorité des deux tiers des membres présents au conseil de discipline du 13 mars 2018. Il a cependant été privé de ce droit par l’administration qui a réuni un nouveau conseil de discipline ayant émis, dans une composition différente, un avis favorable à la révocation à la majorité des deux tiers. »
Le juge d’appel considère que les irrégularités ainsi commises ont été susceptibles d’exercer une influence sur le sens de la sanction contestée et ont privé le requérant d’une garantie. La sanction de révocation est donc annulée et il est enjoint au ministre de l’intérieur de procéder à la réintégration de l’agent dans un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêt.
CAA Bordeaux, 3e ch., 23 mars 2022, n° 19BX03517.
Décision validée par le Conseil d’Etat: CE, 5e – 6e ch. réunies, 26 juin 2023, n° 464361.