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Annulation d’un licenciement de militaire pour défaut d’inaptitude médicale

L’administration ne peut considérer comme inapte un militaire de manière infondée, rappelle une cour administrative d’appel.

L’affaire portait sur un militaire ayant signé un contrat d’engagement d’une durée de 6 ans. Il contestait la décision du ministre de l’intérieur portant dénonciation de son contrat d’engagement en raison de sa prétendue inaptitude médicale définitive. Le militaire demandait également sa réintégration dans ses fonctions et le versement d’une indemnité en réparation des préjudices subis du fait de la dénonciation de son contrat d’engagement en qualité de sous-officier de gendarmerie. Il a saisi la juridiction administrative après rejet de son recours préalable par la commission de recours des militaires.

Le juge administratif rappelle qu’aux  termes de l’article 1er de l’arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination et au contrôle de l’aptitude médicale à servir du personnel militaire : « L’article L. 4132-1 du code de la défense dispose que nul ne peut être militaire s’il ne présente les aptitudes exigées pour l’exercice de la fonction. » Le juge rappelle également les exigences de l’arrêté du 12 septembre 2016 fixant les conditions physiques et médicales d’aptitude exigées des personnels militaires de la gendarmerie nationale et des candidats à l’admission en gendarmerie.

Le rôle du juge est défini de la manière suivante:

 » Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi d’une requête tendant à l’annulation de la dénonciation d’un contrat d’engagement d’un agent recruté pour servir en qualité de sous-officier de gendarmerie et fondé sur son inaptitude physique à exercer cet emploi, non seulement de vérifier l’existence matérielle de l’infirmité invoquée par l’autorité administrative, mais encore d’apprécier si cette infirmité est incompatible avec l’exercice de cet emploi. Si l’appréciation de l’aptitude physique à exercer cet emploi peut prendre en compte les conséquences sur cette aptitude de l’évolution prévisible d’une affection déclarée, elle doit aussi tenir compte de l’existence de traitements permettant de guérir l’affection ou de bloquer son évolution. »

Le juge doit donc vérifier à la fois:

  • Le fait que l’agent était bien infirme
  • Que si cette infirmité est établie, qu’elle rend bien impossible le travail du militaire.

Dans cette affaire, le juge rejette la conclusion de l’administration en se basant sur les conclusions de l’expert médical:

« Dans ces conditions, le classement au niveau 3 puis 5 pour la rubrique « G » du profil médical « SIGYCOP » de M. D, est erroné puisque l’expert désigné par la cour préconise plutôt un classement en G2 qui n’entraîne pas d’inaptitude.

Dès lors, M. D est fondé à soutenir que la décision du 1er octobre 2018 portant dénonciation de son contrat d’engagement en qualité de sous-officier de gendarmerie du fait de son inaptitude médicale est entachée d’erreur d’appréciation. »

 

En conséquence, il y a lieu d’annuler la décision du 3 juillet 2019 et la décision implicite, prise postérieurement à la surexpertise médicale, par lesquelles le ministre de l’intérieur a rejeté le recours administratif préalable obligatoire présenté par M. D le 29 novembre 2018. » »

Le juge  indemnise en conséquence le militaire en retenant la responsabilité de l’Etat de manière classique :

« En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l’illégalité commise présente, compte tenu de l’importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l’encontre de l’intéressé, un lien direct de causalité. Pour l’évaluation du montant de l’indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l’intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l’exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l’exercice effectif des fonctions. »

 

Dans cette affaire le juge retient un préjudice résultant des troubles dans les conditions d’existence en raison de l’obligation de trouver un nouvel emploi et de déménagement et plus généralement des conséquences sur l’équilibre familial:

« cette situation imprévue a eu des conséquences sur l’équilibre familial, notamment sur la santé psychique de son épouse. M. D fait par ailleurs état des multiples démarches qu’il a dû engager pour faire valoir ses droits. Compte tenu de ces événements, qui sont en lien avec la décision, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d’existence subis par M. D en condamnant l’Etat à lui verser une somme de 4 000 euros. »

Le juge retient également un préjudice moral:

« M.. D a subi, en raison de la dénonciation de son contrat à la suite d’une appréciation erronée de son aptitude médicale, un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en fixant sa réparation à la somme de 2 000 euros. »

Le juge indemnise enfin la perte d’une chance sérieuse de poursuivre son engagement de six ans puis d’accomplir une carrière dans le corps des sous-officiers de gendarmerie. Comme le requérant a trouvé assez rapidement un emploi rémunéré de manière équivalente à ce qu’il aurait perçu dans l’armée, son préjudice n’est retenu que pour la période où il était sans emploi, soit 5 655 euros.

S’agissant de la perte de chance sérieuse de mener une carrière de sous-officier au sein de la gendarmerie, la demande est rejetée car le contrat de l’engagé n’était que de 6 ans et l’accès au corps des sous -officiers de carrières n’est pas de droit pour les sous-officiers sous contrat.

Au total, l’Etat doit être condamné à verser au militaire évincé, la somme totale de 11 655 euros.

CAA de DOUAI, 3ème chambre, 16 février 2023, 21DA00825  Voir aussi, CAA Douai, 3e ch., 24 mars 2022, n° 21DA00825.