La proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire a été votée par les députés. Cette proposition de loi crée non seulement un nouveau délit de harcèlement scolaire et universitaire mais complète plus largement le régime juridique destiné à prévenir et réprimer le harcèlement dans les établissements d’enseignement public comme privé.
L’élargissement et l’alourdissement du harcèlement scolaire et universitaire
Au terme du futur article L. 111‑6 du code de l’éducation
« Aucun élève ou étudiant ne doit subir des faits de harcèlement ayant pour objet ou pour effet une atteinte à sa dignité, à sa santé physique ou mentale ou à ses conditions d’apprentissage susceptibles de résulter des propos et comportements commis au sein de l’école ou de l’établissement d’enseignement ou en marge de la vie scolaire ou universitaire. «
Ce droit à ne pas être harcelé n’est pas une nouveauté puisqu’il était déjà prévu à l’article L.511-3-1 du code de l’éducation créé par la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance*.
L’article L. 111‑6 du code de l’éducation va cependant un peu plus loin en prévoyant qu’il s’applique non seulement durant la vie scolaire mais également durant la vie universitaire – ce qu’il faut saluer. Cet article peut en outre désormais englober le harcèlement commis non seulement par des camarades mais également par des enseignants ou par le personnel administratif, ce qui n’était pas le cas auparavant et doit être également être relevé. La nouvelle rédaction précise enfin que les faits peuvent être commis au sein de l’établissement ou en marge de ce dernier, ce qui nous semble être une simple précision sans portée juridique.
L’infraction du harcèlement scolaire s’applique tant aux établissements publics et privés, dans le primaire, le secondaire et le supérieur qui doivent prendre les mesures nécessaires :
« Les établissements d’enseignement scolaire et supérieur publics et privés prennent les mesures appropriées visant à lutter contre le harcèlement dans le cadre scolaire et universitaire. »
Cela est confirmé pour les établissements privés sous contrats, pour lesquels l’article L. 111‑6 du code de l’éducation est rendu applicable. Cette disposition sera très utile pour pouvoir engager la responsabilité pour des établissements n’ayant pas protégé leurs étudiants des faits de harcèlement.
Le harcèlement scolaire est passible des peines prévues à l’article 222‑33‑2‑3 du code pénal. Le droit évolue puisque désormais tous les auteurs sont passible des mêmes peines, que les victimes aient ou non moins de 15 ans. Ils encourent dans tous les cas 30 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement, contre 15 000 euros d’amende et un an d’emprisonnement. Ne pas prendre en compte l’âge des victimes ne nous semble pas être nécessairement une avancé au service des enfants.
L’application de l’infraction générale de harcèlement dans le cadre scolaire
Outre la création d’un délit spécifique de harcèlement scolaire dans le code de l’éducation, la loi précise l’application de l’infraction générale de harcèlement dans l’hypothèse où elle est commise en milieu scolaire.
Il est ainsi ajouté un article 222‑33‑2‑3 dans le code pénal
« Constituent un harcèlement scolaire les faits définis aux premiers à quatrième alinéa de l’article 222‑33‑2‑2 lorsqu’il sont commis à l’encontre d’un élève ou d’un étudiant, soit dans un établissement d’enseignement ou d’éducation, soit lors des entrées ou sorties des élèves et des étudiants ou, dans un temps très voisin de celles‑ci, aux abords de ces établissements, soit en toutes autres circonstances par d’autres élèves étudiant ou ayant étudié dans le même établissement que la victime. »
Les peines encoures sont aggravées dans plusieurs hypothèses pour atteindre des quantums assez disproportionné.
- Le harcèlement scolaire est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsqu’il a causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’a entraîné aucune incapacité de travail.
- Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours.
- Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider.
Le fait de condamner ou de faire encourir des peines d’emprisonnement – y compris des enfants – pour des faits de harcèlement semble être une voie répressive qui a très peu de chance de faire cesser ce grave phénomène. On relève ainsi qu’un harcèlement n’ayant entrainé aucune incapacité de travail peut justifier une peine de trois ans d’emprisonnement (contre 750 euros en cas de coups et blessures ayant eu le même effet). En cas d’ITT de moins de huit jours, le harceleur encourt également trois ans d’emprisonnement, contre 1 500 euros d’amende en cas de coups et blessures ayant eu le même effet.
En revanche, l’ajout d’une peine complémentaire ou alternative aux poursuites de « stage de responsabilisation à la vie scolaire » semble pertinente et adaptée (art. 131-5-1 du code pénal et 41‑1 du code de procédure pénale).
Une meilleure prise en charge des victimes de harcèlement scolaire
Outre le volet répressif, la loi comporte heureusement des dispositions destinées à une meilleure prise en charge des victimes de harcèlement scolaire et à une meilleure prévention de ce harcèlement.
Il est prévu une action en matière de formation. Les médecins, l’ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les forces de l’ordre, les personnels enseignants, les personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs bénéficient, dans le cadre de leur formation initiale, d’actions de formation leur permettant d’identifier et d’assurer une première prise en charge des élèves subissant des faits de harcèlement au sens de l’article 222‑33‑2‑3 du code pénal. Une offre de formation continue dédiée à l’identification et à la prise en charge du harcèlement scolaire est proposée à l’ensemble de ces professionnels.
Il conviendra de s’assurer que ces formations soient effectivement mises en place.
La loi prévoit également que le projet d’école ou d’établissement fixe les lignes directrices et les procédures destinées à la prévention et au traitement des faits constitutifs de harcèlement au sens de l’article 222‑33‑2‑3 du code pénal. Pour l’élaboration des lignes directrices et procédures , les représentants de la communauté éducative associent autant que nécessaire les médecins, les infirmiers et psychologues scolaires et assistants sociaux.
* »Aucun élève ne doit subir, de la part d’autres élèves, des faits de harcèlement ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions d’apprentissage susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’altérer sa santé physique ou mentale. »
Crédit photo:Maya à la poupée, Picasso