Le conseil de discipline doit être en mesure de prouver les faits retenus pour justifier la sanction, rappelle le tribunal administratif de Strasbourg : des rapports ne mettant pas en cause nommément l’étudiant sanctionné, ou un unique témoignage contredit par d’autres témoignages n’est pas suffisant pour établir la matérialité des faits.
L’affaire portait sur des propos et comportements antisémites constatés au sein de l’IEP de Strasbourg, ayant abouti à des sanctions à l’égard de plusieurs étudiants. Un étudiant, sanctionné de 18 mois d’exclusion, contestait avoir participé à ces faits.
Le juge rappelle que:
« En l’absence de disposition législative contraire, il incombe à l’autorité investie du pouvoir disciplinaire d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction, ainsi que leur imputabilité à la personne à laquelle cette sanction est infligée. »
Dans cette affaire, il était reproché « des remarques antisémites à l’occasion d’une pièce de théâtre portant sur les rapports entre Israël et la Palestine, un harcèlement poursuivi sur les réseaux sociaux par un groupe dénommé « Zythopo » ». Le conseil de discipline avait considéré que « l’étudiant mentionné s’est vu apposer à l’entrée d’une soirée étudiante une croix gammée sur la main, en lieu et place de la croix simple reçue par les autres participants, ainsi que divers articles de presse décrivant un contexte d’antisémitisme au sein de l’IEP. »
Le tribunal administratif considère ces faits non établis. En effet, » ces différents éléments sont relevés de manière impersonnelle dans la décision, qui n’en impute aucun à M. B. L’université n’apporte pas davantage de précisions ou d’éléments à cet égard, alors que le requérant produit plusieurs témoignages d’étudiants attestant qu’il est étranger aux faits relevés. »
L’autre incident portait sur un « week-end d’intégration du mois de septembre 2018, chanté des chants négationnistes et antisémites devant un étudiant, après que celui-ci avait, la veille, protesté contre cette pratique, dans le but de le provoquer et de « s’assurer qu’il avait bien compris la leçon ». Il lui est reproché en second lieu d’avoir, lors de la dernière soirée du « BDE 2018/2019 » au mois de mai 2019, bousculé le même étudiant dans les toilettes de la boîte de nuit où se déroulait la soirée, en l’accusant de s’être plaint d’être victime d’antisémitisme lors d’un évènement antérieur, le critérium inter-IEP.
Le juge refuse de retenir comme établis ces faits car « la mise en cause de M. B pour ces deux incidents repose uniquement sur le témoignage de l’étudiant concerné ». En défense, le requérant, qui conteste fermement les accusations dont il fait l’objet, produit plusieurs courriers et attestations circonstanciés d’étudiants présents lors du week-end d’intégration de septembre 2018, qui non seulement ne confirment pas le comportement reproché, mais encore soulignent que l’intéressé s’est, au contraire, en plusieurs occasions, opposé à des débordements.
Le juge annule donc la décision d’exclusion de 18 mois prononcée à l’égard de l’étudiant.
TA Strasbourg, 2e ch., 1er févr. 2023, n° 2102238