La cour administrative d’appel de Toulouse a rendu une très intéressante décision sur le régime des mises en demeure prévues dans le cadre des contrôles négatifs effectuées par les rectorat sur les écoles privées. L’affaire portait sur une décision d’un inspecteur académie ayant mis en demeure les responsables légaux des élèves fréquentant l’école primaire Al Badr d’inscrire leurs enfants dans un autre établissement dans les plus brefs délais.
L’affaire intervenait suite à un renvoi du Conseil d’Etat ayant annulé une première décision de cour administrative d’appel sur une question différente tirée du fait que le juge du fond ne pouvait, pour annuler la mise en demeure adressée aux parents des élèves, se fonder exclusivement sur un jugement du juge pénal ayant écarté l’infraction pénale reprochée au directeur de l’établissement.
Le mécanisme de double mise en demeure
La cour administrative d’appel précise dans cette affaire une autre question relative cette fois-ci au mécanisme de mise en demeure prévu par le code de l’éducation :
» Il ressort des dispositions précitées de l’article L.442-2 du code de l’éducation que, pour que le courrier adressé au chef d’établissement, puisse être regardé comme valant régulièrement mise en demeure, il doit spécifier qu’il constitue une telle mise en demeure, avoir été précédé de la notification au directeur de l’établissement des résultats d’un contrôle, et avoir été précédé de l’indication préalable d’un délai à l’issue duquel il est demandé au chef d’établissement A… la mise en demeure de fournir ses explications ou d’améliorer la situation.
La régularité de la mise en demeure adressée au chef d’établissement conditionne la légalité des mises en demeure adressées aux parents d’élèves. »
Reprenant la position du Conseil, d’Etat, la cour ajoute qu’ « En revanche, l’issue de la procédure pénale est sans incidence sur la légalité de la procédure administrative qui est distincte. »
Autrement, dit, il faut une double mise en demeure: (1) mise en demeure du chef d’établissement de répondre aux critiques du rapport, puis (2) une mise en demeure des parents de rescolariser leurs enfants si le chef d’établissement n’a pas corrigé les problèmes soulevés lors du contrôle. La question portait en l’espèce sur la première mise en demeure, non faite correctement et sur les conséquences sur celles adressées aux parents.
Un courrier n’est pas nécessairement qualifiable de mise en demeure
Dans cette affaire, le tribunal considère ainsi que le courrier envoyé par le rectorat ne pouvait être regardé comme valant mise en demeure au sens des dispositions de l’article L 442-2 du code de l’éducation dès lors que « ce courrier se présente seulement comme la transmission d’un compte rendu de visite de l’établissement ayant eu lieu le 7 avril 2015″.
Ainsi, « Si ce courrier fait état de carences dans l’enseignement de certaines disciplines et annonce l’intervention d’un nouveau contrôle, il ne spécifie pas qu’il constitue une mise en demeure, ne demande pas à l’issue d’un délai préalablement fixé, au directeur de l’établissement de fournir ses explications ou d’améliorer la situation, ni n’indique hors la saisine du procureur de la République sur le fondement de l’article 227-17 du code de procédure pénale, les sanctions qui pourraient être prononcées. »
Le juge constate donc l’absence de respect de la formalité de mise en demeure préalable du chef d’établissement. En conséquence, les mises en demeure subséquentes des parents d’élèves d’inscrire leurs enfants dans un autre établissement que l’école Al Badr sont jugées illégales et sont donc annulées.
CAA Toulouse, 2e ch., 26 janv. 2023, n° 21TL21460. Voir aussi: CE, 3-8 chr, 2 avr. 2021, n° 434919