Recours abusif aux CDD dans la fonction publique : condamnation de l’employeur pour préjudice financier et préjudice moral

Le tribunal administratif de Versailles a rendu une décision illustrant la possibilité d’engagement de la responsabilité de l’administration en cas de recours abusifs à des CDD.

Le juge rappelle le principe selon lequel ‘ » il incombe au juge, pour apprécier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, de prendre en compte l’ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d’organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause. » (cf. CE, 4e ch. jugeant seule, 16 mai 2018, n° 396107.)

Dans cette affaire, la requérante a d’abord été recrutée pour occuper les fonctions de coordinatrice du dispositif de réussite scolaire éducative auprès du CCAS (….) durant une période de neuf années. Le juge indique que  » La circonstance qu’elle a occupé, au sein du CCAS, le poste de responsable en charge de l’aide sociale légale et du handicap (…) est sans incidence sur la période durant laquelle Mme B a été recrutée, sous contrats à durée déterminée successivement renouvelés, au sein de cette collectivité, ainsi que sur l’appréciation du caractère abusif du recours à de tels contrats. »

Le juge rejette la défense de l’administration. En effet, « Il est constant que ce poste de coordinatrice du dispositif de réussite scolaire éducative constitue un emploi permanent du CCAS et si les contrats versés au dossier font état de la particularité de ce poste, laquelle n’aurait pas permis le recrutement d’un agent titulaire, le CCAS ne fournit en défense aucun élément permettant d’en justifier.  »

Le juge reconnait donc que le CCAS  a  » recouru abusivement à une succession de contrats à durée déterminée « .

Le juge administratif estime ensuite le préjudice subi par l’agent. D’une part, le « préjudice financier subi à raison du recours abusif à une succession de contrats à durée déterminée doit être évalué en fonction des avantages financiers auxquels l’agent aurait pu prétendre en cas de licenciement s’il avait été employé dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée. ». Ce dernier est estimé à 7 810 euros.

D’autre part, « du fait de son maintien dans une situation précaire durant dix années, un préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence, dont il doit être fait une juste appréciation en les évaluant à la somme de 3 000 euros. »

Décision commentée: TA Versailles, 2e chambre., 18 juillet 2022, n° 2003003. 

Voir dans le même sens: CAA Paris, 26 juin 2019, n° 18PA01755, CAA Lyon, 6 mai 2021, n° 19LY00687;  CAA Versailles 28 mars 2019, n° 16VE03427; CAA Versailles,  17 octobre 2019, n° 18VE01948 ; CAA Marseille, 13 juillet  2016, n° 14MA01848