Que faire en cas d’accidents à l’école?

Les élèves disposent d’un véritable droit à la sécurité au sein de leur école, de leur collège ou de leur lycée, garanti par le code de l’éducation. Il incombe réciproquement aux personnels et à la direction des établissements d’assurer la sécurité des élèves placés sous leur surveillance.

Lorsqu’un accident ou plus généralement un évènement violent survient à l’école, la question se pose de la personne juridiquement responsable et des modalités dont disposent les parents pour obtenir la réparation des préjudices subis.

Responsabilité en raison d’un défaut de surveillance

La faute: le manquement à l’obligation de surveillance

L’obligation de surveillance est prévue par le code de l’éducation.

L’article D. 321-12 du Code de l’éducation prévoit que « La surveillance des élèves durant les heures d’activité scolaire doit être continue et leur sécurité doit être constamment assurée en tenant compte de l’état de la distribution des locaux et du matériel scolaires et de la nature des activités proposées ».

Pour l’enseignement primaire, cette obligation est précisée par la circulaire n°97-178 du 18 septembre 1997 relative à la surveillance et la sécurité des élèves dans les écoles maternelles et élémentaires publiques:

« L’obligation de surveillance doit être exercée de manière effective et vigilante pendant la totalité du temps scolaire, c’est-à-dire pendant toute la durée au cours de laquelle l’élève est confié à l’institution scolaire. La surveillance est continue quelle que soit l’activité effectuée et le lieu où elle s’exerce. Ce service de surveillance s’exerce partout où les élèves ont accès, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des locaux scolaires, dans les cours de récréation, les aires de jeux et autres lieux d’accueil. Leur sécurité est constamment assurée soit par les enseignants, soit par des intervenants extérieurs lorsqu’un groupe d’élèves leur est confié après que les maîtres ont pris toutes les mesures garantissant la sécurité de leurs élèves… ».

Une circulaire équivalente existe pour les collégiens et les lycéens (Circulaire no 96-248 du 25 octobre 1996).

Tout manquement à cette obligation de surveillance pourra constituer une faute, qui permet de demander la réparation du préjudice en raison de cette dernière.

La responsabilité de l’Etat en cas d’accidents à l’école

Cas des écoles publiques

Les enseignants sont en principe responsable en cas d’accident ou plus généralement de dommage causé à un élève par un autre élève, et ce, en application du code civil: « Les instituteurs [sont responsables] (…) du dommage causé par leurs élèves (….) pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance. » (disposition issue de la loi du 5 avril 1937 codifiée à l’article 1242 du code civil).

Le dommage doit donc imputable à un enseignant, ou à un membre de l’enseignement public. Les personnes concernées sont, outre les enseignants, tous ceux qui ont des fonctions de direction dans l’établissement (principaux, proviseurs…), et ceux qui sont chargés de la surveillance : conseillers d’éducation, surveillants d’externat ou d’internat… Les personnels administratifs, ouvriers de service et de santé sont exclus du champ d’application de la loi de 1937 car ils
n’ont pas une obligation de surveillance des élèves (TA Paris, 24 novembre 1966, Bridault et Todmann, Rec. CE, p. 798).

Les parents de la victime ne peuvent pas se retourner directement contre ces personnels chargés de la surveillance des élèves. C’est l’Etat qui est responsable en cas de dommage, qui se substitue à l’enseignant :

Le code de l’éducation indique clairement en ce sens :

« Dans tous les cas où la responsabilité des membres de l’enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l’occasion d’un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l’Etat est substituée à celle desdits membres de l’enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants.

Il en est ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d’enseignement ou d’éducation physique, non interdit par les règlements, les élèves et les étudiants confiés ainsi aux membres de l’enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers. » (article L. 911-4 du code de l’éducation).

La circulaire n°97-178 du 18 septembre 1997 précitée précise pour le primaire :

« L’institution scolaire assume la responsabilité des élèves qui lui sont confiés. Elle doit veiller à ce que les élèves ne soient pas exposés à subir des dommages et n’en causent pas à autrui. […] En cas d’accident, la responsabilité de l’institution scolaire risque d’être engagée tant que les élèves sont placés sous sa garde. Il en résulte une obligation de surveillance qui ne se limite pas à l’enceinte scolaire. Elle vaut pour l’ensemble des activités prises en charge par l’école qu’elles soient obligatoires ou facultatives et en quelque lieu qu’elles se déroulent ».

La circulaire n° 96-248 du 25 octobre 1996 concernant les collèges et les lycées va dans le même sens.

Pour qu’il y ait indemnisation, il est nécessaire qu’il y ait faute, et que cette dernière résulte d’un défaut de surveillance. Le juge va rechercher comment se serait comporté un enseignant « compétent » dans une situation identique

Même si c’est la responsabilité de l’Etat qui est engagée, ce contentieux est jugé par les tribunaux judiciaires et non par les tribunaux administratifs. L’action en responsabilité doit être portée devant le tribunal judiciaire où le dommage a été causé. L’action doit être dirigée contre l’autorité académique compétente. Cette règle interdit l’action directe de la victime contre l’auteur ou le responsable réel du dommage devant le juge judiciaire.

Cas des écoles privées

L’article L. 911-4 du code de l’éducation qui prévoit que l’Etat se substitue à la responsabilité des enseignants s’applique également aux élèves privées sous contrat. C’est donc le même régime juridique qui s’applique (cass. civ. 2e du 24.4.81, n° 79-14666).

Pour les écoles privées hors contrat, le mécanisme de substitution ne s’appliquera pas. Les parents pourront donc rechercher la responsabilité de l’enseignant en cas de défaut de carence, ou de l’établissement si le problème est la conséquence d’une carence de l’école. Ils ne pourront pas engager la responsabilité de l’Etat.

Illustrations

Exemples d’accidents ayant donné lieu à la mise en jeu de la responsabilité de l’Etat pour défaut de surveillance de la part de l’enseignant:

  • accident impliquant le muret séparant la cour de récréation en deux en raison de l’absence de surveillant afin d’écarter systématiquement les enfants du muret (TGI Béthune, 28 mars 1995, Negroes c/préfet du Pas-de-Calais, n° 93/187.).
  • défaut de surveillance d’une cour de récréation (Grenoble, 2e civ., 12 mai 2009, Grenetier c/préfet des Hautes-Alpes, n° 07/01901.).
  • lancers de projectiles entre élèves (Grenoble, 15 mai 1995, Faure c/Aguerra et préfet de l’Isère, n° 93/4973.
  • chute d’un élève dans un escalier dans une bousculade et laissé sans surveillance (Civ., 8 juillet 1998, Préfet des Bouches-du-Rhône c/ Hierro, n° 944P).
  • accident lors d’un cours de physique ayant entrainé la mort de l’éève (TGI Évry, 11 mai 1999, Ministère public c/ Sanz, Marinier, Dumartin, n° 9532810002, no 163).
  • Accidents de natation (CA Aix-en-Provence, 1er juin 2004, de. M., n° 8971/04 ; CA Nîmes, 25 juin 2002, R., n° 743/02 ; Civ. 2e, 23 oct. 2003, n°02-14.359) ou de sport (TGI Marseille, 10 octobre 2007, n° 2007/6464)
  • Mise en place d’un jeu de combat sans équipement adéquat (Civ. 2e, 3 juill. 2003, n° 02-15.696, Bull. civ. II, n°230),
  • chute pendant un exercice à la poutre sans tapis de protection (Civ. 2e, 5 novembre 1998, 96-16662).

 

La responsabilité de l’Etat en raison d’un défaut d’organisation de l’école

Dans certaines hypothèses, ce n’est pas le défaut de surveillance d’un enseignant qui a permis ou causé l’accident, mais un problème systémique d’organisation du service.

Dans cette hypothèse, ce n’est pas l’enseignant mais l’Etat qui est responsable. Il convient de rechercher sa responsabilité devant le tribunal administratif, en veillant à respecter la prescription quadriennale.

Un juge a par exemple pu retenir la carence dans l’organisation dans une affaire où un seul agent municipal était chargé de la surveillance de très nombreux élèves. La carence a également été retenu lorsque des enfants avaient été laissés sans surveillance.

Cas des accidents intervenus à la cantine

Il convient de préciser le cas particulier des accidents intervenus au sein de la cantine. La restauration scolaire est en effet un service public municipal et ne relève donc pas de l’Etat ni des rectorats.

En ce sens, l’article 5 de la Circulaire n°97-178 du 18 septembre 1997 indique que :« Pendant le service de cantine scolaire […] les personnes chargées de la surveillance des élèves peuvent être des agents communaux ; dans ce cas […] les directeurs d’école et les enseignants n’ont donc de responsabilité à assumer en matière de surveillance que s’ils ont accepté cette mission que la commune leur aura proposée ».

En principe c’est donc la Commune, représentée par le maire, qui sera responsable du dommage, sauf si un accord a été conclu avec entre cette dernière et l’établissement. Dans cette hypothèse, l’affaire devra être portée devant le tribunal administratif.

Responsabilité pénale en cas d’accident scolaire

Une action pénale peut également être lancée, soit par le ministère public soit à la suite d’une plainte de la victime. La jurisprudence permet désormais aux victimes de mettre en œuvre l’action publique et de traduire les membres de l’enseignement devant le tribunal correctionnel, en portant plainte avec constitution de partie civile.

Cette action s’appuie sur les infractions du Code pénal qui qualifient de délits l’imprudence, la négligence ou le manquement à une obligation de sécurité ou de prudence prévu par la loi et les règlements, lorsqu’ils ont été cause d’une atteinte à l’intégrité de la personne.

L’action pénale peut intervenir à l’encontre d’un agent ayant manqué à son devoir de vigilance à l’égard des élèves ou en raison d’une carence dans l’organisation du service.

Il convient de préciser que l’article 11 bis A du statut général de la fonction publique résultant de la loi n°96-393 du 13 mai 1996, précise que les fonctionnaires et agents publics ne peuvent être condamnés sur un tel fondement « que s’il est établi qu’ils n’ont pas accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés
propres aux missions que la loi leur confie ».