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Possibilité de fournir un certificat médical hors délai en cas d’information trompeuse délivrée par l’université

Le jugement rendu le 7 novembre 2023 par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne apporte un éclairage important sur les obligations d’information pesant sur les établissements d’enseignement supérieur et sur les conséquences qu’ils doivent assumer lorsque ces obligations ne sont pas correctement remplies. Cette décision illustre la vigilance du juge administratif face aux rigueurs formelles qui peuvent sanctionner les étudiants de manière disproportionnée.

Une absence pour raisons médicales aux conséquences dramatiques

L’affaire concernait un étudiant inscrit en deuxième année de licence de sciences de la vie qui, pour des raisons médicales, n’avait pu se présenter le 9 janvier 2023 à un examen de physiologie de la nutrition animale. Le règlement des études de l’université prévoyait qu’en cas d’absence non justifiée à une épreuve, l’étudiant était déclaré défaillant non seulement pour cette épreuve mais pour l’ensemble du semestre, avec impossibilité de bénéficier du mécanisme de compensation entre matières. Cette sanction, particulièrement sévère, avait des répercussions importantes sur le parcours universitaire de l’étudiant et, comme il le soulignait dans sa requête, sur le renouvellement de son titre de séjour.

Face à cette situation, le jury avait considéré que l’étudiant n’avait pas produit de justificatif d’absence dans les délais réglementaires et l’avait déclaré défaillant. Le président de l’université avait confirmé cette position en rejetant le recours gracieux formé par l’intéressé. La rigueur formelle l’avait donc emporté sur l’examen du bien-fondé de l’absence.

Un étudiant diligent face à une administration défaillante

Le tribunal administratif a reconstruit avec précision la chronologie des démarches accomplies par l’étudiant. Dès le soir même de l’examen manqué, celui-ci avait adressé un courriel à l’enseignant responsable de l’unité d’enseignement pour expliquer son absence et s’enquérir de la procédure à suivre. Cette réactivité témoignait de sa volonté de régulariser sa situation dans les meilleurs délais.

L’enseignant l’avait renvoyé vers le service de la scolarité en lui indiquant simplement qu’il devait communiquer le motif de son absence, sans préciser la nécessité de produire un certificat médical dans un délai déterminé. L’étudiant s’était alors immédiatement adressé au responsable du service scolarité par courriel, exposant les raisons de son absence et demandant des informations sur les démarches à accomplir. La réponse qu’il avait reçue le 11 janvier se contentait de l’inviter à se présenter au service pour qu’on lui expose les différentes options possibles.

Le point crucial de l’affaire réside dans le fait que, malgré des passages réguliers de l’étudiant au service de la scolarité depuis cette réponse, il n’avait pu obtenir un entretien avec le responsable que le 13 janvier. À cette date, on lui avait indiqué que le délai pour produire un justificatif était expiré, alors qu’en réalité, conformément au règlement des études qui imposait la production d’un justificatif dans les cinq jours ouvrés suivant l’épreuve, ce délai n’expirait que le 16 janvier.

Une analyse juridique équilibrée du tribunal

Le tribunal a adopté une position nuancée qui mérite d’être soulignée. Il a commencé par rappeler que le règlement des études était accessible et contenait les informations nécessaires concernant les justifications d’absence. Cette accessibilité aurait pu, dans d’autres circonstances, justifier qu’on reproche à l’étudiant de ne pas avoir pris connaissance par lui-même des modalités applicables.

Cependant, le juge a considéré que, dans les circonstances particulières de l’espèce, caractérisées par la diligence de l’étudiant dans ses démarches et par la carence de l’administration dans son devoir d’information, il convenait de retenir que l’absence était justifiée. Le tribunal a relevé que l’étudiant, une fois dûment informé des modalités à respecter, avait produit un certificat médical attestant de son impossibilité de passer l’examen. Ce certificat confirmait la réalité de l’empêchement médical invoqué dès le jour même de l’absence.

La solution retenue par le tribunal repose ainsi sur une appréciation concrète de la situation, prenant en compte à la fois le comportement diligent de l’étudiant et les manquements de l’administration dans son obligation d’information. Le juge a estimé qu’il serait inéquitable de faire supporter à l’étudiant les conséquences d’un défaut d’information imputable à l’université, alors même qu’il avait manifesté dès le départ sa volonté de régulariser sa situation.

Les enseignements pratiques

Cette décision rappelle aux établissements d’enseignement supérieur qu’ils ne peuvent se retrancher derrière la seule accessibilité théorique de leur règlement intérieur lorsqu’un étudiant sollicite expressément des informations sur les démarches à accomplir. L’obligation d’information doit être effective et non purement formelle. Pour les étudiants, ce jugement souligne l’importance de documenter précisément toutes leurs démarches et de conserver les preuves de leurs diligences, notamment les échanges de courriels avec l’administration.

TA Châlons-en-Champagne, 3e ch., 7 nov. 2023, n° 2301111.