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L’université est obligée de délivrer une attestation de validation de stage à l’étudiant

Le Tribunal administratif de Rennes vient de rendre une décision importante sur l’articulation entre la souveraineté des jurys universitaires et le respect de la réglementation encadrant l’accès aux professions réglementées. Cette affaire illustre la distinction fondamentale entre l’appréciation des mérites d’un candidat, qui relève du pouvoir souverain du jury, et l’application mécanique d’une règle réglementaire qui s’impose à lui.

Un étudiant en master 2 psychologie sociale du travail et des organisations, parcours ergonomie et psychologie des facteurs humains, à l’université Rennes 2, avait obtenu son diplôme avec la mention assez bien et une moyenne générale de 13,391 sur 20. Il avait notamment validé son stage professionnel avec la note de 14 sur 20 et son mémoire avec 12 sur 20, obtenant ainsi les 25 crédits d’enseignement relatifs à cette unité.

Toutefois, l’attestation de validation du stage professionnel, document distinct du diplôme et nécessaire pour faire usage du titre de psychologue, ne lui avait pas été délivrée. Face au silence de l’université, puis au rejet de ses recours gracieux et hiérarchique, l’étudiant avait saisi le tribunal administratif pour obtenir l’annulation de ces refus et la délivrance de l’attestation.

Le tribunal rappelle d’abord le dispositif législatif et réglementaire encadrant l’usage professionnel du titre de psychologue. Ce titre est protégé et réservé aux titulaires de certains diplômes comportant notamment un stage professionnel dont les modalités sont fixées par arrêté ministériel.

L’arrêté du 19 mai 2006 précise que le stage professionnel doit avoir une durée minimale de 500 heures et vise à conforter les capacités d’autonomie de l’étudiant en le plaçant dans une situation professionnelle réelle. Au terme du stage, l’étudiant remet un rapport qu’il soutient devant les responsables du stage et un enseignant-chercheur en psychologie. L’article 3 de cet arrêté dispose de manière claire que la validation du stage donne lieu à la délivrance d’une attestation établie selon un formulaire annexé.

Cette attestation constitue donc un document réglementaire distinct du diplôme de master lui-même, dont la délivrance obéit à des règles spécifiques destinées à garantir que les futurs psychologues ont bien acquis une expérience professionnelle conforme aux exigences de la profession.

Le tribunal relève qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier que le jury aurait collégialement refusé de délivrer l’attestation à l’étudiant. Il ne résulte pas davantage des procès-verbaux que le stage suivi ne répondait pas aux exigences réglementaires, notamment quant à sa durée ou son contenu. L’université ne le soutient d’ailleurs pas en défense.

Or, le point central de la décision réside dans l’analyse suivante : dès lors que le jury a, par l’attribution d’une note moyenne de 13 sur 20 pour l’unité d’enseignement correspondante, validé le stage obligatoire suivi par l’étudiant, il était tenu de lui délivrer l’attestation de validation du stage prévue par la réglementation. Cette obligation découle directement des termes de l’article 3 de l’arrêté du 19 mai 2006.

Le tribunal qualifie donc d’erreur de droit le refus implicite du jury de délivrer l’attestation. Cette qualification est essentielle : elle signifie que le jury a méconnu une règle de droit en ne tirant pas les conséquences réglementaires d’une validation qu’il avait lui-même prononcée.

La décision contient un second enseignement majeur concernant l’invocation, par la présidente de l’université, du principe de souveraineté du jury pour rejeter le recours hiérarchique de l’étudiant. Le tribunal censure cette argumentation en rappelant que la demande de l’étudiant ne portait pas sur l’appréciation de ses mérites mais uniquement sur le respect de la réglementation en vigueur.

Cette distinction est fondamentale. La souveraineté du jury, principe bien établi en matière universitaire, permet aux jurys d’apprécier librement les connaissances et les aptitudes des candidats. Elle protège leur pouvoir d’évaluation contre toute immixtion, y compris juridictionnelle. Cependant, cette souveraineté ne les dispense pas de respecter les règles de procédure et de fond qui encadrent leurs décisions.

En l’espèce, la question n’était pas de savoir si l’étudiant méritait ou non la validation de son stage, cette appréciation ayant déjà été portée par le jury à travers l’attribution d’une note satisfaisante. La question était uniquement de savoir si, cette validation ayant été prononcée, l’attestation réglementaire devait ou non être délivrée. Sur ce point purement juridique, aucune marge d’appréciation n’existait : la délivrance de l’attestation constituait une conséquence automatique et obligatoire de la validation du stage.

Le tribunal opère ainsi une distinction salutaire entre deux types de décisions : celles qui relèvent de l’appréciation souveraine du jury, insusceptibles de contrôle juridictionnel sauf erreur manifeste, et celles qui consistent en l’application mécanique d’une règle réglementaire, pleinement soumises au contrôle du juge.

Tirant les conséquences de l’annulation des décisions contestées, le tribunal fait application de l’article L. 911-1 du code de justice administrative pour enjoindre au président de l’université d’entreprendre les diligences utiles auprès du président du jury afin que l’attestation soit remise à l’étudiant dans un délai d’un mois.

Cette injonction est particulièrement bienvenue car elle évite à l’étudiant de nouvelles démarches et garantit l’effectivité du jugement. Le tribunal reconnaît implicitement que la décision d’annulation implique nécessairement la délivrance de l’attestation dans un sens déterminé, ce qui justifie le prononcé d’une injonction précise.

Cette décision rappelle utilement que la souveraineté des jurys universitaires, bien que réelle et protégée, n’est pas absolue. Elle ne peut être invoquée pour échapper à l’application de dispositions réglementaires claires qui s’imposent à tous, y compris aux instances d’évaluation universitaire. Lorsqu’une règle établit un lien automatique entre la validation d’une épreuve et la délivrance d’une attestation, le jury ne dispose d’aucune marge d’appréciation pour refuser cette délivrance une fois la validation prononcée.

La décision protège ainsi efficacement les droits des étudiants face à des situations où l’administration universitaire pourrait être tentée d’opposer un principe de souveraineté qui ne trouve pas à s’appliquer.

TA Rennes, 3e ch., 21 déc. 2023, n° 2202779.