Le Conseil d’Etat a rendu le 19 juillet 2022 une très intéressante décision sur le droit à l’éducation des enfants en situation de handicap. La décision précise le régime juridique de la responsabilité pour faute de l’Etat en cas de manquement à son obligation de scolarisation des élèves en situation de handicap.
Il est ainsi jugé après avoir rappelé les divers dispositions législatives garantissant le droit à l’éducation :
« que le droit à l’éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation et, d’autre part, que l’obligation scolaire s’appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants en situation de handicap ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. Ainsi, il incombe à l’Etat, au titre de sa mission d’organisation générale du service public de l’éducation, et, le cas échéant, de ses responsabilités à l’égard des établissements sociaux et médico-sociaux, de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants en situation de handicap, un caractère effectif.
5. Il s’ensuit que la carence de l’Etat à assurer effectivement le droit à l’éducation des enfants soumis à l’obligation scolaire est constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité. La responsabilité de l’Etat doit toutefois être appréciée en tenant compte, s’il y a lieu, du comportement des responsables légaux de l’enfant, lequel est susceptible de l’exonérer, en tout ou partie, de sa responsabilité. En outre, lorsque sa responsabilité est engagée à ce titre, l’Etat dispose, le cas échéant, d’une action récursoire contre un établissement social et médico-social auquel serait imputable une faute de nature à engager sa responsabilité à raison du refus d’accueillir un enfant orienté par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. »
Le Conseil d’Etat censure l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon qui n’avait pas condamné l’Etat pour le seul motif que les parents n’avaient pas pris contact avec l’ensemble des établissements sociaux et médico-sociaux mais seulement certains d’entre eux. Le juge considère que cette seule circonstance ne permet pas d’exonérer la responsabilité de l’Etat car les dommages invoqués ne trouvaient pas leur cause exclusive dans le comportement des parents de cet enfant.
Il reprend ensuite l’affaire au fond en relevant que l’enfant n’a bénéficié d’aucun mode de scolarisation « entre le 9 septembre 2011 et le 8 janvier 2013, alors que la CDAPH avait prescrit son orientation vers plusieurs établissements sociaux et médico-sociaux, » Le juge considère qu « un tel défaut de scolarisation est constitutif d’une carence fautive de l’Etat, de nature à engager sa responsabilité. »
Le juge souligne que les parents, n’ont certes pas immédiatement contacté « l’ensemble des structures vers lesquelles celle-ci avait orienté leur enfant »… « ils ont saisi, les uns après les autres, les établissements désignés par la commission à titre préférentiel » et ont signalé leur situation à l’ARS à de multiples reprise.
L’Etat est donc condamné à indemniser les préjudices subis par l’enfant et par les parents du fait de cette absence de prise en charge.
Référence : Conseil d’État, 19 juillet 2022, n° 428311