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Dispense d’assiduité en master : le Tribunal sanctionne les refus fondés sur des motifs erronés

Le Tribunal administratif de Paris, dans un jugement rendu le 23 octobre 2025, apporte un éclairage précieux sur les conditions dans lesquelles une université peut refuser d’accorder une dispense d’assiduité à un étudiant exerçant une activité professionnelle. Cette décision illustre l’importance du respect des procédures et de l’exactitude des motifs invoqués par l’administration universitaire dans ses décisions de refus.

Les faits de l’espèce

L’affaire concernait un ingénieur en informatique qui avait décidé de reprendre des études en master de droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas tout en poursuivant son activité professionnelle. Après avoir validé sa première année, il s’est inscrit en deuxième année pour l’année universitaire 2022-2023 et a sollicité une dispense d’assiduité par courrier distribué le 11 octobre 2022. Le président de l’université a rejeté cette demande le 4 janvier 2023, décision confirmée par le directeur général des services adjoint le 13 mars 2023. L’étudiant n’ayant pas validé sa deuxième année, sa demande de redoublement a également été refusée le 10 octobre 2023.

Le cadre réglementaire applicable

Le règlement des examens du master prévoyait que les étudiants justifiant d’une activité professionnelle continue pouvaient exceptionnellement être dispensés du contrôle continu par décision du président, sur proposition du responsable de la formation. Cette possibilité, bien qu’exceptionnelle, constituait donc un droit pour les étudiants remplissant les conditions requises.

L’analyse du refus de dispense d’assiduité

Le tribunal a procédé à un examen minutieux des motifs invoqués par l’université pour justifier son refus. Premier motif avancé : l’étudiant n’aurait pas suivi en première année un cours obligatoire de droit parlementaire du parcours. Le tribunal a écarté cet argument au motif que l’étudiant démontrait, sans être contredit, que ce cours n’était pas obligatoire en première année.

Deuxième motif : la demande aurait été tardive et l’équipe enseignante, composée majoritairement de personnels non universitaires, ne pouvait plus matériellement organiser des examens de substitution, le premier semestre étant quasiment terminé. Le tribunal a rejeté cette argumentation en relevant que l’étudiant avait adressé sa demande dès le 11 octobre 2022, soit au début de l’année universitaire, et qu’il ne pouvait lui être fait grief de l’avoir envoyée tardivement.

Enfin, l’université reprochait à l’étudiant de n’avoir suivi aucun cours dans l’attente de la réponse à sa demande, alors que le formulaire précisait que la présence aux travaux dirigés demeurait obligatoire. Le tribunal a estimé qu’un tel motif ne pouvait justifier le refus de dispense.

Cette analyse conduit le juge administratif à conclure que la décision de refus reposait sur des faits matériellement inexacts, vice qui entraîne l’annulation de la décision sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés.

Les conséquences sur le refus de redoublement

Le tribunal s’est ensuite penché sur la décision refusant le redoublement. Le règlement des examens prévoyait qu’un seul redoublement pouvait exceptionnellement être autorisé, mais cette disposition ne concernait expressément que la première année de master. Toutefois, le tribunal a relevé que l’université avait appliqué ces dispositions de manière gracieuse à la deuxième année en sollicitant l’avis du jury d’examen.

Le jury avait fondé son refus sur trois éléments : l’absence de l’étudiant aux cours obligatoires, sa non-présentation à cinq matières et l’obtention de sa première année seulement au rattrapage. Le tribunal a considéré que ces motifs ne pouvaient être retenus. D’une part, l’étudiant s’était vu refuser à tort sa dispense d’assiduité alors qu’il exerçait une activité professionnelle. Il ne pouvait donc lui être reproché de ne pas avoir assisté aux cours ou de ne pas s’être présenté aux examens correspondants. D’autre part, si l’étudiant avait effectivement dû passer une matière au rattrapage en première année, cela résultait d’une omission de l’université qui ne lui avait pas envoyé la convocation pour l’épreuve orale.

Le tribunal a également pris en compte des éléments favorables à l’étudiant : il avait obtenu la moyenne à quatre des cinq épreuves passées et avait négocié un contrat à mi-temps avec son employeur pour pouvoir suivre les cours l’année suivante. Au regard de l’ensemble de ces circonstances, le juge a estimé que la décision était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Les enseignements de cette décision

Ce jugement rappelle plusieurs principes fondamentaux. L’administration universitaire doit fonder ses décisions sur des motifs exacts et vérifiables. Les refus de dispense d’assiduité ne peuvent reposer sur des erreurs factuelles concernant le caractère obligatoire de certains enseignements ou sur une prétendue tardiveté de la demande lorsque celle-ci a été formulée dans des délais raisonnables.

La décision illustre également le contrôle exercé par le juge administratif sur l’appréciation de la situation des étudiants par les jurys d’examen. Bien que ces derniers disposent d’un large pouvoir d’appréciation, leurs décisions ne peuvent reposer sur des griefs infondés ou sur des circonstances dont l’université elle-même est responsable.

Sur le plan procédural, le tribunal a prononcé une injonction à l’université de procéder à la réinscription de l’étudiant en deuxième année et de réexaminer sa demande de dispense d’assiduité dans un délai d’un mois. L’université a également été condamnée à verser 2000 euros à l’étudiant au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Cette décision devrait inciter les établissements d’enseignement supérieur à la plus grande rigueur dans l’examen des demandes de dispense d’assiduité et dans la motivation de leurs refus, particulièrement lorsqu’ils concernent des étudiants en reprise d’études qui exercent une activité professionnelle parallèlement à leur formation.

TA Paris, 1re sect. – 3e ch., 23 oct. 2025, n° 2327145