A quelle condition le directeur de l’AEFE peut il refuser une demande d’attribution d’une bourse ?
L’affaire portée devant la Cour administrative d’appel de Paris, portait sur une demande de bourse scolaire au profit de ses deux enfants scolarisés en CM 2 et CE 1 au lycée français international Marguerite Duras de Hô Chi Minh-Ville au Vietnam. La demande avait été refusée par le directeur de l’AEFE qui n’a accordé que 50% des frais de scolarité de chacun de ses enfants.
Le juge rappelle le cadre juridique fixé à l’article L. 452-2 du code de l’éducation. Le directeur de l’AEFE avait adopté une instruction spécifique, applicable pour l’année scolaire 2018-2019. Le juge relève que « Ce faisant, cette autorité, qu’aucun texte de nature législative ou réglementaire n’avait habilitée à adopter un acte réglementaire ayant un tel objet, doit être regardée comme ayant défini, sans renoncer à son pouvoir d’appréciation, des orientations générales en vue de l’exercice de son pouvoir d’accorder des bourses scolaires, qui sont opposables aux familles ayant demandé de telles bourses ».
L’instruction prévoyait « en son point 2.11, que le quotient maximal au-delà duquel aucune bourse n’est accordée (hors barème revenus) est fixé à 21 000 euros et que le seuil en deçà duquel une quotité de bourse de 100% est attribuée est égal à un septième du quotient maximal, soit 3 000 euros, une quotité théorique partielle de bourse étant déterminée selon une formule prédéfinie si le quotient de la famille est compris entre ces deux valeurs. Elle prévoit également, en son point 2.14.2, que le seuil d’exclusion du dispositif lié à la détention d’un patrimoine mobilier est fixé, à sa valeur la plus basse, à 50 000 euros et celui lié à la détention d’un patrimoine mobilier fixé, à sa valeur la plus basse, à 150 000 euros. » Le point 4.1 dispose en outre que le patrimoine mobilier et immobilier des familles n’est pas comptabilisé dans le revenu de la famille, à l’exception des revenus locatifs et des revenus tirés du capital mobilier. Enfin, le point 4.2 de l’instruction précise que l’instruction des demandes de bourses est fondée sur l’appréciation des revenus de l’année précédant celle de la demande.
Dans cette affaire, le refus de bourse, a été justifié par le fait que le directeur de l’AEFE a considéré que les justificatifs produits par l’intéressée ne permettaient pas d’établir sa situation financière, en raison d’une » gestion « très opaque » de la société dirigée par la requérante et son époux du fait, d’une part, d’un grand nombre d’opérations réalisées en numéraire et, d’autre part, de l’impossibilité de différencier le compte professionnel des comptes personnels de la famille, rendant difficile la détermination des revenus réels de cette dernière. »
Le juge censure l’appréciation de l’AEFE. Le juge considère que les documents fournis sont probants quand bien même la traduction n’était pas certifiée:
« Si l’AEFE soutient que ces traductions ne sauraient être prises en compte dès lors qu’elles ne sont pas « certifiées », leur examen fait ressortir que la traduction a été effectuée par une traductrice vietnamienne, associée d’une société de traduction basée à Hô Chi Minh-Ville, dont l’identité, les références de la carte d’identité et la signature manuelle sont apposées au bas du document, ainsi que le nom, la contresignature manuelle de la directrice adjointe de la société et le cachet de cette dernière. »
En outre le versement en espèce n’est pas rédhibitoire : « doit être regardée comme établissant que le montant du revenu professionnel du couple pour l’année de référence 2017 s’élève à la somme de 7 611,94 euros. La circonstance, à la supposer établie, qu’une partie voire la totalité des salaires auraient été versées en numéraire à C Le et son époux est sans incidence sur la détermination de ce revenu professionnel dès lors que la requérante soutient sans être contredite, d’une part, que le versement en espèces des salaires est d’un usage courant et légal au Vietnam, et, d’autre part, que ces documents comptables constituent également, en vertu de la réglementation de ce pays, des documents fiscaux qui ont été en l’espèce visés par les autorités fiscales vietnamiennes. »
« L’impossibilité de différencier le compte professionnel du compte personnel de la famille » alléguée par l’AEFE est également rejetée. En effet « l ’AEFE ne soutient ni même n’allègue que la production des relevés du compte personnel de l’époux de C Le aurait été demandée, ce relevé de compte produit par C Le correspond aux opérations de l’année 2018 et reste, en conséquence, sans incidence sur l’appréciation du revenu net familial à prendre en compte qui, en vertu du point 4.2 de l’instruction spécifique, est celui de 2017. »
Enfin, » l’AEFE n’invoque aucun élément précis de nature à constituer un commencement de preuve de ce que la gestion de la société de C Le et son époux aurait été « opaque » ou que ces derniers auraient perçu d’autres rémunérations que celles issues de leur activité professionnelle, sous quelque forme que ce soit. »
En dernier lieu s’agissant du patrimoine:
« la circonstance, invoquée par l’AEFE, que C Le et son époux auraient été propriétaire d’un bien immobilier d’une valeur de 74 708 euros et d’un patrimoine mobilier d’une valeur de 750 euros est sans incidence sur la détermination du revenu net de la famille pour 2017 dès lors que l’AEFE ne soutient ni même n’allègue que le couple aurait perçu des revenus locatifs de ce bien immobilier ou des revenus tirés de ce capital mobilier et que les montants indiqués ci-dessus se situent en deçà des valeurs les plus basses, mentionnées au point 5, d’exclusion du dispositif à raison de la détention d’un patrimoine mobilier ou immobilier. »
Le juge considère que le revenu net annuel de la famille à prendre en compte pour l’appréciation de son droit à obtenir une bourse scolaire au profit de ses deux enfants au titre de l’année scolaire 2018-2019 est de 7 611,94 euros. Par suite, ils étaient fondé à soutenir le directeur de l’AEFE a commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant l’octroi de la bourse.
CAA Paris, 4e ch., 3 mars 2023, n° 21PA01712.