Il est particulièrement difficile pour les militaires, en raison même de leur statut, de démissionner. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rappelle néanmoins que le refus d’accepter une démission d’un militaire se fait sous le contrôle du juge administratif qui peut annuler les refus abusifs.
L’affaire portait sur un militaire ayant signé le 1er mai 2016 un contrat d’engagement en qualité d’officier de l’armée de terre rattaché au corps des officiers des armes dans la spécialité « cavalerie blindée ». Le terme de son engagement était fixé au 30 avril 2026. Le 14 février 2023, il a déposé une demande de résiliation de son contrat. La demande de résiliation a été refusée au motif qu’il n’avait pas respecté le délai de préavis de deux mois entre la date du dépôt de la demande et la date d’effet souhaitée de la démission. Le 31 mars 2023, il a adressé une seconde demande de résiliation de son contrat d’engagement qui a été rejetée par une décision du 5 avril 2023 du ministre des armées au motif que l’intérêt du service s’y opposait. Après un recours -obligatoire – devant la commission des recours des militaires, refusé, le militaire a contesté devant le tribunal administratif la décision de refus de résiliation du contrat.
Le juge retient en premier lieu l’urgence à statuer en s’appuyant sur le fait que s’il n’est pas suspendu, le refus de résiliation « fera obstacle à ce qu’il puisse donner suite à une proposition d’embauche en qualité de « chargé du maintien en condition opérationnelle et politiques de défense » proposée par l’agence régionale de santé d’Ile-de-France. »
En outre, le juge prend en compte les contraintes familiales du militaire: « le requérant se trouve du son fait de la localisation de son affectation dans l’Aube contraint de ne pouvoir prêter assistance à sa mère, alors que la détérioration de l’état de santé de cette dernière requiert la présence régulière à ses côtés de son fils. »
Le juge prend en compte la faible justification de l’intérêt du service:
« Si le ministre des armées invoque l’intérêt public, tenant aux besoins du service, auxquels le départ de M. D B, serait préjudiciable, compte tenu de sa spécialité et de son expertise, les pièces versées à l’instruction et les indications données à l’audience révèlent que le supérieur hiérarchique direct du requérant et le chef de corps ont tous deux émis un avis favorable à son départ et que les personnels de la section où il est affecté sont en mesure d’accomplir les missions assumées par M. D B, lesquelles au demeurant paraissent essentiellement relever de tâches administratives sans spécificités. «
Après avoir retenu l’urgence, le juge retient l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision, en adoptant un raisonnement similiaire:
« Toutefois, en dehors de considérations de principe sur le devoir d’honorer un engagement pris, les circonstances générales dont se prévaut le ministre, relatives pour l’essentiel à la nécessité de disposer des compétences d’un officier aguerri et impliqué compte tenu des exigences qui s’attachent au poste sensible occupé par M. D B ou celles relatives à la fidélisation des personnels opérationnels et à la stabilisation des ressources humaines du ministère ne sont pas de nature, dans le cas d’espèce, à caractériser un intérêt du service justifiant le refus opposé à la demande alors que le ministre n’avance aucun élément sur l’activité future de M. B jusqu’au terme de son contrat dans trois ans justifiant qu’il soit maintenu en poste et sera sollicité pour ses compétences. »
Le juge considère comme suffisamment établie l’erreur manifeste d’appréciation commise par le ministre des armées. Le refus d’agrément à la demande de démission est donc suspendu.
TA Châlons-en-Champagne, 22 mai 2023, n° 2300914.