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Recours contre un refus d’ouverture d’un débit de boisson

Les “débits de boisson à consommer sur place” sont les bars, pubs, cafés, boîtes de nuit ou discothèques qui vendent de l’alcool consommée sur le lieu de vente. Leur ouverture nécessite des autorisations qu’il convient de préparer minutieusement (permis d’exploitation, licence, autorisation de transfert…).

L’exploitant peut contester les arrêtés du Maire ou du préfet devant le tribunal administratif, représenté ou non par un avocat.

1.Conditions pour exploiter un débit de boisson à consommer sur place

Les types d’établissement

Les débits temporaires sont ceux situés dans l’enceinte de lieu de l’activité organisée par l’État, une collectivité publique ou une association reconnue d’utilité publique, pendant la durée de la manifestation.

Les débits permanents sont tous les autres bars ou boîtes de nuit.

En revanche, les restaurants, même s’ils vendent de l’alcool, ne sont en principe pas soumis à la législation des “débits de boisson”. Les “restaurants” sont les établissements qui ne vendent de l’alcool qu’à l’occasion des repas et  manière accessoire à la nourriture. Un tel restaurant doit obtenir la licence restaurant et non la licence débit de boisson. En revanche, si l’établissement vend de l’alcool hors des repas, il doit posséder les deux licences (ex: un bar-restaurant).

Les types de licence

L’article L.3331-1 du code de la santé publique distingue entre trois types de licence:

  • La Licence II pour les licence de boissons fermentées: vin, bière, cidre, poiré, hydromel, crème de cassis, jus de fruits comportant jusqu’à 3° d’alcool
  • Licence III dite licence restreinte: vin de liqueurs, apéritif à base de vin, liqueur de fruits comprenant moins de 18° d’alcool
  • La licence IV ou grande licence: rhum et alcool distillé

 Conditions relatives au gérant

Nationalité:  le gérant doit être,  de nationalité française, européen, ou  ressortissant d’un pays ayant conclu un traité de réciprocité avec la France (Algérie, Andorre, Canada, République centrafricaine, Congo Brazzaville, États-Unis, Gabon, Iran, Mali, Monaco, Sénégal, Suisse et Togo).

Capacité: le gérant doit être majeur (ou mineur émancipé), ne pas être sur tutelle, et ne pas avoir été condamné à certaines infractions pénales.

Honorabilité:  Ne peuvent exploiter des débits de boissons à consommer sur place :

  •  les personnes condamnées pour crime de droit commun ou délit de proxénétisme ; dans ce cas l’incapacité est perpétuelle.
  • les personnes qui ont été condamnées à un mois au moins d’emprisonnement pour un certain nombre d’infraction. L’incapacité cesse cinq ans après la condamnation, si, pendant cette période, les personnes n’ont encouru aucune condamnation correctionnelle à l’emprisonnement.
  • les personnes pour lesquelles une interdiction d’exercer cette activité a été prononcée au titre d’une condamnation pour certaines infractions spécifiques.

Le lieu d’implantation

Un débit de boissons à consommer sur place ne peut pas être établi :

  • Pour les débits de boisson de 2ème et de 3ème catégorie: dans les communes où le total des établissements de cette nature et des établissements de 4ème catégorie atteint ou dépasse un quota, correspondant à la proportion d’un débit pour 450 habitants. Cette interdiction ne s’applique pas aux établissements dont l’ouverture intervient à la suite d’un transfert au sein d’un même département ou, en dehors du département, au profit d’un établissement, notamment touristique.
  • Pour les débits de 2ème, de 3ème et de 4ème catégorie:  dans des zones de protection délimitées par arrêtés préfectoraux. Toutefois, le préfet, après avis du maire, peut autoriser l’implantation d’un débit de boissons dans de telles zones, lorsqu’il n’existe qu’un seul débit de boissons sur le territoire de la commune et que les nécessités touristiques ou d’animation locale le justifient.
  • Pour les débits de 2ème, de 3ème et de 4ème catégorie: dans les établissements d’activités physiques et sportives. Des dérogations peuvent être accordées par arrêté des ministres chargés du tourisme et de la santé pour des installations situées dans des hôtels classés de tourisme ou des restaurants.

2. Procédure

Obtention d’un permis d’exploitation

Le permis d’exploitation est délivré par l’organisme de formation agréé, à la personne qui a réalisé la formation spécifique obligatoire pour l’exploitation d’un débit de boissons à consommer sur place.

La formation  porte sur la prévention et la lutte contre l’alcoolisme, la protection de mineurs et la répression de l’ivresse publique, la législation des stupéfiants, la lutte contre le bruit et les principes de la responsabilité civile et pénale…

Le permis d’exploitation est valable 10 ans.

Toute ouverture, mutation, translation ou transfert d’un débit de boissons à consommer sur place doit être précédée d’une déclaration en mairie. La mutation désigne le changement de propriétaire ou de gérant. La translation désigne le changement de lieu.

En pratique, il s’agit d’un formulaire CERFA à envoyer à la mairie (ou à la Préfecture de police à Paris).

La déclaration est réalisée par le propriétaire (s’il gère l’établissement) ou par le gérant du débit de boissons. Elle doit impérativement être effectuée dans les 15 jours qui précèdent l’ouverture, le transfert ou la mutation du débit de boisson.

Le Maire (ou le Préfet de police à Paris) délivre un récépissé à réception de la déclaration. Ce récépissé ne constitue pas l’autorisation d’exercer. La déclaration est transmise par les services municipaux au procureur de la République et au préfet qui vérifient la légalité de l’ouverture du débit de boissons.

Trois hypothèse sont possibles : (1) l’administration délivre l’autorisation, (2) elle la refuse, ou (3), elle ne répond pas. En cas d’absence de réponse, il est depuis 2015, prévu que le silence de deux mois à compter de la délivrance du récépissé vaut autorisation dans les hypothèses suivantes:

  • Autorisation de débit temporaire à consommer sur place dans l’enceinte des expositions ou foires organisées par l’État, les collectivités publiques ou les associations reconnue comme établissements d’utilité publique ;
  • Autorisation d’une buvette temporaire lors des foires, ventes ou fêtes publiques ;
  • Autorisation d’ouvrir un débit de boissons dans des établissements classés hôtels de tourisme, ou dans des restaurants situés au sein d’un établissement d’activités physiques et sportives.

Pour ces établissements, l’absence de réponse de l’administration permet donc à l’exploitant du débit de boissons d’obtenir son autorisation, même si cette dernière n’est pas matérialisée par un arrêté.

Déclaration préalable à l’ouverture d’un débit de boissons temporaire

Pour les débits de boissons temporaires, le contrôle est effectué non par le procureur et le préfet mais par le maire lui même.

Trois hypothèses peuvent êtres distinguées:

  • Les buvettes établies dans l’enceinte des expositions et foires organisées par l’État, les collectivités publiques et les associations reconnues d’utilité publique (C. santé publ., art. L. 3334-1 ). Ces buvettes sont soumises à déclaration à la mairie et à la recette buraliste des contributions indirectes avec l’avis du commissaire général de la foire ou de l’exposition. Elles ne peuvent fonctionner que pendant la durée des manifestations. Seules des boissons des 5 groupes peuvent y être vendues ou distribuées. Elles sont soumises aux dispositions relatives aux zones protégées.
  • Les buvettes installées par des personnes à l’occasion d’une foire, d’une vente ou d’une fête publique ou buvettes établies par des associations pour la durée des manifestations publiques qu’elles organisent, dans la limite de 5 autorisations par an pour chaque association ( C. santé publ., art. L. 3334-2 ). Elles doivent être autorisées par le maire. Les boissons vendues ou proposées y sont limitées aux boissons des 2 premiers groupes. L’ouverture d’une buvette de 2ème catégorie est interdite à l’intérieur d’une zone protégée.
  • Les buvettes installées dans les stades, les salles d’éducation physique, les gymnases et les établissements d’activités physiques et sportives ( C. santé publ., art. L. 3335-4 et D. 3335-16 à D. 3335-18 ). Elles doivent être autorisées par le maire, pour une durée de 48 heures maximum dans la limite de 10 autorisations annuelles pour les associations sportives agréées, deux autorisations annuelles par commune pour les manifestations à caractère agricole et quatre autorisations annuelles pour les organisateurs de manifestations à caractère touristique dans les stations classées et les communes touristiques. Les boissons vendues ou proposées y sont limitées aux boissons des 2e et 3e groupes (les boissons du 1er groupe peuvent être vendues ou distribuées sans autorisation).

Cas des transferts de licence de débit de boisson

En cas de changement de commune du débit de boissons à consommer sur place, le gérant doit demander l’autorisation de transfert au préfet. Il consulte le maire de la commune où le débit de boissons est actuellement installé et le maire de la commune où il est envisagé de le transférer.

Le transfert doit avoir lieu dans le même département, sauf dérogation prévue pour les établissements touristiques situés hors département.

Toutefois, s’il s’agit du dernier débit de boissons de 4ème catégorie de la commune, il ne peut pas être transféré.

3. Contrôle des débits de boisson

Contrôle par le Maire

Le Maire dispose d’un pouvoir de police général et est notamment chargé d’assurer “Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics“, prévu à l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales.

Le rôle du Maire est surtout important dans son pouvoir de refuser l’ouverture des débits de boissons temporaires. Ce refus doit être motivé par le maire par des raisons de nature à motiver l’existence de troubles à la sécurité ou à la tranquillité publiques.

La jurisprudence exige que ce refus d’autorisation soit circonstancié. Le Maire doit ainsi pouvoir démontrer qu’il existe des éléments de fait qui indiquent que des troubles à l’ordre public seraient susceptibles d’avoir lieu en cas d’installation du débit de boissons temporaire.

Contrôle des horaires d’ouverture

Les horaires d’ouverture des débits de boisson sont fixés par le préfet. Il prend un arrêté dans lequel il établit les horaires d’ouverture et de fermeture des débits de boissons à consommer sur place.

Dans ce cadre fixé par le préfet, le Maire peut également prendre un arrêté plus restrictif. Le Maire peut ainsi abaisser l’horaire de fermeture décidé par le préfet.

4. Contestation des décisions du Maire et du préfet : recours gracieux et recours contentieux

En cas de refus d’ouverture du débit de boissons opposé par le Maire, ou en cas de refus de transfert de la licence par le Préfet plusieurs voies contentieuses sont ouvertes au gérant ou au propriétaire. Les mêmes recours sont possibles pour contester les arrêtés du Maire et du Préfet relatifs aux horaires d’ouverture.

En premier lieu, il est possible de contester le refus par un recours gracieux déposé auprès du Maire ou du Préfet, en lui demandant de revenir sur sa décision. Ce recours doit impérativement être déposé dans le délai deux mois à compter de la notification de la décision de refus.

En cas de refus, ou d’absence de réponse  à ce recours gracieux, il peut être déposé devant le tribunal administratif compétent, un recours pour excès de pouvoir. A noter, ce recours doit être déposé dans le délai de deux mois à compter de la décision de refus, ou en cas de recours gracieux, dans le délai de deux mois à compter du refus opposé à ce recours.

Si le recours gracieux n’est pas obligatoire, il est vivement conseillé car il offre la possibilité d’expliquer et défendre son projet au Maire ou au Préfet. Il permet surtout d’obtenir une décision rapidement.  Il est néanmoins possible d’introduire directement un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté du maire devant le tribunal administratif dans les 2 mois qui suivent la notification de l’arrêté.

Ni le recours gracieux, ni le recours pour excès de pouvoir ne sont obligatoirement présentés par un avocat. Néanmoins, il est fortement conseillé d’être représenté par un avocat. A cette  occasion, la requête doit démontrer l’illégalité du refus d’ouverture du débit de boissons en invoquant des motifs tirés de l’incompétence, de vices de procédure, d’erreurs de fait ou de droit.

Le tribunal administratif contrôle notamment l’adéquation de l’interdiction aux éventuels troubles à l’ordre public municipal qui permettraient de justifier de la légalité de cette dernière mesure.

Ce recours pour excès de pouvoir peut être accompagné de référés qui permettent au juge de statuer en urgence, en particulier référé liberté et référé suspension.